Les fournisseurs d’énergie verte face à l’inflation
Le siège du distributeur d’énergie Enercoop à Lille ©Mathieu Coutelette / Le Châtillon
Depuis la forte reprise des activités économiques en 2021, après la récession liée à la pandémie de Covid-19, nous connaissons une crise énergétique mondiale. Elle fut encore amplifiée, à partir de mars 2022, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Face aux nouvelles difficultés rencontrées par l’approvisionnement en énergies fossiles, et leur impact sur l’environnement, de nouveaux fournisseurs d’électricité ont vu le jour. Ils s’appellent Enercoop, ilek, ekWateur ou encore OHM Energie et ce sont des fournisseurs d’énergie verte.
Enercoop va encore plus loin, en ne proposant qu’une seule et unique offre d’électricité verte et militante. « Nous sommes une coopérative d’électricité avec plusieurs activités. La plus connue c’est d’être fournisseur d’électricité, ensuite nous avons une activité de développement de projet de production d’électricité renouvelable, afin d’améliorer la part d’énergies renouvelables injectées dans le réseau de distribution. Nous avons également un troisième volet sur la partie économie d’énergie, avec des actions de sensibilisation et ateliers de formation qui permettent d’accompagner à la réduction des consommations, et d’amener à la sobriété énergétique », explique Johan Gut, directeur général de Enercoop Hauts-de-France. « Enercoop a été créé en 2005 par des acteurs à forte valeur sociétale et environnementale au moment où le marché s’ouvrait à la concurrence. On milite pour une alternative à un système assez centralisé et nucléarisé, l’idée d’Enercoop est de créer un réseau local d’énergies renouvelables et c’est mieux lorsqu’elles sont en majorité détenues par les collectivités et les habitants de ces mêmes territoires. » La coopérative travaille en contrat direct avec ses producteurs. Pour assurer la traçabilité verte de l’énergie, les producteurs d’électricité délivrent des « garanties d’origine » à Enercoop leur permettant de certifier leur offre verte
La crise s'habille aussi en vert
Mais en temps de crise, la production d’électricité, même renouvelable, devient de plus en plus complexe, et les prix s’envolent. L’une des principales causes est le coût d’équilibrage, « une responsabilité du fournisseur qui est d’équilibrer en temps réel la consommation de ses clients, et sa production. Si on n’a pas assez d’électricité on achète sur le marché, et s’il y en a trop on vend.”
« Nous avons dû augmenter nos tarifs, mais pour ne pas trop impacter les consommateurs, nous avons été contraints de ne plus accueillir de nouveaux clients entre décembre 2021 et février 2023. » Pour sécuriser le coût de son approvisionnement, à partir de 2023 et pour trois ans maximum, Enercoop aura ainsi recours à l’« Accès régulé à l’électricité nucléaire historique » (Arenh). Ce mécanisme permet aux fournisseurs d’électricité d’acheter à bas coût l’énergie produite par les centrales nucléaires d’EDF
« Avec une envolée très importante des prix de marchés, quand un fournisseur doit acheter des volumes pour équilibrer, s’il achetait son électricité entre 50 et 70 auparavant, il a pu l’acheter au plus fort de la crise à 1000 ou 1200. »
L’augmentation des coûts de production ne pouvant être proportionnelle aux prix des abonnements que jusqu’à un certain point, Enercoop et les autres fournisseurs d’électricité verte sont parfois contraints de renoncer à certaines valeurs environnementales pour ne pas impacter de façon trop importante le prix payé par les consommateurs. Une fois la crise derrière eux, Enercoop pourra de nouveau scander son slogan d’ « énergie militante », un militantisme soutenu par 100 000 clients qui ne font de mal à personne, pas même à la planète en choisissant l’énergie verte.
Quentin Boitel
Zoom sur... l'énergie verte et ses limites
Les distributeurs d’électricité verte sont des entreprises qui vous permettent de recharger vos appareils électroniques avec de l’électricité produite à partir de sources renouvelables comme le vent, le soleil ou l’eau. Une invention dont on a terriblement besoin de nos jours.
Mais comment fonctionnent-ils ? C’est simple : ces distributeurs sont alimentés en électricité par des éoliennes, des panneaux solaires ou des centrales hydroélectriques. Ensuite, l’électricité est stockée dans de grandes batteries pour être distribuée aux consommateurs.
Mais attention, ces distributeurs ne sont pas toujours aussi propres qu’ils le prétendent. En effet, la production d’énergie verte n’est pas toujours aussi “verte” qu’on pourrait le croire. Il faut tenir compte de la fabrication des panneaux solaires, des éoliennes ainsi que des batteries, qui peut elle-même générer des déchets et des émissions de gaz à effet de serre.
De plus, il peut y avoir des moments où il n’y a pas suffisamment d’énergie renouvelable pour alimenter tous les distributeurs verts. Dans ces cas de figures, ils sont obligés de puiser dans l’électricité produite par les centrales nucléaires ou thermiques, qui sont par conséquent beaucoup moins propres.
Mais alors, que faire ? Peut-être faut-il se méfier du « greenwashing” qui est une pratique de marketing consistant à exagérer ou embellir les avantages environnementaux d’un produit ou d’une entreprise, dans un but de séduire les consommateurs sensibles aux enjeux écologies
Par exemple, les compagnies pétrolières verdissent beaucoup leur image grâce au greenwashing. TotalEnergies fait l’objet d’une enquête pour « pratiques commerciales trompeuses » dans le domaine de l’environnement. Pour rappel, la multinationale affirme avoir pour ambition d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2030. Néanmoins, TotalEnergie prévoit d’ici 2025 le développement de 400 puits de forage pétrolier en Ouganda, appelé le projet Tilenga. De nombreuses ONG ont porté plainte et l’enquête est toujours en cours.
Inès Dauguet
Vidéo : électricité verte, témoignage de deux clients chez OHM Energie
Par Rudy Cossec