Les Sarrazins, le bar au modèle d’une ruche, mais sans reine
Le 1ᵉʳ mai 2018, à Wazemmes s’est ouvert Les Sarrazins. Un bar coopératif tourné vers les associations, où l’on retrouve des valeurs, telles que l’acceptation ou la solidarité, qui unissent les associés. Avec une égalité entre salariés, la notion du travail y est repensée. Dans ce projet assez fou entrepris par Steve Bontus, le modèle économique de la SCIC apporte une philosophie qui vient butiner les esprits.
C’est en arpentant, un dimanche à 18h, le quartier de Wazemmes, encore parfumé par les odeurs du marché, que l’on tombe sur Les Sarrazins, un bar à l’organisation un peu particulière…
Une SARL, EURL ? Aux Sarrazin, c’est ni l’un ni l’autre. Steve Bontus, lui, a choisi la SCIC où salariés et patrons se confondent. Pour ce dernier, l’entreprise ne rime pas forcément avec subordination : “Ce n’est pas un patron et des salariés, ce sont des salariés associés qui s’organisent entre eux.“ Cette façon de fonctionner est à son image, altruiste mais surtout simple. Il représente le bar autant que le bar le représente. Le rapport de domination, Steve n’aime pas trop ça, alors il ne va pas se forcer à adopter une posture de roi : “La relation dans ce bar est très horizontale, sans gérants ni mandat révocable.” La philosophie de Steve c’est l’égalité, allant au-delà du statut professionnel. Pour lui, sans roi, l’ambiance est bien plus sereine : “C’est une autre façon de voir la relation avec ses collègues.” Le moral des salariés en est fortement impacté et en bien. Dans cette ruche, pas d’atmosphère mielleuse, “les gens qui bossent ici sont contents de bosser ici et ça se ressent, on est une famille”.
Par, avec et pour les autres
Steve est cogérant du bar avec Noé. Même si à deux, ils ne font qu’un, le principe de la SCIC est de “s’ouvrir vers l’extérieur car c’est avant tout une coopérative”, rétorque Steve. C’est bien une certaine éthique de vie, celle de Steve qui est à l’origine des Sarrazins, “c’est plutôt le côté coopératif que le côté bar qui m’intéressait.” Cela explique sa singularité et sa volonté de travailler à plusieurs, sans rester enfermé dans son essaim. “On doit obligatoirement s’allier avec un autre groupe”, explique le cogérant. Ce groupe aux Sarrazins, c’est les associations : “On travaille avec tellement d’associations”, dit Steve en rigolant. C’est le cas d’une association d’échange de langue, qui s’est vu offrir une salle gratuitement aux Sarrazins, “un geste super sympa”, d’après Amir, 23 ans, membre de celle-ci. Derrière cette organisation se cache un état d’esprit, celui de dire que l’on peut travailler pour les autres. Chez Les Sarrazins, le travail rime avec autrui et non pas avec profit.
Des initiatives populaires
Steve caractérise Les Sarrazins comme un bar avec “beaucoup de valeurs humaines”. Les associés mettent en place des initiatives qui allient solidarité, tolérance et respect. En témoignent les nombreuses affiches porteuses de messages d’acceptation placardées sur les murs. À sa façon, Steve veut permettre aux gens de faire face aux problèmes du quotidien. À l’image, des baguettes de pain et de l’imprimante en libre-service à l’entrée du bar, “ça permet à des gens qui ont du mal à finir les fins de mois d’avoir accès à des produits nécessaires”. L’écologie est aussi une valeur défendue par Steve. Le midi, il propose un plat à base de viande, un plat végétarien et un plat végan, “il y en a pour tous les goûts”. Ce modèle économique, mis au service d’une philosophie humaniste est perçu comme original, et pas normal, ce qui peut paraître surprenant.
Avec les Sarrazins, Steve veut simplement montrer que l’on peut s’organiser différemment “et que ça marche !”.
SARL, EURL, SCIC quésaco ?
Une SARL, ou Société à Responsabilité Limitée, est une forme juridique d’entreprise. Elle offre une responsabilité limitée aux associés, ce qui signifie que leurs biens personnels ne sont généralement pas en danger en cas de dettes de la société. Une SARL est constituée avec un capital social, détenu par un ou plusieurs associés, et elle est gérée par l’un d’entre eux ou par un gérant désigné. Une SARL nécessite des statuts de société, un enregistrement auprès des autorités compétentes, et le respect des réglementations locales. Elle est souvent choisie par les entrepreneurs pour sa simplicité et sa flexibilité.
Une EURL, ou Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée, est une forme juridique d’entreprise destinée à une seule personne en France. Elle offre à l’entrepreneur une responsabilité limitée. L’associé unique, qui détient l’intégralité des parts sociales, est le gérant de l’EURL, mais il peut également nommer un tiers pour gérer la société.. Cette structure est adaptée aux entrepreneurs individuels qui souhaitent exercer leur activité avec une certaine protection juridique et une structure simple.
Une SCIC ou Société coopérative d’intérêts collectifs. Il s’agit d’une entreprise ou plusieurs personnes s’associent autour d’un projet qui leur est commun. Coopérative, la SCIC a un capital ouvert, où chaque personne possède une voix.Les détenteurs du capital doivent obligatoirement se diviser en trois groupes d’associés parmi lesquelles figurent obligatoirement :
Les salariés de la Scic ou en l’absence de salariés, les producteurs de biens ou de services,
des bénéficiaires des biens et services proposés par la coopérative (clients fournisseurs, habitants, etc.).La troisième catégorie, peut être constituée par tout autre type d’associé personne physique ou morale de droit privé ou de droit public, contribuant à l’activité de la coopérative, appelé “collège”. Les salariés ne peuvent pas posséder plus de 50% du capital.
Roch PAYA
Steve Bontus, le profil singulier d’une gérance au pluriel
Caractérisé par ses cheveux et sa barbe poivre et sel, ses lunettes rondes accrochées sur son nez et son sourire communicatif, Steve Bontus est l’un des visages du bar Les Sarrazins. Un bar tout aussi particulier que ce personnage, membre de la coopérative, fier d’être, comme ses collègues, propriétaire de son lieu de travail. Cet ex-informaticien a changé son quotidien pour travailler dans bar en coopérative, « Le Café citoyen ». Il quitte l’informatique car il voit le métier changer, un métier où le contact avec les clients était à l’origine très présent, mais qui s’est beaucoup externalisé : « On finissait en bureau partagé à plus jamais voir personne, à plus jamais parler à personne. »
Ancien habitué du Café citoyen, Steve intègre l’équipe avec laquelle il avait tissé des liens et participé à plusieurs chantiers participatifs. Face au nombre de demandes pour des salles plus grandes, il se lance dans le projet de créer un nouveau bar, prenant pour exemple Le Café citoyen, il veut « le même, mais plus grand ». Ce passionné de vélo, qui lui procure le plaisir du sport, de la rencontre et de la découverte, souhaite montrer que la coopérative peut fonctionner, même au cœur d’un projet de plus grande ampleur. Engagé, tout comme son bar, contre toute forme d’intolérance, il se souvient de son grand-père, « bien de gauche, bien Front Populaire » qui lui a transmis cette sensibilité nécessaire au bon fonctionnement de la coopérative.
Ben Monnet