Réformer Pass’Culture, ça passe ou ça casse

by Martin Paquet
L’annonce récente d’une réforme du Pass’Culture par la ministre Rachida Dati a suscité beaucoup d’interrogations. Si ce dispositif fait globalement l’unanimité auprès des jeunes, il ne la fait pas chez les décideurs. Pass’Culture ne satisfait apparemment pas vraiment les attentes du gouvernement, à savoir rendre la culture accessible à tous.

300 euros libres de dépenses dans la culture ; lecture, cinéma, spectacle, concert : le panel d’offres est large, trop large pour certains… Pour Rachida Dati, ministre de la culture, il est aberrant de laisser une entière liberté à utiliser cette subvention comme le souhaitent ses utilisateurs.

Celia Bernard, secrétaire générale du Gymnase CDCN est une actionnaire de Pass’Culture, son label du ministère de la culture permet l’accompagnement du jeune public par des projets de médiation et de sensibilisation à la danse). A son échelle, elle bénéficie d’une visibilité supplémentaire grâce à l’offre collective fournie par Pass’Culture à l’encontre d’établissements scolaires.

“Il est dommageable que cette offre individuelle soit si peu utilisée par les jeunes au spectacle vivant”
Celia Bernard
Secrétaire générale au gymnase CDCN

Dans son projet de réforme, Rachida Dati propose d’augmenter cette part collective du pass dépensé par les enseignants, auxquels revient le choix des activités : 25 € par élève pour les classes de troisième et de quatrième, 30 € pour les élèves de seconde et CAP, et 20 € en première et terminale.

Une définition controversée de la culture

Nombreux sont ceux qui voient ce projet de réforme comme la fin de l’essence même de Pass’Culture dont l’originalité reposait sur le libre choix laissé aux jeunes, sans distinguer de « bonnes » ou de « mauvaises » pratiques culturelles. La nouvelle réforme viserait à restreindre une partie de l’offre individuelle à certaines sous-catégories, on sous-entend donc qu’un jeune a besoin d’une aide du gouvernement pour choisir comment utiliser son budget. Aujourd’hui, près de la moitié des ventes du Pass Culture sont englouties dans des mangas, dont les ventes ont doublé depuis la création du dispositif. Avec 40 millions d’exemplaires vendus en 2023, la France est le deuxième marché mondial pour les mangas après le Japon ! Cette lecture est jugée par beaucoup comme peu intellectuelle, la question demeurant jusqu’où accepter ou refuser la culture ? En 2024, Studio Lab, magasin de vente d’instruments de musique se voit refusé de ses offres l’ensemble de son matériel de mixage supposé comme inéligible à l’offre culturelle, une décision incompréhensible selon Alexis, luthier chez Studio Lab qui dénonce le fait qu’on accepte le cinéma ou les escapes game tout en refusant son matériel musical.

Une logique en temps de restrictions budgétaires

Mesure phare de la politique culturelle des gouvernements Macron, disposant d’un budget annuel de 260 millions d’euros de subvention, Pass Culture a subi un bilan très sévère dressé par la Cour des Comptes.

On peut affirmer que ce dispositif coûte trop cher, le gouvernement cherche donc des moyens pour baisser son coût. La fin du libre-service compliquera la totale utilisation du pass pour les jeunes mais surtout les tournera vers des secteurs plus rentables pour la SAS, quitte à en perdre l’essence même du Pass’Culture…

 

Théophile Descamps

Photo de Une Maxime Peythieux

Médaillon Gymnase CDCN

 

Le saviez-vous ?

“Pass’Culture” est une société par actions simplifiée détenue à 70% par l’Etat et à 30% détenue par la Caisse des dépôts et consignations, c’est donc une start-up ayant des besoins de rentabilité

Le Pass'Culture vu par les jeunes

Zoom sur les inégalités territoriales

Un buffet culturel... réservé aux citadins

Le pass culture, bien qu’intéressant pour les 15-18 ans, présente un intérêt limité pour les jeunes des zones rurales. Cette disparité s’explique par la répartition inégale des offres sur le territoire français.

Dans les grandes métropoles comme Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux ou Lille, on trouve une forte concentration d’offres. Les principaux partenaires du pass, tels que la Fnac, les cinémas Pathé ou le Furet du Nord, y sont largement présents, rendant le pass plus avantageux pour les jeunes urbains.

Les villes moyennes comme Caen, Quimper ou Annecy, et leurs périphéries, bénéficient d’une densité d’offres moyenne.

En revanche, les zones rurales sont nettement défavorisées. On observe une faible densité, voire une absence d’offres, particulièrement dans le centre de la France, certaines parties des Alpes, des Pyrénées, et des zones rurales de l’ouest et du nord-est.

Cette répartition inégale souligne le déséquilibre des opportunités culturelles entre les jeunes urbains et ruraux. Pour les jeunes des villes, le pass représente une véritable aubaine, offrant un large éventail de choix parmi de nombreux partenaires. À l’inverse, pour les jeunes ruraux, l’offre est considérablement
réduite, limitant l’intérêt et l’utilité du pass culture.

Cette situation met en lumière la nécessité de repenser la distribution des offres du pass culture pour assurer une égalité d’accès à la culture sur l’ensemble du territoire, indépendamment du lieu de résidence des jeunes bénéficiaires.

Lou Bazart-Gelly

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