Un retour à la consigne pour un monde plus « verre »
Dans la région lilloise, non loin de Villeneuve d’Ascq, un “Drive tout nu” à ouvert ses portes le 14 avril 2021. Son objectif ? Démocratiser l’accès à une consommation zéro déchet, en privilégiant la consigne de verre au détriment de l’emballage plastique.
Face aux dégâts environnementaux que causent les comportements humains, il est devenu primordial d’agir pour éradiquer le plastique et limiter sa présence dans le quotidien des consommateurs. En Europe la surabondance de plastique est telle que 80 à 120 tonnes de déchets finissent en mer et détruisent des écosystèmes entiers.
Garantir un héritage durable
« Le monde déteste le changement, c’est pourtant la seule chose qui lui a permis de progresser. » Aussi archaïque soit-elle, le citation de l’inventeur américain Charles F.Kettering, est celle qui guide au mieux Maxence Lefaure dans la pratique de ses éco-gestes. Ce jeune trentenaire a grandi aux côtés d’un père naturaliste, amoureux de la nature. Pourtant, les conséquences du réchauffement climatique restaient encore très abstraites. Tout bascule en 2020, lorsque sa belle-sœur crée son entreprise d’accessoires de bain zéro déchet. Sa curiosité s’emballe : « Je m’y suis beaucoup intéressé et aujourd’hui je suis hyper informé car je n’ai pas envie de laisser un monde pourri à ma fille. »
Alors que rien ne destinait ce jeune consultant en transformation digitale à monter un tel projet, Maxence Lefaure a souhaité aligner ses nouvelles valeurs avec sa vie professionnelle. C’est dans cette optique qu’il a ouvert le premier Drive tout nu de la métropole lilloise, il y a trois ans.
« Notre objectif c’est de montrer aux gens que la solution pour limiter l’utilisation du plastique, c’est la consigne de verre (…) et surtout les inciter à privilégier cette consommation zéro déchet. »
Un monde noyé sous la pollution du plastique
Le plastique, c’est le démon noir de Maxence. Depuis son enfance, déjà, les comportements des citoyens autour de lui l’interpellait, « même si je n’ai pas grandi dans une famille d’écolo, (…) voir des cannettes par terre, ça me rendait ouf ». À cela s’ajoute les quantités de gaz à effet de serre qu’émet la fabrication du plastique à usage unique, ainsi que les dégâts qu’il cause sur nos écosystèmes marins.
Pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé de transformer le plastique, en un emballage respectueux de l’environnement, notamment avec la création du recyclage. Malheureusement, sur 26 millions de tonnes de déchets plastiques, seulement 30% sont recyclés et 70% sont enfouis ou incinérés. Un cadre juridique autour du plastique a également été mis en place, avec plusieurs interdictions visant les entreprises et pourtant, le plastique continue à être omniprésent dans notre quotidien.
C’est un triangle infernal, les particuliers rejettent la faute sur les politiques et les entreprises (…) les entreprises se plaignent du manque de cadre politique (…), ils se rejettent tous la faute alors que tout le monde devrait s’y mettre.
Ici, au Drive tout nu, en plus de proposer une alimentation locale et respectueuse de l’environnement, les employés conditionnent la majorité des produits dans des bocaux en verre.
Evidemment, ce n’est pas un hasard si Maxence utilise le verre comme un allié de taille contre la surabondance de plastique. C’est une matière qui représente un composant écologique par excellence, neutre et réutilisable indéfiniment. À contrario du plastique qui ne peut être réutilisé que deux ou trois fois.
Réemployer une bouteille en verre permet d’économiser 33% d’eau, 79% de C02 et 75% d’énergie par apport à une bouteille recyclée, qui sera elle, très énergivore. Il permet donc d’éviter le rejet de 2 millions de déchets par an et préserve les ressources naturelles.
Toutefois, douceur et délicatesse ne seront pas les maîtres mots pour démocratiser la consigne de verre. Sur de lui, Maxence rétorque « la manière douce, ça ne fonctionne pas (…) il va falloir rendre ça obligatoire pour les entreprises, comme ça les consommateurs n’auront pas le choix de suivre ». Le chemin sera encore long pour généraliser l’utilisation de la consigne de verre, d’autant que les politiques ne sont pas très préoccupés par ce sujet. Mais la question de la surabondance du plastique ne laisse pas le public indifférent, Maxence Lefaure en est la preuve.
Marushka Charrier
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Recyclage ou Consigne : Quelles solutions pour demain ?
A partir des années 1990, le recyclage a peu à peu remplacé les consignes de contenants de verre en France. Pourtant aujourd’hui, la consigne fait son grand retour grâce à l’éco-organisme Citéo et la loi Agec du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire. Cette loi prévoit le réemploi de 10% des emballages d’ici 2027. Mais la consigne est-elle vraiment plus avantageuse que le recyclage ?
Selon le Bilan national du recyclage, effectué entre 2012 et 2021 par l’Ademe, le recyclage d’une tonne de verre creux, utilisé dans les contenants alimentaires et ménagers, permet d’éviter 928 kg équivalent CO2 contribuant au réchauffement climatique et 1958 kWh de ressources énergétiques fossiles utilisées. En France, on recense 14 centres de traitement qui permettent de densifier le processus de collecte sur le territoire. Pourtant, le transport logistique a un fort impact sur l’émission de gaz à effet de serre.
Du côté de la consigne, elle sera en vigueur dans 4 régions d’ici mai 2025 : Bretagne, Normandie, Pays de la Loire et Hauts-de-France. Selon une étude de l’Ademe sur la consigne et le réemploi du verre, les impacts de production seraient amortis au fil du temps et le transport serait optimisé. Par ailleurs, ce processus consomme beaucoup de ressources en eau et en électricité pour le nettoyage des contenants. La composition du détergent utilisé a également un impact négatif sur la ressource en eau. Selon le rapport ACV de Deroche, une bouteille pourra être réutilisée au moins 20 fois.
Bien que le recyclage soit encore présent, la consigne de verre pourrait peu à peu le remplacer dans une démarche de généralisation à l’ensemble du territoire.
Zoé Picard