Avancer et mieux vivre ensemble, les Tiers-lieux ouvrent la marche
“Dans un environnement qui change, il n’y a pas de plus grand risque que de rester immobile” – Jacques Chirac. Dans un monde où les enjeux environnementaux et sociétaux sont bouleversés, on remarque un désir grandissant des citoyens de vouloir se bouger. En ce sens, les Tiers-lieux participent du mouvement. Tipimi et Chaud Bouillon à Lille-Fives font partie de ces repaires incontournables qui incarnent le changement. Leur but : inviter les usagers à repenser leurs habitudes de consommation tout en créant du lien social.
Au programme des jeudis et vendredis soir à Tipimi (“Toi puis moi” en Ch’timi), c’est l’heure de l’apéro, au milieu des pinatas citrouilles de ce mois d’octobre. Dans le local situé à Fives, on se rencontre autour d’une soirée frip, d’un repair café, ou lorsqu’on est en coworking. Selon Diane Krafft, urbaniste et cofondatrice du projet, “le principe, c’est vraiment d’échanger pour grandir ensemble”. Échanger lors de discussions, mais aussi échanger ses objets. Sur leur site internet, l’objétothèque permet de s’engager dans une consommation alternative grâce aux prêts et emprunts d’objets du quotidien. Ce projet s’inscrit dans une démarche de consommation plus responsable et raisonnée, pierre angulaire du projet Tipimi.
Consommation 2.0
Alors que nous passons moins de temps à l’extérieur, que notre connaissance du monde qui nous entoure et de la végétation diminue, comment pouvons-nous augmenter nos connaissances des aliments que nous consommons ? Yanis, 17 ans, effectue des missions à la ferme urbaine de Chaud Bouillon, Lilotopia, pour financer une partie de son BAFA. Il est attaché aux missions qu’il réalise, car : “On fait de vraies choses en tant qu’êtres humains“. Le lycéen souligne :”Plutôt que de rester chez soi sur son téléphone, sur sa console“, les utilisateurs du lieu apprennent à cultiver des sols, bricoler, voire à faire leur propre jardin. Ils agissent pour une consommation plus biologique et durable, et redeviennent acteurs de leur consommation alimentaire.
Être conscient de ce que l’on consomme
(Diane Krafft)
Si on était réellement conscients des conditions de travail que nos achats impliquent et de leur impact écologique, consommerait-on de la même manière ? Les Tiers-lieux donnent un indice. L’objéthothèque de Tipimi s’inscrit dans cette démarche de consommation alternative grâce aux prêts. Le but, pour Diane Krafft, “c’est d’éclairer, c’est d’être conscient de ce que l’on consomme“. L’enjeu est de faire en sorte que les achats soient des actes réfléchis. “Quand on va sur la fast-fashion on est conscients, et plus on est conscients, moins on va le faire.” Ce ne sera pas toujours possible, mais tendre vers cette consommation alternative, plus responsable et raisonnée constitue déjà un pas vers l’avant.
Révolution limitée
“L’effet colibri” vient d’une légende amérindienne selon laquelle un petit oiseau se serait démené seul pour tenter d’éteindre un incendie de forêt, goutte après goutte, tandis que les autres animaux restaient paralysés par la peur. D’après cette histoire, l’action individuelle et isolée ne permet rien, mais l’action collective pourrait mener à de profonds changements. C’est ce que souligne l’urbaniste : « Il s’agit d’allumer ce petit doute en disant qu’ici, il y avait moyen de faire différemment. J’espère plus [l’effet] boule de neige que [l’effet] colibri, parce qu’au final la boule de neige devient de plus en plus grosse. »
Les Tiers-lieux, à eux seuls, ne vont pas engendrer de révolution car leur impact reste limité à taille humaine. Les gérants en sont conscients. Pourtant, les scientifiques ont démontré qu’il est nécessaire, dès maintenant, de consommer en circuit court pour limiter notre empreinte carbone. L’événement Samedi Bien, proposé le samedi 12 octobre à Chaud Bouillon par l’association Benenova, à son échelle, a été un exemple d’action en faveur de la consommation durable et locale. Des bénévoles, en situation de handicap, de précarité, ou non, se sont réunis pour cuisiner un menu à base d’ingrédients de fermes locales, comme la ferme urbaine où d’autres ont d’ailleurs pu mettre leurs mains dans la terre. Les Tiers-lieux sont donc des microcosmes sociaux qui poussent à repenser le quotidien, tant dans l’idée de partage que dans l’engagement citoyen. Pour une vie meilleure ensemble et pour chacun, dans un monde plus durable.
Amy Villette
3 questions à...
Philippe, 70 ans, ancien professeur d’anglais, est amateur de musique et de généalogie. Du haut de son balcon, il a observé quelques temps le Tiers-Lieu « bobo et écolo » juste en face de chez lui, avant d’oser pousser la porte de ‘’Tipimi’’ il y a 4 ans. Aujourd’hui, il est devenu un véritable habitué des évènements des jeudis et vendredis qui lui font oublier le silence de son appartement.
Que vous a apporté Tipimi ?
Ça a changé ma vie. Vous savez, quand on ne travaille plus, que ses enfants n’habitent pas la région, que sa famille est réduite, aller dans ces lieux ça aide à sortir de la solitude du quotidien. J’ai beaucoup de bons souvenirs à Tipimi. Parmi les meilleurs, c’est quand des musiciens m’invitent à jouer avec eux pendant leur concert parce que je suis harmoniciste. Ça j’en suis assez fier.
Tipimi est axé sur le principe de consommation raisonnée, avez-vous changé votre comportement après être venu ?
Pas complètement mais un peu, par exemple j’use mes vêtements un peu plus jusqu’à la corde avant d’en racheter. J’avais une voiture et je l’ai revendue parce que je m’en servais très peu. Maintenant, je prends les transports en communs et finalement ce n’est pas plus mal. Au niveau de la nourriture, j’ai essayé de manger un peu moins de viande et un peu plus de légumes, même si j’adore la viande.
Pensez-vous qu’il soit important de développer des Tiers-Lieux comme Tipimi ?
Comme disait Coluche : « le pinard ça devrait être obligatoire » et bien c’est pareil pour ces lieux. Franchement, Tipimi a permis d’attirer d’autres Tiers-lieux écolos dans le coin et ça a aidé à créer une vie de quartier à laquelle tous le monde participe. »
Emma Cézard