Osons l’engagement citoyen face au déclin démocratique

En mars prochain se tiendront les élections municipales en France. Depuis une dizaine d’années, des collectifs de citoyens s’organisent pour changer la donne et renverser un modèle qu’ils jugent dépassé, celui des partis. Dans la Métropole lilloise, l’association Osons Saint-André espère remporter au printemps la mairie de Saint-André-lez-Lille. Leur tête de liste : Cyprien Richer, géographe et conseiller municipal d’opposition depuis 2020.

Lorsque Osons dépose sa première liste en 2014, Cyprien Richer part d’un constat simple : « Le gros problème de la société, c’est qu’elle est très individualiste. Elle limite les envies de travailler à une ambition commune. » Une ambition qu’Osons espère faire renaître avec des méthodes différentes. En interne, l’association tiens à appliquer les principes d’un fonctionnement participatif. Concrètement, une personne ne peut décider seule : « Tout le monde a la même voix. Les personnes qui décident ce sont les personnes qui participent aux réunions ». Un fonctionnement utopiste ? « C’est une méthode à prendre. […] On a l’habitude de ce que l’on voit à la télé, […] un fonctionnement extrêmement pauvre sur le plan démocratique. »

Même si les habitants se sentent encore concernés, l’engagement dans une démarche électorale n’est pas simple. « Il faut politiser les habitants sur les politiques qui les concernent. » Des politiques qui constituent un projet politique sur lequel « tout le monde a quelque chose à apporter, de l’expertise technique ou de l’expertise d’usage ». Une manière de réunir des profils variés au sein de l’association : « Peu de jeunes, un peu plus de retraités. » Le candidat aux prochaines municipales reconnaît toutefois qu’à la création d’Osons «  le noyau était assez composé de […] CSP+, la quarantaine, mâles blancs… » Pour rappel, seules 20% des mairies ont une femme à leur tête.

Cyprien Richer dans les locaux d'Osons Saint-André
Cyprien Richer, dans les locaux d'Osons Saint-André.

Cyprien Richer a été désigné tête de liste avant l’été : « On a fait une AG et laissé le temps à tout le monde, [puis] les gens s’exprimaient sur la personne qu’ils voyaient sur ce rôle-là. » S’en est suivi d’une seconde réunion pour prendre en compte « les éventuelles objections ». Une méthode de désignation différente des façons de faire habituelles selon lui : « Généralement, c’est des gens qui s’autodésignent et qui disent Suivez-moi. »

Et après ?

Si Osons réussi son pari en mars prochain et emporte la mairie de Saint-André, il faudra proposer des alternatives aux méthodes qu’ils critiquent. Selon eux, « la profusion de démarches participatives est problématique ». Une position qui interroge alors qu’Osons revendique un fonctionnement participatif. Cyprien Richer argumente que « [Les démarches participatives] sont vides de sens. […] il y a quasiment plus personne qui participe. » Alors comment impliquer plus fortement les habitants à la vie de la commune ? L’élu explique qu’il faut « du contact avec la population plutôt au quotidien et pas que dans le bureau de la mairie », avant de donner un exemple concret : « Je fais une politique de logements. Si je fais une réunion publique, je ne vais avoir que les propriétaires en face de moi […] mais aucun locataire. […] Avoir de l’écoute c’est chercher les inaudibles, […] ceux qui sont directement concernés par ça ».

Alors que la situation politique nationale continue de s’enliser, des initiatives locales peuvent peut-être inspirer un renouveau démocratique…

Martin Grosdemange

Crédit photo : Etienne Rycek

Zoom sur... la défiance politique

« 73 % des Français n’ont pas confiance dans la nouvelle Assemblée nationale. » Ce chiffre, issu d’une enquête Ipsos du 28 août 2024 pour Le Monde, la Fondation Jean-Jaurès et le CEVIPOF, illustre le fossé grandissant entre citoyens et institutions. Dans un climat politique fragilisé, à l’aune d’un énième changement de Premier ministre et après une dissolution mal accueillie, la démocratie française vacille. Les institutions peinent à incarner la voix des citoyens ; les urnes se vident, les bulletins blancs s’empilent, traduisant une lassitude profonde à l’égard du pouvoir.

Face à cette défiance, une évidence s’impose : le débat démocratique doit se réinventer. Inspirée par la politique de la ville, la loi Lamy de 2014 visait à renforcer le pouvoir d’agir des habitants, en favorisant la concertation locale et la création de conseils citoyens. Mais son application, souvent inégale, n’a pas suffi à enrayer le sentiment d’éloignement démocratique. Plus de dix ans après, le malaise persiste. Alors, certains essaient de « faire autrement ». À Saint-André-lez-Lille, l’association Osons rêve d’une mairie participative, où « tout le monde a la même voix ». À Loos, l’association « L’Établi » invite la jeunesse à débattre, à confronter les idées plutôt qu’à s’en détourner.

Ces initiatives n’effacent pas la fracture entre gouvernants et gouvernés, mais elles recréent du lien, des espaces d’écoute et de proximité. En donnant la parole aux citoyens qui ne sont pas écoutés, elles rappellent qu’il existe encore des lieux où la discussion reste possible. C’est peut-être là, loin des hémicycles, que renaît la confiance politique.

Elsa Jensen-Prunet

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