Fibr’&Co, l’atelier d’insertion qui profite à l’économie circulaire
L’Atelier Chantier d’Insertion Fibr’&Co, porté par l’association Arcadis, a vu le jour en 2016, sous l’impulsion de Zorha Haddou pour permettre d’allier économie circulaire et insertion professionnelle. Cet atelier propose à la vente et à la location du mobilier design en bois à partir de matériaux de récupération. Il se sert du travail du bois comme support pour permettre à 17 salariés de s’insérer dans le monde du travail, objectif principal de l’atelier.
Lorsque l’équipe d’Arcadis, association à l’origine de nombreux foyers pour jeunes depuis 1963, a réceptionné le bâtiment du foyer Paul Constant, il a fallu équiper en mobilier le rez-de-chaussée pour que les jeunes puissent profiter d’un espace de vie convivial. Mais Arcadis ne pouvait pas s’offrir le mobilier nécessaire faute de moyens. C’est de là que Zorha, cadre chargée de l’insertion à l’association, et d’autres collaborateurs, ont eu l’idée de mettre en place un “atelier bois” pour créer les meubles et objets nécessaires. Cette idée a grandi jusqu’à ce qu’en 2016, soit créé un projet mixte combinant activité d’hébergement et atelier chantier d’insertion situé au 53 boulevard Gambetta à Roubaix. Depuis lors, cette femme engagée voit le projet comme un challenge à relever : “c’est une notion de défi de se dire qu’à partir de l’insertion on peut réussir à faire une économie circulaire, proposer des produits de qualité et redorer l’image de l’insertion.”
Contribuer au changement de modèle de consommation
Fibr&’Co s’inscrit ainsi dans une démarche à la fois écologique à travers l’utilisation de bois récupérés qui rentre dans une économie circulaire, mais aussi sociale, puisque l’insertion et l’autonomisation des salariés restent les objectifs principaux du projet. Chaises pour un foyer d’hébergement, comptoir de bar, présentoir à ceinture pour un magasin, ou même cercueil, tout y passe pour répondre aux besoins spécifiques des clients. Pour se fournir, l’atelier récupère des palettes de bois d’entreprises locales. Ce bois, Fibr’&Co ne l’achète pas et c’est un parti pris pour Zorha qui estime que l’atelier contribue déjà dans la société avec la partie insertion qui demande un grand investissement et que ces entreprises “peuvent bien faire leur part du travail”. Le travail social de Fibr’&Co nécessite une grande énergie et de nombreux moyens tant l’insertion professionnelle pour tous est importante. En effet la co-fondatrice de Fibr’&Co invite les entreprises à penser le projet avec l’équipe de l’atelier, et ça marche, puisque les entreprises sont au rendez-vous pour fournir largement en bois.
Commode fabriquée par les jeunes de Fibr’&Co. Photo Sarah Letessier
Le profit, Fibr’&Co n’en fait que peu, voire pas du tout, puisque les “Ateliers et chantiers d’insertion” sont des structures conventionnées par l’État qui interdisent de faire un chiffre d’affaires trop élevé. Ce n’est d’ailleurs pas le but originel du projet puisque le bois, Zorha en parle comme un moyen pour que des jeunes puissent détenir des compétences techniques certes mais aussi et surtout acquérir une confiance en soi et “réfléchir et penser autrement”. La vision du projet est simple : essayer de contribuer à un nouveau modèle de consommation qui consiste en une production raisonnée basée sur les besoins pratiques des consommateurs.
Accueillant entre 17 et 18 salariés en CDI grâce à des accords de l’état, l’atelier est pensé par, et pour eux. Ils sont alors pleinement acteurs de la réalisation des projets de création allant de la conceptualisation numérique aux finitions. La responsable de l’atelier porte ainsi un projet positif et ambitieux : “Notre objectif est de toujours viser l’autonomisation des personnes.” Celui-ci semble porter ses fruits puisque, aujourd’hui, plus de 80 salariés sont déjà passés chez Fibr’&Co. La plupart d’entre eux arrivent avec très peu voire pas du tout de qualification en menuiserie. Pour cela, deux formateurs sont à leurs côtés pour les accompagner dans la réalisation des meubles.
Fibr’&Co au-delà de ses nombreuses collaborations autour de l’économie circulaire, souhaite mettre en place un partenariat avec le Greta (structures de l’éducation nationale qui organisent des formations pour adultes, Ndlr) pour permettre aux salariés d’acquérir un CAP menuisier.
Intégration et contribution des salariés
Grâce à Fibr’&Co il est aussi question de redorer l’image de l’insertion, qui fait face à des préjugés selon lesquelles ce sont des jeunes en décalage qui ne réussiront jamais à trouver du travail. Les salariés viennent de tous horizons et ne se retrouvent plus dans le monde du travail actuel et dans ses valeurs : “On a poussé les gens à aller vers l’intellect pendant des années, mais aujourd’hui les gens disent stop à ce système basé sur le résultat, production à tout-va et la pression du travail”, constate Zorha qui veut faire de Fibr’&Co également un nouveau modèle de travail basé sur la collaboration entre tous les salariés et une conscience des travaux effectués : “il est important que les salariés s’intègrent et qu’ils comprennent à quoi ils contribuent”.
Anne Papail
Quelques meubles réalisés par Fibr’&Co Photo Sarah Letessier
Zoom sur…les ACI
Les Ateliers et chantiers d’insertion (ACI) sont des structures d’insertion par l’activité économique, subventionnées en partie par l’Etat. Un ACI a pour objectif de faciliter le retour vers l’emploi de personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, grâce à une mise en situation de travail et à un accompagnement socioprofessionnel personnalisé.
Ce dispositif s’adresse principalement aux jeunes de moins de 26 ans en grande difficulté, aux bénéficiaires de minima sociaux, aux demandeurs d’emploi de longue durée ou aux travailleurs handicapés. Il peut être porté par divers organismes, comme une association, une commune, un département, ou encore un syndicat mixte. Les salariés en insertion disposent d’un contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI) et perçoivent une rémunération horaire au moins égale au SMIC.
Il s’agit donc pour les bénéficiaires de reprendre confiance en eux, de participer à un projet, et d’en comprendre les enjeux. L’exemple de Fibr’&Co le montre bien : pour Zorha Haddou, quand les jeunes ont terminé l’atelier, l’objectif, c’est qu’ils soient « blindés », qu’ils « repensent les choses différemment ». Mais les ACI ne sont qu’une tentative pour ramener les personnes les plus éloignées de l’emploi sur le marché du travail. Les conditions d’insertion des jeunes dans le monde du travail restent cependant très inégales en fonction du niveau de diplôme, du niveau de capital culturel ou économique.
Mathilde Lenouvel
Fibr&Co: l’atelier et chantier d’insertion de Roubaix.
Vidéo: Elliot Morlong