Faire la sieste à l’université pour améliorer la santé des étudiants
Depuis septembre à l’Université de Lille sur le campus de Cité Scientifique, deux capsules de sieste ont été installées. A l’initiative du groupe de projet Libel’Ul (License inclusive bien être étudiant de l’Université de Lille), les capsules devraient permettre aux étudiants et professeurs de se reposer pendant leur pauses et combattre la fatigue.
En 2021 et 2022 l’Université de Lille a mené une enquête de grande ampleur sur les conditions de vie étudiante et les besoins qui en résultent. La fatigue et l’anxiété des étudiants de Lille ressortent donc grands vainqueurs des enquêtes et l’Université tente alors depuis d’y remédier. De cela, le projet Libel’Ul est né en 2024 avec le but de trouver des solutions novatrices pour pallier les problèmes psychosociaux des jeunes de leurs campus. Les capsules récemment installées viennent donc s’inscrire dans ce projet global.
À l'origine des capsules Libel’Ul
Dans la Bibliothèque universitaire du Campus de Cité Scientifique, les capsules sont à disposition de tous sans durée limitée. Elles offrent un environnement propice au repos en pleine journée, à proximité des espaces de travail. Cela permet d’optimiser le temps des étudiants, qui n’ont plus besoin de rentrer chez eux pour se reposer. Inspirées des concepts déjà en vogue dans les grandes entreprises technologiques et les espaces de coworking, les capsules se présentent comme une réponse adaptée à la gestion de la fatigue au sein des campus. Les bibliothèques, lieux silencieux par essence, se prêtent bien à leur installation.
Les bienfaits des siestes sont largement documentés, environ 15 à 30 minutes permettraient de lutter contre la fatigue, d’améliorer la concentration, la mémoire et la productivité. Solution concrète pour prévenir l’épuisement mental et physique, ces innovations répondent également à des problématiques de santé. En effet, le manque de sommeil augmente le stress, affaiblit le système immunitaire et favorise des troubles de l’humeur, comme l’anxiété et la dépression. Imane Chaabi, chargée de projet pour Libel’Ul nous explique qu “‘au cœur de ce projet de l’Université se trouve la réussite académique mais également en tant qu’étudiant, ils doivent bénéficier d’environnement propice à la réussite”. Elle explique que les capsules s’inscrivent ainsi dans un projet de “santé globale”.
Une réponse aux problèmes grandissants de fatigue et d’anxiété
Les raisons de cette fatigue sont multiples et la première qui émerge est en lien avec la situation des étudiants précaires (premières cibles du projet d’après Esther Dehoux chargée de projet Libel’Ul). Depuis plusieurs années les mobilisations face à la précarité étudiante se multiplient et beaucoup notifient qu’ils doivent allier travail et études pour boucler les fins de mois. Une solution qui rime souvent avec épuisement. C’est le cas de Margaux, étudiante boursière en deuxième année : “Même en ayant la bourse je me suis bien rendu compte que ça ne suffisait pas. Si je trouve un job je sais que je vais être fatiguée mais j’ai pas vraiment le choix”. Sa contrainte est celle de beaucoup et vient s’ajouter à d’autres facteurs d’épuisement. On peut souligner le rôle des emplois du temps faits par l’Université. Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas dans les facultés de Lille et les étudiants ne bénéficient pas d’un rythme stable. Les horaires varient presque chaque jour et les cours peuvent débuter à 7h50 aussi bien qu’à 15h20. Les emplois du temps sont par ailleurs truffés de trous, inconvénient de plus pour trouver son rythme dans la journée. Enfin, on notera que les adolescents grandissent désormais dans une société où faire des études supérieures est devenu la norme. Pour se démarquer, et tenter d’accéder au Master, stages, formations de leurs choix, ils sont de plus en plus poussés à embellir leurs dossiers. Problème : la multiplication d’activités périscolaires entraîne certains à ne jamais prendre de pauses, ce qui mène au surmenage. Dans ce cadre, on peut considérer les capsules de sieste comme un bon moyen de récupérer et d’adapter son travail à son rythme et ses besoins.
Les limites d'une solution prometteuse
Malgré leurs avantages, les capsules de sieste ne sont pas sans poser certains défis. D’abord, le coût d’installation et de maintenance de ces dispositifs pourrait représenter un frein pour de nombreuses institutions, surtout si elles doivent faire face à d’autres priorités budgétaires. Les bibliothèques, souvent déjà saturées par les étudiants, pourraient avoir du mal à dégager suffisamment de place sans nuire à l’espace de travail.
Enfin, il faut souligner que ces capsules, bien que bénéfiques, ne sont pas une solution miracle à la fatigue chronique ou au manque de sommeil régulier. Les capsules doivent être vues comme un complément aux pratiques de santé déjà mises en place et non comme une alternative à un sommeil de qualité. Dans un projet de santé globale, on apprend qu’au-delà de ces capsules, le projet finance une psychologue de santé supplémentaire à la disponibilité des étudiants comme nous le dit Imane Chaabi.
Sara Lebaillif
Côté chiffres :
La question du manque de sommeil chez les étudiants devient de plus en plus préoccupante. Selon une enquête de l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE) menée en 2022, environ 60% des étudiants dorment moins de sept heures par nuit. Ce déficit a des répercussions importantes sur leurs études et leur santé globale. Une autre étude de l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance (INSV) révèle qu’en 2019, 8 étudiants sur 10 manquent régulièrement de sommeil, notamment durant les périodes d’examens.
Le manque de sommeil impacte directement la concentration et la productivité des étudiants. D’après une étude de Harvard, chaque heure de sommeil en moins par rapport aux 8 heures recommandées réduit de 10% la productivité cognitive. Ce déclin se manifeste par une baisse des performances académiques. En effet, les étudiants qui dorment moins de six heures par nuit ont 70% plus de chance d’obtenir une moyenne inférieure à ceux dormant plus de huit heures.
En plus des conséquences sur les études, le manque de sommeil accentue l’anxiété et le stress. Une enquête de l’OVE en 2020 indique que 38% des étudiants souffrant de troubles du sommeil développent des troubles dépressifs. Sur le plan physique, ce déficit entraîne des perturbations métaboliques, affaiblit le système immunitaire et augmente le risque de maladies chroniques.
Il est donc essentiel que les étudiants prennent conscience des effets néfastes du manque de sommeil pour leur réussite académique et leur santé globale.
Victoria Cabero
Inès Rasson-Sellah