Quand des ateliers culinaires réconcilient grande précarité et fierté d’une activité

by lena.feron@academie.esj-lille.fr

L’association lilloise Magdala organise tous les jeudis des ateliers culinaires pour des personnes en situation de précarité. Un moyen de retrouver une activité et de développer de nouvelles compétences, de créer des liens particuliers également. 

Béatrice et ses collègues du jour finalisent les recettes

Béatrice et ses collègues du jour finalisent les recettes / © Ninon Chazaud

Les casseroles s’affairent, les couteaux sont aiguisés, les rires les accompagnent. Rue Colmar ce matin, les bruits et odeurs annoncent la chaleur d’un repas convivial. Une convivialité pour des profils en situation de précarité, c’est une lumière dans une France où cette situation fabrique de l’isolement. Selon la Fondation de France, en 2024, 17% des personnes en situation de précarité subissent un isolement. 10% de plus que pour les profils avec les revenus élevés. Face à cela, la plupart des personnes rencontrées témoignent d’une spirale dans laquelle le retour à l’activité devient complexe. “A Magdala, on a un accueil de jour pour les personnes qui n’ont nulle part où aller. En discutant avec les visiteurs, on s’est rendu compte que ce qu’ils demandaient, c’était de l’activité. On les aide juridiquement, pour leurs logements, l’aide alimentaire, et pleins d’autres facteurs, mais leur permettre de renouer avec des liens sociaux et l’estime d’un travail accompli, c’est très précieux”, témoigne Franck, salarié de l’association. L’objectif des ateliers du collectif : ré-instaurer un quotidien actif à des personnes qui n’ont plus de structures où exercer. 

Un parcours de réinsertion mais pas que...

Pourtant, dans la MEL, le Parcours Convergence met en relation toutes les associations comme Magdala accompagnant des personnes précaires et sorties de l’emploi, en les plaçant dans des chantiers de réinsertion. La MEL emploie actuellement 249 personnes en file active. Entreprises privées, chantiers solidaires, ils sont répartis selon leur profil et leur situation sociale. Cependant, la demande étant plus importante que l’offre, beaucoup de personnes ne peuvent en faire partie. “Les gens qui viennent ici, ils n’ont pas encore les dossiers nécessaires pour intégrer ce type de chantier, ou n’en n’ont plus en cours. Nous, on est là pour que leurs compétences évoluent sur certains domaines. Mais pas que. Plusieurs de nos membres, à la suite des ateliers, ont pu intégrer un chantier de réinsertion. Et en soit, même s’ils n’y parviennent pas directement, qu’ils puissent  se rendent compte directement que leur travail peut plaire, c’est déjà important. Des membres viennent sans l’ambition de trouver un travail, mais déjà de passer un moment convivial et y prendre plaisir“, explique fièrement Corinne, directrice de l’association. 

Le contact du public

A la fin de l’atelier, à hauteur de deux euros par personne, le public peut donc venir déguster les préparations des membres. Aujourd’hui, c’est coleslaw, thon, riz en sauce avec en dessert gâteau a la banane, et, tout le monde semble s’en régaler. “Je reviens manger ici parce que j’ai déjà participé à ces ateliers. Ensuite, j’ai pu travaillé dans le Foodtruck de Madgala le Ch’ti Talent. Ca m’a beaucoup aidé face à l’isolement. J’ai pu progressivement reprendre confiance en moi et m’ouvrir aux autres“, explique Samuel, bénévole du collectif.

L’initiative de Magdala permet ainsi à une douzaine de personnes par semaine de rompre cet isolement, et d’effectuer un pas vers le retour à l’activité. Cependant, dépendant en partie de financements publics, les volontés de réduction de budget pour les associations par le gouvernement Bayrou n’inquiète pas que Magdala, mais l’ensemble des associations françaises.

Paul Perrin

Lutte contre le chômage des personnes en situation de précarité : quel rôle joue le département ?

Face aux difficultés croissantes pour les personnes en situation de précarité à trouver un emploi, de nombreux dispositifs sont mis en place à Lille. 

© Ninon Chazaud

Parmi ces dispositifs, les « Maison Nord Emploi », gérées par le département, aident les bénéficiaires du RSA à trouver une activité professionnelle.  Des « coachs emploi »  suivent ces bénéficiaires en travaillant l’accès à la formation, et en levant des freins tel que la mobilité . Le dispositif est plus spécialisé quand il s’agit de personnes en situation de précarité. Raphaël Duny, responsable adjoint de la Maison Nord Emploi de Lille, explique que le département « finance des partenaires dans le cadre d’un appel à projet », ces partenaires sont des associations tel que l’Abej, le secours populaire, l’association Frédéric Ozanam ou encore l’association Magdala  qui « ont des accompagnements plus spécialisés sur le public précaire » . 

Mais tous ces efforts mènent-ils à une insertion professionnelle sur le long terme ?    Certains employeurs peuvent paraître réticents à recruter des personnes sans domicile fixe par rapport à des personnes qui ont une situation « plus stable ». Le département, grâce à des partenariats avec des entreprises diverses, peut proposer des postes pouvant aider ces personnes. Selon Raphaël Duny, « ce que demandent essentiellement les employeurs, c’est le savoir être , ils veulent des personnes sur qui ils peuvent compter , qui sont mobilisées et qui aiment faire ce qu’ils font ». 

Malgré tous ces dispositifs d’insertion, 50 557 lillois vivent toujours sous le seuil de pauvreté (rapport de l’Observatoire des Inégalités, 2024).

Julie Rouvier

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