Les initiatives de nos agriculteurs pour produire de l’énergie différemment
Crise énergétique : fermeture d’universités, piscines moins chauffées, pénurie de gaz et d’électricité cet hiver. Et si la solution était le chauffage au bois ? Depuis bientôt 10 ans, des agriculteurs du Morbihan se sont lancés dans la vente de plaquettes de bois aux collectivités.
Au cœur du centre-Bretagne, à Pontivy, un petit groupe d’agriculteurs s’est constitué pour former la SCIC Argoat bois énergie, en juin 2013. La SCIC, société collective d’intérêt collectif, est le support du lien entre producteurs de plaquettes de bois et consommateurs, tels que les piscines municipales, hôpitaux publics, EHPADs et autres établissements publics.
« La demande des agriculteurs, c’était de trouver un moyen de mieux valoriser leur bois », raconte Samuel Le Port, chargé de mission pour la SCIC, seul salarié à mi-temps, mandaté par la Chambre d’agriculture pour animer l’organisation. Une enquête de faisabilité a donc été réalisée en 2010 et trois ans plus tard, le projet a pris forme.
« On vend une démarche, avant de vendre un produit »
« On vend une démarche, avant de vendre un produit », explique Marc Guégan, agriculteur depuis 25 ans et l’un des producteurs à l’origine du projet. En effet, la vente de bois par les agriculteurs rentre dans un cycle, celui de l’entretien de leur bois de bocage. Tous les agriculteurs membres intègrent la commercialisation de leurs déchets de bois à un plan de gestion durable d’entretien des haies. C’est même l’un des objectifs de la SCIC.
Un prix avantageux
Les agriculteurs sont moins compétitifs que des entreprises spécialisées dans le domaine, c’est là tout l’intérêt de la SCIC, réunir dans une même organisation agriculteurs, producteurs et collectivités consommatrices. Le principe étant de rémunérer justement les agriculteurs forestiers. Ainsi que de garantir un prix avantageux aux collectivités territoriales, par rapport au prix des autres énergies. Ce processus est assuré par la gouvernance collective de toutes les parties membres, avec le principe de multi-sociétariat de la SCIC, dans laquelle chaque membre détient des parts sociales : 55 sociétaires sont répartis dans 7 collèges différents.
Patrice Le Penhuizic, président de la communauté de commune de Questembert (Morbihan), l’assure, « ça nous a paru important à l’époque de se préparer à la raréfaction des énergies fossiles et à l’augmentation de leur coût ». Ils ont donc misé sur le bois et la filière locale pour chauffer la piscine municipale de la commune. Pour cet élu, lui-même agriculteur, c’est aussi « un moyen de valoriser le bois inutilisé jusque-là, présent en grande quantité sur notre territoire ».
Traçabilité, transparence et bilan carbone limité
Les circuits-courts sont au cœur du projet et tout se passe dans un seul territoire, ce qui limite le bilan carbone. Les agriculteurs font appel à des entreprises locales pour transformer leur bois en copeaux. Le stockage est opéré, pour la plupart, par les agriculteurs eux-mêmes qui livrent le bois aux chaudières collectives, souvent par leurs propres moyens ou en faisant appel à des prestataires locaux.
Samuel Le Port l’affirme, « c’est un outil au service de la collectivité, le but n’est pas de faire du business ; les producteurs, les sous-traitants et les consommateurs sont locaux du même territoire ».
Des acteurs engagés et une vision à l’échelle locale, ont ainsi permis à ce projet de naître et de prospérer. Sur l’année scolaire 2021-2022, 3 200 tonnes de plaquettes de bois ont ainsi été commercialisées au travers de la SCIC. La demande est en hausse au vu de l’actualité énergétique créant un engouement fort des communautés de communes pour le projet. Samuel Le Port rappelle cependant qu’il faut environ trois ans pour installer le dispositif. Il est donc trop tard pour éviter une éventuelle rupture de fourniture de gaz ou d’électricité cet hiver, pour les collectivités qui en sont toujours dépendantes.
Augustine Guégan
Crédit vidéo © Charles Cagnon
ZOOM sur … ces villes autonomes en énergie
La première ville d’Europe à avoir franchi le pas de l’autonomie énergétique est celle de Güssing en Autriche. Cette ville de 4 000 habitants est, depuis quelques années, totalement autonome grâce à l’utilisation de déchets de bois comme combustible dans une centrale de biomasse. La production de cette énergie renouvelable et la rénovation de l’isolation des établissements publics pour limiter la consommation en énergie, ont permis à la ville d’atteindre ses objectifs. Les bénéfices écologiques en sont incontestables, avec un bilan carbone neutre de 80%. Enfin, le prix de l’énergie y est bien plus compétitif, ce qui attire de nombreuses entreprises venues profiter de l’énergie à Güssing. Le résultat est celui de la revalorisation économique et écologique comme exemple pour les autres villes d’Europe.
En France, d’autres communes s’inspirent de ce modèle : énergie locale, renouvelable et une totale autonomie. C’est le cas de Rochejean, qui devient la première commune en France à être 100% autonome en énergie. Et ce, grâce à l’installation de près de 678 panneaux solaires et d’une micro-centrale hydraulique qui fonctionne grâce à l’eau de sa rivière, Le Doubs. L’initiative est celle d’un syndicat intercommunal, qui avait pour objectif d’exploiter les avantages géographiques de la commune. En effet, l’ensoleillement et l’enneigement permettent une optimisation de l’utilisation de l’énergie solaire. Un succès pour ce petit village de 780 habitants.
Elise Bovet