Médiatiser le handicap pour ne pas « zapper les joueurs handisport » comme on zappe un mauvais feuilleton

by Etudiants de l'Académie
En 2012 pour la première fois, une compétition parasportive est retransmise à la télévision : c’est le match opposant la France et le Brésil lors de la finale du mondial de cécifoot. C’est aussi la première fois que Benjamin Louis en entend parler. Il se licencie auprès de la fédération handisport, et lance le média Cœur handisport pour permettre aux jeunes atteints d’un handicap de s’identifier aux athlètes.

« Le problème c’est qu’il n’y a pas d’ambition collective de faire évoluer les choses. » Face à ce désintérêt général des disciplines parasportives, Benjamin Louis décide de créer un média qui mettra à l’honneur ce sujet, pour faire changer les choses à son échelle. La médiatisation des compétitions parasportives soulève un double enjeu, d’abord, montrer que sport et handicap sont compatibles pour permettre aux jeunes de se lancer dans le sport, et d’autre part familiariser le grand public à la différence, pour plus de tolérance face au handicap.

En parallèle d’une veille médiatique sur les réseaux sociaux, Cœur handisport est aussi une association organisant des actions de sensibilisation sur le handicap. Auprès d’entreprises et d’écoles, sont animés des ateliers de mise en situation ou des conférences sur les différentes disciplines parasportives. Ces actions sont cruciales dans la mesure où « la société française est très en retard sur le sujet du handicap, donc il faut déjà la sensibiliser et l’éduquer »

Sensibiliser un public ignorant

L’absence de traitement médiatique des compétitions handisport alimente cette ignorance du grand public, qui « n’a pas de compréhension de ce que sont les différences de handicap », et qui ne souhaite pas s’y intéresser. C’est là que réside le problème, n’étant jamais confronté au handicap, le grand public ne s’en soucie pas, et n’a pas d’intérêt à ce que cela change. Pourtant, si les personnes atteintes d’un handicap étaient présentes médiatiquement, le handicap ne serait plus perçu comme tabou, et le handisport trouverait son public.

De ce fait, l’ambition du média Cœur handisport est l’exposition du public à ces pratiques sportives, afin que le plus grand nombre s’empare du sujet. Seule la résurgence favorise l’adhésion « des gens sur le handicap en général », et un changement des mentalités pour contrer le misérabilisme qui règne autour des para-athlètes.

Le handisport comme source d’épanouissement

« Il y a du retard parce que les institutions n’ont pas fait le nécessaire pour faire connaître les sportifs du public, dans la perspective des jeux de Paris 2024. » La médiatisation du handisport a un impact décisif sur l’accès au sport pour tout le monde. Benjamin l’a vécu personnellement, et le constate encore aujourd’hui dans son entourage. Avant la diffusion de la finale des jeux paralympiques de cécifoot en 2012, il n’avait jamais entendu parler du handisport. Pour les personnes en situation de handicap, pratiquer une activité physique en club est inconcevable « parce que dans bien des cas, le milieu médical, le milieu familial, ou l’entourage proche a dit aux personnes que ce n’était pas fait pour elles, que le sport était fini ».

Clara Browarnyj

La médiatisation du handisport vue par des athlètes parasportifs

Zoom sur...

La différence médiatique entre jeux paralympiques et jeux olympiques

En France, les athlètes handisports sont bien moins visibles que les athlètes valides, thèse confirmée par la différence de médiatisation entre les jeux paralympiques et olympiques.

En effet, même si les jeux paralympiques représentent la compétition handisport la plus médiatisée dans le monde, elle l’est beaucoup moins que les jeux olympiques.

Le temps de diffusion à la télévision des jeux non-valides est en moyenne 7 fois inférieur à celui des jeux valides, cachant les sportifs paralympiques du grand public. Cette quasi-absence du paysage médiatique rend leur recherche de sponsors et de contrats professionnels compliquée, d’autant que les aides étatiques qui leur sont accordées sont 15 fois moins importantes que celles données aux athlètes valides. Par conséquent, tous ne peuvent pas vivre de leur activité sportive.

Le budget des jeux paralympiques est lui aussi moins important que celui des jeux olympiques. En 2016 aux JO de Rio, le comité international olympique avait même pioché dans le budget des paralympiques pour compenser des dépenses imprévues, obligeant les autorités brésiliennes à accorder des subventions de dernières minutes aux jeux non valides pour que leur déroulement reste « décent ».

Cette différence de traitement médiatique est parfois justifiée par le fait que la classification des parasports est compliquée à comprendre, freinant les spectateurs. De plus, le nombre de licenciés dans le parasport est largement inférieur à celui du sport valide, les sportifs amateurs handisport suivant la discipline qu’ils pratiquent étant ainsi moins nombreux. Pour beaucoup, le timing de jeux paralympiques n’est pas non plus adapté, puisque ceux-ci ont lieu plusieurs semaines après les JO, tombant pour les Français sur la date de rentrée, et après que l’engouement de début soit passé.

Lison Borel

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