Mettre le pain au service de l’écologie
Posted On 10 mai 2023
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À l’angle du boulevard Victor Hugo et de la rue de Seclin, à Lille, une file d’attente s’étire sur la terrasse de la boulangerie Brood. Depuis 2020, l’établissement propose une gamme de pains au levain qui s’inscrit dans une démarche écologique. Une initiative menée par Louis Devos et Sarah Cnudde, « deux reconvertis » qui ont souhaité proposer une alternative plus éthique et plus respectueuse de l’environnement aux boulangeries traditionnelles. « On travaille avec des farines paysannes bios, c’est du pain à l’ancienne », précise Louis Devos. Leur idée de départ ? « Créer des groupes de commande et se déplacer à vélo pour livrer le pain.»
Un CAP boulangerie, plusieurs prêts et subventions, un crowdfunding et de nombreuses rencontres plus tard, voilà l’initiative lancée. Du fait de l’épidémie de Covid-19, intervenue deux semaines après l’ouverture, les deux Lillois inaugurent également un comptoir de fortune pour vendre leurs pains sur le pas de la porte, tous les jours à partir de 16h. Avec cette particularité : « On s’est inspirés de nos besoins dans notre vie d’avant. On n’allait jamais à la boulangerie le matin. On s’est dit qu’on allait faire quelque chose en décalé pour les gens qui voudraient avoir du pain l’après-midi. »
Le projet à peine imaginé, Louis et Sarah partagent tous deux l’envie de « faire du bien à la planète et aux autres » en ouvrant la boulangerie. Pour cela, ils se tournent vers des farines bio, à 80% locales. En effet, le pain non bio, consommé quotidiennement par de nombreux Français, est susceptible de contenir des résidus de pesticides, potentiellement nocifs. Pour empêcher cela, les deux fondateurs de Brood se fournissent auprès de deux meuniers du Nord et du Pas-de-Calais produisant de la farine à partir de céréales bio. En plus de l’aspect écologique, il leur tient à cœur de conserver un contact avec les producteurs et agriculteurs, ce qui n’est pas le cas dans la plupart des boulangeries traditionnelles, qui reçoivent leurs farines sans penser aux céréales qu’elles ont été, aux terres sur lesquelles elles ont été cultivées. Chez Brood, les œufs, le beurre et le lait, eux, ne sont pas bios, mais proviennent de l’agriculture raisonnée et locale.
Louis Devos explique avoir « fait des stages dans des boulangeries où 10 à 15% de la production du jour était jeté ». Pour empêcher cela, les deux fondateurs prévoient de ne vendre aucun pain sur place, mais uniquement sur commande. Malgré le changement de décision, dû au Covid, ils réduisent la gamme au maximum, et produisent des pains qui se conservent « au moins trois jours ». Ainsi, même s’il y a des invendus, ils les proposent le lendemain à prix réduits.
Lors de l’élaboration du projet, Sarah a l’idée de livrer le pain de la boulangerie à vélo. Plus rapide, moins polluant, l’idée plaît beaucoup à Louis, ainsi qu’à la MEL, qui les subventionne. En circulant dans Lille, les gens voient le logo sur le vélo « c’est sympathique et ça nous fait de la pub ». Broods travaille depuis un an avec une coopérative de livreurs à vélo.
Après trois ans d’activité, Louis Devos dresse un bilan satisfaisant. « On a commencé par une crise avec le Covid. En deux semaines, le business plan n’était plus bon. La première année, financièrement on était en négatif. La deuxième année, les choses se sont stabilisées. La troisième année, c’est positif. » À tel point que depuis septembre, Brood emploie une troisième personne en CDI. Seulement, la fabrication de ce pain éco-responsable a un coût. « Au-delà du pouvoir d’achat, c’est aussi un public qui est déjà sensibilisé au “bien-manger” » admet Louis Devos. Mais qu’il s’agisse des commandes livrées ou bien de la vente directe, les Lillois sont au rendez-vous. « On sent qu’il y a une clientèle qui nous est fidèle » conclut le boulanger.
Lison Borel et Mathis Beautrais
Pour être certain qu’un produit soit issu de l’agriculture biologique, il est possible de se référer aux labels présents sur les emballages, notamment le label français AB (Agriculture Biologique) et le label européen Eurofeuille. Ces labels sont destinés uniquement à la certification des produits agricoles et aux denrées alimentaires biologiques. Les produits comme le textile ou la cosmétique relèvent, eux, d’une certification différente.
La labélisation Agriculture Biologique requiert de passer par plusieurs étapes et entraîne un coût important pour l’entreprise ayant l’ambition de l’obtenir. La première étape est d’enregistrer l’activité sur le site du gouvernement de l’Agence Bio. Ensuite, il est nécessaire de faire appel à un organisme tiers afin de contrôler la validité et la conformité de la demande aux normes européennes et françaises. Ces organismes tiers, agrés par l’INAO, tels Certipaq ou Ecocert, sont privés, c’est-à-dire qu’ils font payer la certification afin de rentabiliser leur activité.
La labélisation bio étant un domaine lucratif, les prix sont très élevés. C’est pourquoi les petites structures pratiquant une agriculture sans pesticide n’ont pas toujours les moyens de se faire certifier.
Clara Browarnyj
Clara Browarnyj et Anna Chartier Degenhardt
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