Face à l’afflux de viande sud-américaine bon marché permis par les accords du Mercosur, les éleveurs en AMAP tiennent bon. En s’appuyant sur des pratiques durables et des relations directes avec les consommateurs, ils préservent leurs revenus et leur modèle d’agriculture paysanne.
Le modèle associatif pour le maintien de l’agriculture paysanne (AMAP), mettant en lien direct producteurs et consommateurs, semble aujourd’hui résistant à la concurrence internationale, ce qui s’est confirmé depuis les accords du Mercosur fin 2024. Cette consommation alternative est prisé des Français désireux de produits locaux et de qualité.
Le 6 décembre 2024, l’UE officialise les accords du Mercosur, plusieurs accords de libre-échange entre l’Europe et les pays d’Amérique du Sud, souvent simplifié par « voitures contre viande ». L’Allemagne, soucieuse de trouver des débouchés pour ses cylindrés, est le principal instigateur de cette politique, qui permet aux Sud-Américains d’exporter leurs bovins, souvent piqués aux hormones, jusqu’en Europe. Cette importation de viande bon marché va mécaniquement faire baisser le prix du steak dans les supermarchés, ce qui va diminuer le revenu des éleveurs français, déjà étouffés par la concurrence européenne.

Un modèle résiliant
Depuis que Grégory a commencé l’élevage, il milite pour le bien-être de ses bêtes. Cela passe par 140 hectares de pâturages. Concernant ses 300 porcs et ses 200 bovins, ils sont nourris avec de la nourriture bio et de l’herbe qu’il récolte dans la parcelle. C’est d’ailleurs le premier éleveur des Hauts-De-France à vendre un bétail bio.« C’est un cercle vertueux, car avec des bouses de vaches, je fais de l’engrais pour l’herbe, que je donne ensuite aux bovins. » Depuis 2009, il vend 8% de sa production à l’AMAP du Beau-Pays, où il propose des glacières, qui comprennent jusqu’à 8 kg de viande.

« Vendre en AMAP, ça me permet de créer du lien social avec ceux qui consomment ma viande, ils me font des retours, c’est un peu un comité de soutien, c’est très important quand ça ne va pas moralement. Cela me permet aussi d’écouler le stock de ce qui ne se vend pas autre part, donc tout le monde y gagne. » Grégory reste confiant pour l’avenir : « Mes clients ne vont pas acheter du bœuf brésilien, donc je ne suis pas trop concerné. Je suis plus touché par rapport aux pâturages, car mes voisins vont être encore plus tentés d’arracher les haies et le bocage pour être compétitif, on risque donc de perdre une partie de cette biodiversité. C’est une optique différente de consommation. »
Sursaut des consommateurs ?
Après les manifestations largement médiatisées en mars 2024 de la profession contre l’augmentation du Gazole Non Routier, puis fin 2024 pour protester contre les accords du Mercosur, les Français ont-ils pris conscience de l’impact de leur choix de consommation ? L’AMAP du Beau Pays se réjouit d’une croissance nombre d’adhérents. « On en a gagné un peu en 2024, ça veut dire que notre discours se diffuse chez les Français et on remarque une prise de conscience chez le consommateur dernièrement. Plus de personnes s’inscrivent dans cette démarche.«
Le petit producteur peut aujourd’hui se vanter de travailler avec les plus grands, comme Anne-Sophie Pic, 3 étoiles du guide Michelin à Valenciennes. « C’est une vraie reconnaissance, car elle ne fait pas affaire avec nous car on est bio, elle le fait surtout, car on vend de la bonne marchandise de qualité. »
Emile Binet
Consommer local, un modèle d’avenir ?

Delphine Coquille travaille dans une ferme laitière à Mesnil-Saint-Loup dans le département de l’Aube (10). Elle fabrique des produits laitiers et les vend directement sur place dans un magasin nommé Au Comptoir du Fromager et dans des magasins bio et indépendants de la région.
Consommer local, dans un périmètre de 50km de notre lieu de résidence, permet de soutenir l’économie locale et les agriculteurs de nos régions. Par exemple, Au Panier de Sidonie est un magasin d’agriculteurs-producteurs qui se sont regroupés pour vendre leurs différents produits ensemble. On y retrouve tous les produits de la région : oeufs, miel, viande bovine, lait, fromages, yaourts, jus de pomme, etc. Les producteurs locaux développent aussi des plateformes en ligne, c’est ce que l’on appelle les locavores, une forme de drive de produits locaux. Il existe également des casiers frigorifiques en extérieur pour permettre aux consommateurs d’éviter de se déplacer chez le producteur. Plus récemment, les restaurants scolaires sollicitent davantage les producteurs locaux depuis la loi EGalim de 2018. Le modèle d’agriculture de cette ferme est biologique, sain pour l’environnement, mais aussi pour la santé des consommateurs. Delphine raconte que depuis le Covid, beaucoup de gens préfèrent manger des produits frais, locaux et bio. Certains consommateurs préfèrent payer plus cher, car leur production demande davantage de temps, mais savoir ce qu’ils ont dans leur assiette que de manger des aliments industriels transformés.
Tiffaine Congratel
À l’AMAP La Fée des Champs, une autre façon de consommer
Étienne Laurenceau et Florian Nizon