Quand les vélos redéfinissent la livraison urbaine
Yohan, Simon, Grégoire, Benoît et Martin se sont lancé un véritable défi : « concurrencer Uber ». Tous forment un seul groupe, Lille Bike. Depuis plus de deux ans, cette coopérative de livraison à vélo parcourt les rues lilloises afin de proposer une livraison urbaine tournée vers l’avenir.
Avec des volumes horaires respectables, des conditions de travail acceptables, et un salaire digne, Lille Bike représente une réelle alternative face à la précarité endurée par livreurs : « Aujourd’hui, il est très difficile voire impossible de vivre de la livraison si on travaille pour Deliveroo ou Uber Eats », affirme Grégoire, qui en a fait l’expérience. La dimension éthique du projet est très importante : « Notre but n’est pas seulement écologique, mais éthique, c’est un projet politique global », insiste Yohann.
« C’est même une nécessité, de changer la façon de livrer », selon Grégoire. Ils traduisent aussi cette volonté au sein de leur équipe, où ils sont tous sur un pied d’égalité. Avec une pointe d’humour, Grégoire qualifie même le groupe comme une forme de « Zad à vélo ». Toutes les décisions sont prises collectivement, et les taches administratives ou ménagères sont réparties entre les différents membres de la coopérative. Là, aussi, ils se distinguent du modèle des autres sociétés de livraison, pas toujours respectueuses de leurs employés. Selon Yohann, cela joue sur leur réussite : « Le fait qu’on soit tous au même niveau, on partage tous les choses, les clients peuvent s’adresser aux quatre d’entre nous, n’importe quelle personne est autant responsable que l’autre, on pense que c’est un modèle plus performant. »
Les commandes du jour.
« La ville commence à prendre conscience, c’est le début », Grégoire.
Avec la croissance du e-commerce et la pression concurrentielle, les acteurs de la logistique offrent des délais de livraison de plus en plus rapides à des coûts réduits. Cette quête du « toujours plus » entraîne une augmentation du nombre de véhicules utilitaires dans les zones urbaines.
Face à ce constat, Lille Bike agit et plusieurs groupes leur font confiance : Fiducial office solutions, le diocèse de Lille, ou encore la boulangerie Brood. Livrant pour ces différentes organisations, Lille Bike lutte en émettant zéro gaz à effet de serre, et démontre sa capacité à livrer, rapidement et en grande quantité : « Un livreur peut livrer une tonne en une matinée », notamment avec une remorque capable de supporter 200 kg. La coopérative lilloise est équipée de plusieurs vélos : vélos-cargos et vélos électriques, utilisés uniquement pour les trajets les plus longs et les plus chargés. Non seulement écologiques, les vélos sont plus rapides que les voitures en centre-ville, et peuvent livrer dans endroits impossible d’accès pour les véhicules motorisés, comme à Euralille. Courrier, matériel de bureautique, ou encore du pain, la coopérative est une solution viable pour livrer tout type de marchandises.
Dernières vérifications avant la tournée. – Crédits photos : Solène DEFORGE
Équipée d’un logiciel, la coopérative sait faire face à une quantitée importante de commandes et se considère prête à concurrencer les camions et les plus grands groupes de livraisons alimentaire : « On veut lancer la food, livrer comme Uber ou Deliveroo, mais en écologique », résume Simon, ancien salarié en contrôle de gestion.
Si Lille Bike représente une solution d’avenir, c’est aussi une solution contemporaine, souvent moins chère pour les livraisons en ville. Elle doit être considérée comme une réelle alternative au système actuel.
Loïc SAVARY DE BEAUREGARD
L'histoire de Souleymane, un autre regard sur le métier de coursier
Lors de la 77ᵉ édition du Festival de Cannes, le public a pu découvrir le film réalisé par Boris Lojkine, L’Histoire de Souleymane.
L’histoire raconte le parcours d’un jeune Guinéen interprété par Abou Sangaré, venu en France, qui tente de réussir sa quête pour obtenir des papiers et ainsi une protection de l’État français. Pour y parvenir, il doit raconter son histoire lors d’un entretien. Dans l’objectif de réussir cet entretien, le jeune Guinéen se fait aider par un de ses collègues, qui le prépare à cet exercice oral.
Ainsi, Souleymane se motive en répétant son histoire à travers les rues de Paris, où il travaille comme livreur de repas à vélo. Ce film montre une facette peu connue du métier de coursier à vélo. En effet, on observe que cette activité est souvent exercée par des personnes venant d’un autre pays et n’ayant pas de papiers. En travaillant pour une plateforme de livraison à domicile, Souleymane exerce illégalement, en utilisant un profil de coursier qui ne lui appartient pas, ce qui l’expose aux risques.
À travers ce personnage, on comprend que le métier de coursier peut être perçu comme une activité détournée, avec des conséquences parfois lourdes pour le travailleur. Le coursier doit faire face à de nombreux risques, comme le montre le film, notamment les dangers liés à la circulation dans les villes, avec le risque constant d’accidents. De plus, les livreurs sont souvent confrontés aux plaintes des clients après une livraison, ce qui peut mettre en péril leur emploi, comme le montre la crainte de Souleymane face à cette situation.
À travers les différentes séquences, on peut voir l’effort important que demande cette activité : les livreurs sont chronométrés, doivent acheter leur propre vélo, ce qui représente une difficulté supplémentaire pour les sans-papiers, en raison d’une rémunération faible et surtout dépendante du nombre de livraisons effectuées.
Gwendal DECARRIERE
La cyclologistique, une solution d'avenir pour les livraisons urbaines ?
Crédit vidéo : Simon DOUZIL