Le rugby dans le Nord, ou la quête d’un développement permanent
Respect, solidarité, passion. Ces valeurs ont permis à l’ovalie de prospérer. Solidement ancré dans les terres du Sud-Ouest, cette pratique peine pourtant à s’imprégner au nord de Paris. Malgré les difficultés rencontrées, le ballon ovale s’efforce de poursuivre son ascension.
« Il faut toujours une vitrine, il faut que ce soit beau dans le magasin. Mais il faut aussi être capable de remplir l’arrière-boutique », métaphorise Yann Defives, entraîneur de l’équipe première du rugby Club de Roubaix et directeur adjoint du vélodrome. Joueur à Arras puis au Lille Métropole Rugby, il est ensuite passé de l’autre côté du carré vert en entraînant le LMR jusqu’aux portes du professionnalisme.
À travers ces quelques mots, le passionné décrit la situation rugbystique des Hauts-de-France. Si l’Olympique de Marcq-en-Barœul (Nationale 2) montre la voie, l’heure est désormais à la « gestion de la boutique ». Avant de s’attarder autour du « comment développer le rugby ? », une analyse préalable est à rendre. Pourquoi le développement de cette pratique est essentiel ?
Idéal pour garder la forme, le rugby permet de se développer physiquement. Souplesse, puissance, rapidité, adresse ou encore coordination, ce sport est complet et permet aux participants de s’épanouir physiquement. En offrant une possibilité de se dépenser, d’évacuer le stress, ou encore d’améliorer son estime de soi, il est également bénéfique sur le plan de la santé mentale. Enfin, ses valeurs sont internationales. Solidarité, humilité, respect, persévérance. Ces formules sont régulièrement inscrites dans les devises des clubs qui s’efforcent de les transmettre dès le plus jeune âge à travers leurs écoles de rugby.
Une formation à repenser
Cette année, la fédération française a annoncé une hausse du nombre de licenciés. Cependant, plusieurs facteurs viennent nuancer cette effervescence. La création du « baby rugby » dès trois ans et le développement des équipes « loisirs » composées d’anciens joueurs favorisent ce trompe-l’œil. Pour redynamiser les écoles de rugby, les associations sportives aspirent à remanier leur formation.
Présent au sein de toutes les écoles de la circonscription, le rugby club de Roubaix a décidé de transformer son approche envers les plus jeunes. En effet, faire déplacer un éducateur dans les établissements scolaires était chronophage et trop couteux pour l’association. Cette saison, le club a pris en charge une quarantaine d’instituteurs afin de les former à la pratique du rugby. Les éducateurs pourront ainsi y aller occasionnellement, dans le but de superviser l’activité dans le milieu scolaire.
Le club organise également un tournoi inter-écoles pour les élèves de primaire. Un événement qui rassemble chaque année plus de 1800 enfants autour de l’ovalie. À côté des rencontres sportives, on retrouve également divers ateliers de découverte et d’initiation.
Le rugby étant un sport à maturité tardive, il faut ainsi chercher à éviter un effet de lassitude ou d’épuisement pour les joueurs qui auraient entamé leur formation très jeune. La pratique de diverses activités ou le développement des associations de multisports jusqu’à l’entrée au collège limiteraient cette fuite de joueurs au niveau des catégories u16-u19.
Faire du match une fête
À l’image des tournois de rugby à sept sur le circuit international, l’animation de l’évènement est essentielle pour enthousiasmer tout un groupe.
Yann Defives confie qu’il préfère jouer les samedis soir, « Ça représente le spectacle du week-end et ça laisse aussi les joueurs en famille le dimanche. » Même si certains amateurs seront réticents à sortir en temps hivernal lors des deux premières mi-temps, nul doute qu’ils rejoindront leurs camarades pour fêter la troisième.
Si le projet sportif doit être capable d’attirer les passionnés, l’organisation d’évènements autour des matchs et le développement d’infrastructures devrait permettre d’atteindre leurs familles et un public encore plus vaste.
Augustin Anuset
Les dangers du rugby, un repoussoir ?
Outre les raisons culturelles, y a-t-il d’autres explications pour comprendre la faible attraction de la pratique du rugby ? Le 22 décembre 2022, un élève de 17 ans est devenu tétraplégique après un plaquage lors d’un match scolaire à Tarbes. La récurrence de ces accidents et la ‘violence’ qui se traduit en regardant un match de rugby peut expliquer la réticence de certains à pratiquer ce sport. Cette situation est susceptible de freiner des parents à inscrire leurs enfants. Yann Defives le comprend : « Aujourd’hui, je me mets à la place de parents qui regardent des matchs de haut-niveau, je n’ai pas envie que mon gosse fasse du rugby. »
Déplorant cette situation, il reconnait que « La professionnalisation n’a pas eu que du bon ». De plus en plus physique, le rugby est devenu un sport qui entraîne des chocs violents, obligeant le gabarit des joueurs à être toujours plus impressionnant. Même l’entraîneur de Roubaix avoue qu’il a été rassuré lorsque son fils de 28 ans, jouant en national, a décidé d’arrêter. Il prédit : « On aura plus de joueurs qui vont arrêter à un jeune âge parce que ça les détruit. »
La solution ? Légiférer. En 2019, après une série de morts tragiques dans le rugby français des suites de plaquage, la Fédération Française de Rugby (FFR) a décidé de « baisser la ligne au-dessus de laquelle il est interdit de plaquer ». De nouvelles règles sont nécessaires pour sécuriser la pratique du rugby.
Mais Yann Defives prévient, il faut légiférer « sans dénaturer », le rugby étant « un sport de combat collectif ». Les rugbymen sont préparés physiquement à jouer contre des joueurs de même niveau. Il rappelle qu’à Roubaix, « chez les petits, il n’y a pas beaucoup d’accidents ». En 2018, la fédération a appliqué la règle du « toucher 2 secondes » chez les plus jeunes, afin de limiter les contacts.
« Ce sport a toujours avancé, il a toujours trouvé des solutions et je ne suis pas inquiet là-dessus » conclut, optimiste, l’ancien rugbyman.
Vincent Brunet