Où sont les femmes ? Hors du cadre des hommes
Au cœur des collections du Palais des Beaux-arts de Lille, des centaines d’œuvres prennent la poussière. Elisabetta Marchioni, Rachel Ruysch ou encore Pauline Delacroix-Garnier font partie de ces artistes oubliées par l’histoire. L’exposition Où sont les femmes ? pointe du doigt ces injustices et essaie de rendre grâce à l’œuvre de toutes ces créatrices.
Dans les couloirs du musée, de nouvelles œuvres sont exposées : tableaux, lithographies et sculptures. Elles se distinguent de leurs semblables, leurs auteurs sont des femmes. Souvent minorées, elles s’imposent aujourd’hui avec une mise en lumière de leur travail, effacé par l’Histoire. Une chronologie de l’histoire de la femme dans l’art est créée. Le but : montrer une autre vision de la place de la femme dans l’art. Présentées à la fois partout et nulle part, sur les 60 000 œuvres qui recouvrent les murs des beaux-arts seulement 135 sont l’œuvre de femmes.
Vivre dans les yeux des autres
Celles-ci sont malgré tout loin d’être absentes dans les représentations : diaboliques, séductrices ou Muses, elles sont sujettes à toutes sortes de portraits. En général nues ou peu vêtues, la femme semble exister seulement au travers du regard des hommes, pourtant, comme disait Talleyrand : « Derrière chaque grand homme se cache une femme. »
L’exposition mène donc l’enquête sur cette vision présentée comme passive des femmes dans l’art et dresse un constat : si le travail féminin a été reconnu par ses contemporains, l’histoire l’a effacé. L’exposition essaie donc de rendre justice à ces artistes comme Marguerite Cousinet qui se sont battues pour leur art. Se succèdent ainsi les autoportraits d’artistes vêtues de leurs blouses de travail, qu’elles soient sculptrices ou peintres, la notion de genre est écartée pour revendiquer uniquement leur position d’artiste. Il s’agit de combattre ce que les conservatrices nomment « la hiérarchie des genres, une hiérarchie de genre », la théorie selon laquelle les genres nobles comme la peinture de scènes historiques seraient réservés aux hommes quand les peintures de natures mortes plus légères seraient attribuées aux femmes.
"La femme est l’avenir de l’homme écrivait le poète"
L’exposition s’érige dans un mouvement de lutte pour l’émancipation des femmes dans l’art. Dans les couloirs du musée se pressent, dès l’ouverture, un grand nombre de visiteurs motivé par l’envie de découvrir cette nouvelle dimension artistique. Les profils sont divers, amateurs d’arts, familles ou seniors, tous sont du même avis, la proportion d’artistes féminines connue est bien trop faible. Un visiteur avoue : « J’en connais, mais je n’ai pas les noms. » Ils ont été oubliés, dissimulés derrière ceux des pères, des frères ou des amants, laissant dans l’ombre toutes ces femmes qui ont fait avancer l’histoire de l’art. Il n’est pas légitime que lorsqu’on pense à Camille Claudel ce ne soit qu’en tant que muse de Rodin. C’est ce pourquoi se battent les conservatrices, restituer la place de la femme dans la grande histoire de l’art. Malgré tout, les avis sont mitigés comme en témoigne un autre visiteur : « Est-ce que le sujet du genre doit être une dimension mise en avant ? Dans un premier temps oui probablement, le problème, c’est qu’il faut voir dans quelle mesure ces artistes ont pu apporter à l’histoire artistique.“
La question prend alors une nouvelle dimension, prendre l’art pour l’art, de façon parnassienne, et non en tant que voix des problématiques sociales. Il s’agit alors de se questionner sur son essence et d’exposer non pas selon un genre ou une identité mais selon l’apport d’une œuvre à son histoire contemporaine.
-Aliénor Togni
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Une exposition “aux seins” du cancer
Dans le cadre d’Octobre Rose (campagne annuelle de prévention des risques liés au cancer du sein), le palais des Beaux-Arts organise pour la troisième fois un événement en partenariat avec le CHU de Lille. Une partie de l’exposition est dédiée à des portraits de femmes de l’époque médiévale, réalisés par des hommes, dans lesquels la poitrine était centrale, réduisant souvent la femme à sa fonction de “génitrice et de mère”. Or, aujourd’hui, la femme n’est plus seulement une muse pour les artistes, elle tient une place plus importante dans la peinture. Françoise Lemaître, directrice du rayonnement et de la communication du musée des Beaux-Arts explique que « le parcours comporte une exposition en preview autour des femmes pour redonner aux artistes invisibilisées une place et faire en sorte qu’on voit ces œuvres qui n’ont jamais été montrées ». Déambulant dans l’exposition, entre des étirements de yoga et de courtes pauses thé pour se mettre à l’aise, les visiteurs participent à des ateliers d’autopalpation. Hortense, manipulatrice en radiologie, souhaite « que les femmes s’auto-palpent une fois par mois pour qu’elles consultent plus rapidement ». Marie-Ombremerche, directrice de cabinet au CHU de Lille, précise que cet événement permettra de cibler un public plus large et de « mieux diffuser l’information et les messages de prévention ». L’art permet donc de rassembler des gens autour de causes communes. Françoise Lemaître déclare : « On n’a jamais eu autant de réactions positives sur les réseaux sociaux », prouvant tout l’intérêt de ce type de démarche.
– Adèle Petit
Les femmes sont là
Pour cette rentrée 2023, le Palais des Beaux-Arts de Lille offre aux habitants de la MEL une nouvelle exposition : Où sont les femmes ? visant à remettre en lumière les artistes féminines. L’exposition tient-elle ses promesses ? Nous nous sommes rendus sur place pour le découvrir.