De la prison à la rue : briser le cycle de la récidive
Posted On 6 novembre 2024
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A Lille, l’association La Cloche accueille tous les mois des personnes condamnées à un travail d’intérêt général, pour des périodes de deux à trois semaines. Selon Gaëlle Dervaux, responsable de l’antenne lilloise, l’association est attachée à promouvoir une justice réhabilitative plutôt que punitive et trouve sens à donner une seconde chance à ces personnes, leur permettant de se racheter auprès de la société. « Chaque profil, peu importe sa situation peut venir à la cloche, les services civiques, bénévoles y sont habitués. Ainsi, la personne en travail d’intérêt général n’est pas du tout isolée du reste du groupe », explique-t-elle.
La Cloche vise à créer du lien social entre les personnes sans abri et les citoyens en favorisant l’inclusion. Présente partout en France, elle a une antenne à Lille. Elle a monté un réseau de commerçants solidaires offrant des services gratuits (eau, recharge de téléphone, toilettes) aux personnes sans abri : le Carillon. Ce réseau propose également des actions de sensibilisation dans les écoles, entreprises et lors d’événements pour éduquer le public sur la précarité.
Ainsi, les condamnés peuvent être amenés à aller à la rencontre de personnes à la rue, au côté de la vingtaine de bénévoles réguliers de l’association. « On fait avec les personnes et pas pour les personnes. » Selon Gaëlle et La Cloche, l’aide passe par l’insertion, la réinsertion. On retrouve le même principe avec les sans domicile fixe, qui vont être amenés à devenir bénévoles et participer aux activités plutôt qu’en être seulement bénéficiaires.
Ce n’est pas rare que d’anciennes personnes condamnées à un TIG avec la Cloche reviennent en tant que bénévoles après la fin de leur peine : c’est le cas d’Olivier*, 32 ans. « J’ai passé deux semaines avec eux pour mon TIG. Pour la première fois depuis longtemps, j’étais fier de moi en me couchant le soir. J’ai apprécié particulièrement les maraudes : on distribue de la nourriture et des vêtements entre autres. Je suis revenu en tant que bénévole après la fin de ma peine, les week-ends parce que j’ai retrouvé un travail, et je n’étais plus dispo en semaine. »
*prénom modifié
Le choix de l’alternative à l’emprisonnement est la voie qu’ont prise nombre de nos voisins européens. L’Allemagne par exemple a diminué sa population carcérale de 10 000 personnes en 10 ans. Ces alternatives sont plus adaptées à la réinsertion, sont moins chères que la prison, et permettent leur désengorgement. Mais ce n’est qu’une partie de la solution : en effet le Conseil de l’Europe dit qu’il faut condamner moins, pour des peines plus courtes et réduire la détention provisoire.
La peine de Travail d’intérêt général reste une voie à envisager. Cette sanction implique l’exécution d’un travail non rémunéré au bénéfice d’une association ou d’un service public, pour une durée de 20 à 400 heures. Le travail peut consister à entretenir le patrimoine, les espaces verts, effectuer des actes de solidarité.
Liyou Giorgis
La justice restaurative n’est, en France, pas une alternative à l’emprisonnement. Cependant, le film Je verrai toujours vos visages, sorti en 2023 permet de voir ce dispositif de dialogue entre auteurs d’infractions et victimes comme un moyen de reconstruction des parties.
Raphaël Quenard, Adèle Exarchopoulos ou encore Elodie Bouchez font partie des têtes d’affiche du film. Par ce choix d’actrices bien connues du public français, Jeanne Herry, réalisatrice, montre une envie de rendre un sujet complexe et peu connu en France, la justice restaurative, sous le feu des projecteurs.
Même si quatre destins de victimes se croisent, tous riches en émotions, il est impossible de rester insensible à l’histoire de Chloé, victime d’agressions pendant son enfance. Ce personnage se distingue des autres par une tristesse et un mal-être infinis masqués sous une rage intense. Pour ce rôle, Adèle Exarchopoulos obtient le César 2024 de la meilleure actrice dans un second rôle.
Ici, laissez tomber les aspects théorique, institutionnel et politique de la justice restaurative. Le but est de se concentrer pendant deux heures sur la reconstruction. Cela se fait par les émotions. Ce qui rend le propos original, c’est que la reconstruction n’est pas réservée qu’aux victimes. Le film cherche à révéler l’humanité, à rendre moins monstrueux les coupables, et ce, même pour un auteur de viol incestueux sur sa soeur. Pour rendre cette humanité, le rôle du médiateur est mis en avant. Dans une scène, on voit Grégoire, médiateur qui exprime, sous la colère, à Issa qu’il doit être là dans une vraie intention de se repentir. Il veut remuer l’auteur pour qu’il change.
Amélie Boniface
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