À Lille, des étudiants s’organisent pour permettre à leurs camarades d’accéder librement à des événements culturels. En effet, malgré une large offre disponible dans la métropole, les jeunes semblent ne pas en profiter pour diverses raisons : désintérêt, inaccessibilité, illégitimité… Certains ont donc décidé d’agir pour y remédier en transformant Lille en véritable laboratoire d’expérimentation culturelle pour ouvrir la voie à une culture plus accessible pour tous.
« Timael à la production ! », s’écrit le guitariste sur scène quand l’ampli refuse de s’allumer et que le micro grésille. Les rires fusent et personne n’en tient rigueur à l’étudiant, technicien de régie le temps de quelques heures. En cette soirée enneigée, une cinquantaine de jeunes a bravé le froid pour se retrouver pour cet événement culturel artisanal mais ambitieux : une scène libre organisée par Le Bureau Des Arts Lillois (BDAL) dans le bar Le Circus. Ce qui se joue là, dans cette ambiance chaleureuse malgré les moyens limités, dit quelque chose d’essentiel de l’esprit de ce projet : se soutenir, rester bienveillant et offrir à chacun la confiance nécessaire pour partager ce moment.
L’association culturelle, la première de ce genre née sur le campus de Moulins l’année dernière, propose plusieurs fois au fil de l’année des scènes libres et des jams, pensées pour offrir un espace sûr où monter sur scène devant des spectateurs, enjoués de découvrir les talents de leurs camarades. « On voit de plus en plus de visages inconnus, ça fait plaisir », constate Lina, membre du BDAL. En effet, leur succès est fulgurant : leurs projets sont complets en quelques minutes, leur compte Instagram grimpe en popularité et se propage même sur les autres campus de la métropole. Cela montre bien que la culture continue à attirer et intéresser les jeunes, malgré leur absence dans les instances culturelles.
Jeunes et culture : des freins visibles, des solutions accessibles
À Lille comme ailleurs, nombre d’étudiants peinent effectivement à accéder à la culture. Les prix — cinéma, concerts, expositions — grimpent. D’autres espaces, comme l’opéra ou le théâtre, souffrent d’un sentiment d’illégitimité qui éloigne ceux qui n’y ont jamais mis les pieds. Les établissements gratuits et inclusifs ont pour certains fermer leurs portes, comme le Bistrot St-So, véritable lieu de retrouvailles de la jeunesse lilloise.
Pourtant, Lina est d’un autre avis : « Je pense qu’elle est accessible mais qu’il faut avoir les infos. » En effet, la ville multiplie les dispositifs, souvent méconnus : places jeunes à prix réduit au Théâtre du Nord, programmations accessibles dans les musées, ateliers ou concerts à tarifs doux. Encore faut-il avoir l’information — un problème récurrent.
Le BDAL tente de remédier à ce problème. Chaque semaine, il publie un “où sortir ce week-end” mettant en avant lieux atypiques et concerts gratuits ou à bas prix pour tous les goûts. À cela s’ajoutent des ateliers, que ce soit de crochet ou de couture, et des événements créatifs pour permettre à tout le monde de découvrir : « On essaye de proposer des trucs gratuits pour qu’un maximum de personnes viennent. C’est l’occasion de tester des trucs qu’ils n’auraient pas pu de base. »
Une mission générale de diversité et d’accessibilité
Badezimmer, un collectif et média audiovisuel fondé par des jeunes partage cette même quête : « Il y a pleins d’artistes mais aucun média à Lille qui regroupe un peu tous ces styles que ce soit le rap, la techno, la danse… », explique Mathilda, la fondatrice. L’idée ? Casser les codes. Sets de 45 minutes dans des lieux insolites (laverie, rooftops), « on s’invite dans votre salle de bain », collaboration avec des collectifs émergents ou des institutions comme le Palais des Beaux-Arts, le catalogue de Badezimmer est aussi varié que celui du BDAL. De plus, il refuse la standardisation de la culture : « Tout le monde fait les mêmes évents alors on s’est creusé le cerveau pour proposer un truc différent. » Et surtout, ils défendent la ville et sa culture fondée sur l’ouverture et la bienveillance : « A Lille, on laisse de la place pour tous les projets, pour tout le monde. Au lieu de faire chacun pour soi, on se dit : venez on fait ensemble, on fait des collaborations… »
Qu’il s’agisse du BDAL, de Badezimmer ou d’une constellation d’autres initiatives, une même conviction traverse ces projets : la culture n’est pas un luxe, mais un espace commun qui doit rester vivant. Et tant que des jeunes continueront d’inventer, d’oser, de se tromper parfois, mais surtout de créer, la culture restera accessible, vivante et profondément lilloise.
Isaure Cazes
Photos par Felix Jeanniard
FOCUS : Entre rencontres et arts, la culture se réinvente
Lille regorge de lieux multi-culturels, intimistes, empreint d’une réelle volonté de partage et de
cohésion autour de l’art. Ainsi, afin d’égayer vos jeudis soirs arrosés, ou vos dimanches pluvieux,
voici un pêle-mêle (non-exhaustif) de lieux lillois à découvrir :
– L’intervalle : Des lumières chaleureuses aux canapé colorés, l’Intervalle Jazz Bar est l’endroit
parfait pour savourer sa soirée. Vos conversations seront rythmés de concerts variés, virevoltant
entre le jazz et le rock. Son atmosphère unique, localisé au cœur du Vieux-Lille est un vrai repère
d’amateur de jazz et de musique live, se situant entre bar convivial et soirées dansantes.
– L’Univers : Situé en plein cœur de Moulins, ce cinéma indépendant ne paie pas de mine. Et
pourtant, derrière ses portes, se cache un réel lieu de rencontre. Entre ciné-débat et apéros,
nombreux courts-métrages et documentaires vous seront proposés avec pour objectif de rendre
le cinéma abordable, voire gratuit.
– Le Maloot : Non loin de la Rue royale, se cache un bar où les vibrations rassemblent plus que les
cocktails. Chaque soir, de nouveaux DJ, souvent locaux, viennent vibrer au rythme des basses,
prouvant tour à tour leur passion pour la musique. Entre House et Disco, lumières tamisées et
canapés, le Maloot sait se renouveler chaque soir avec sa programmation variée. Les soirées
« Choose your vinyl » sauront vous séduire en vous autorisant un libre choix de musiques.
– L’institut du Monde Arabe : Au centre de Tourcoing, ce lieu rempli d’histoire décide aujourd’hui
de nous ouvrir les portes de la culture arabe. Entre expositions, concerts, ateliers ainsi que cours
de langue, son réel objectif : mettre en avant la diversité et la richesse des artistes issus du
monde arabe, imprégnés d’un patrimoine millénaire. C’est l’occasion de flâner, découvrir et
apprendre dans une architecture unique.
Eden Meurice-Cardinal
Vidéo réalisée par Eva Cointre