La maison Saint-François à Lille, un lieu unique d’habitat partagé
Après la colocation intergénérationnelle et le coliving, la maison Saint-François, à Lille, va plus loin en matière de logement partagé. Depuis juin dernier, des personnes âgées et des étudiants se sont joints à des personnes en situation de handicap mental pour cohabiter. L’objectif est de créer un lieu de vivre ensemble, de partage intergénérationnel et de mixité sociale.
Bienvenue au 2 rue Berthollet à Lille ! Un endroit chaleureux, vivant et humain où les différences s’estompent, au profit du vivre-ensemble. Ici, 16 résidents : étudiants, personnes en situation de handicap mental et retraités, âgés de 25 à 89 ans se côtoient. Le principe de la maison Saint-François est simple : une grande autonomie des habitants dans un logement collectif. Chacun loue un studio de 15, 20 ou 30 m2, meublé et complètement indépendant avec une chambre, une kitchenette et une salle de bain. Un salon/bibliothèque, une cuisine, une salle à manger et une buanderie sont à la disposition de tous. Ces lieux communs permettent l’échange relationnel entre les résidents lors de repas, d’activités, toujours selon les envies de chacun. « Ici je me sens autonome et j’ai de la compagnie. J’aime aller manger tous les soirs avec les autres pour discuter. », confie Jean-Baptiste, présent à la maison Saint-François depuis 2018 (avant la création de l’habitat partagé). Il y est bien entouré tout en conservant son indépendance, lui qui travaille dans un ESAT (établissement et service d’aide par le travail réservé aux personnes en situation de handicap).
Les mardis soir, c’est le même rituel : tous les résidents se retrouvent dans la salle à manger pour partager un repas. L’occasion de faire remonter les problèmes, d’organiser des activités, d’échanger tout simplement. « J’apprends beaucoup au contact de ces personnes. C’est très enrichissant de découvrir tous ces parcours de vie différents. » explique Grégoire Deridder, coordinateur de la maison, en charge des tâches administratives et du bien-être des résidents.
Un lieu humain
Le projet de la maison Saint-François est né d’une vraie réflexion. La communauté de l’Arche Lille Métropole, présente à Wambrechies depuis 1983 et qui accompagne des personnes en situation de handicap mental, voulait aller plus loin dans sa démarche. En 2015, de nouvelles idées émergent : se rapprocher des jeunes et des entreprises, donner plus d’autonomie et de lien social aux personnes handicapées. La maison Saint-François est ainsi créée. Le bâtiment, ancienne maison franciscaine, est acheté en 2018 et subit trois ans de grands travaux pour obtenir aujourd’hui un lieu moderne et chaleureux. Si l’établissement a été fondé par une communauté catholique, la religion n’est pas le centre du projet. Un oratoire est mis à disposition, avec deux rendez-vous hebdomadaires, mais ils sont totalement facultatifs. D’ailleurs, il n’y a aucune obligation pour les résidents, seulement veiller à l’entretien de leur logement et des parties communes. « Chacun est libre ici, il n’y a pas de règles, sauf celle de respecter les autres », ajoute Grégoire Deridder. Recevoir est même possible : deux studios sont mis à disposition des visiteurs de passage. La liberté est donc le maître mot dans l’établissement, ce qui le différencie d’un EHPAD ou d’un foyer. C’est un lieu ouvert et vivant. Des groupes extérieurs viennent régulièrement participer à des activités, comme la réalisation de mosaïques ou de pots de confiture. Des bureaux, loués à des entreprises pour des réunions ou des séminaires côtoient également les studios.
Des résidents autonomes
Pour être accueilli à la maison Saint-François, il suffit d’être majeur, autonome et en phase avec le projet collectif du lieu. Des stages pour découvrir la vie en collectivité sont proposés aux personnes âgées et à celles en situation de handicap. Les étudiants doivent passer préalablement un entretien et expliquer leurs motivations. Celles évoquées par les habitants sont le lien intergénérationnel, la mixité sociale, la convivialité, l’entraide. Nombreux sont les résidents à être venus pour briser leur isolement, notamment les personnes âgées et les étudiants qui se sont sentis seuls pendant les confinements. Puis, ce genre d’endroit fait du bien humainement, dans notre société souvent trop individualiste.
La maison Saint-François apparaît aussi comme une solution économique pour se loger dans la métropole lilloise. Un 15 m2 coûte 360€ par mois, malheureusement les logements ne sont pas éligibles aux APL.
« L’habitat partagé comme nous le concevons à la maison Saint-François a un vrai avenir et va sans doute se développer de plus en plus. Il répond vraiment aux besoins de relationnel, d’entraide et de mixité sociale. » déclare Anne Blandine Torcq, responsable de l’établissement. Cependant, il n’est pas une alternative aux maisons de retraite ou aux foyers pour personnes handicapées. « Les résidents doivent être complètement autonomes. Proposer des prestations médicales demande une trop grande logistique » conclut-elle.
Émilien Martin
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ZOOM : Et les personnes âgées ? Entre isolement et précarité, la maison de retraite n’est plus l’unique solution
Si les nouvelles formes d’habitats se développent actuellement, elles touchent notamment une partie de la population : nos aînés. Arrêt de l’activité professionnelle, petite retraite, prise d’indépendance des enfants et perte d’autonomie riment souvent avec isolement et précarité. Les confinements successifs n’ont pas amélioré la condition des personnes âgées dans ces domaines, bien au contraire. Dans une enquête réalisée par les Petits Frères des pauvres en 2021, 53% des plus de 60 ans désignent la pandémie comme facteur aggravant à leur isolement.
Vieillir ne doit pas être une fatalité. La demande des principaux intéressés en termes de type d’habitat évolue avec le renouvellement générationnel. Nos grands-parents n’entendent pas vieillir de la même manière que les leurs. L’offre suit la demande puisque de nombreux intermédiaires entre la tant redoutée maison de retraite et le logement individuel voient le jour.
Un besoin, une solution. Alors que l’habitat inclusif est assorti d’un projet de vie sociale et partagée, l’habitat regroupé est destiné aux personnes qui ne souhaitent plus vivre isolées mais rester dans leur environnement géographique. L’habitat intergénérationnel peut quant à lui être vu comme un lieu d’habitation plus vivant et sécurisant.
Les projets d’habitats collectifs sont généralement élaborés par les collectivités locales avec une vocation sociale. Le coût des loyers est pensé pour convenir aux petites retraites. Les personnes âgées qui adoptent ces nouveaux modes de vie peuvent également bénéficier d’aides : aides au logement, APA (allocation personnalisée d’autonomie) à domicile.
Hélène Martineau
Portail national d’information pour les personnes âgées et leurs proches, changer de logement : https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/changer-de-logement/autres-solutions-de-logement