Sous un soleil automnal reflété par la rosée du matin, un petit groupe de passionnés du jardin, bénévoles de l’association « Les Jardins du Sourire », se réunit dans le quartier de Bois-Blancs. Ensemble, ils cultivent la terre de deux jardins, celui des Agrions et celui des Papillons, pour entretenir des valeurs comme l’inclusivité, le partage et la tolérance.
Nous voilà immergés dans l’épaisse végétation de la presqu’île aux mille jardins. Une fois le seuil du jardin franchi, se tient, au bout de ce petit paradis de verdure, Denis Caspelin, président de l’association « Les Jardins du Sourire », fondée en 2016 dans l’optique de créer du lien social entre les habitants du quartier de Bois-Blancs. Le concept est simple : recruter des bénévoles, qui vont entretenir l’espace, mais aussi le cultiver à l’aide d’une paire de gants, d’une bêche et de la force de leurs bras. Denis, c’est un personnage ! Diplômé d’un CAP en jardinerie-paysagerie, c’est un jour, en se promenant avec son chien, que cet « Homme des jardins » est tombé sur cette petite merveille de parcelle. La curiosité l’ayant éveillé, il s’y est présenté un samedi matin et a épaté tout le monde avec son encyclopédie de savoirs sur le jardinage, a-t-il confié avec son accent sentant bon la campagne. Et voilà le résultat… Un an plus tard, il devient président.
Des défis qui mettent l’association à l’épreuve
Depuis deux ans, les terres que nourrit l’association vivent dans un avenir en suspens. Le Covid-19 a eu un impact brutal sur le social : baisse du nombre d’adhérents, isolement, perte de lien… Maryse parle même d’une réelle « difficulté à régénérer du personnel ». Denis, lui, confirme : « On n’a plus de trésorier et ma secrétaire m’a lâché. » Pour le bonheur des bénévoles, des initiatives ont vu le jour pour lutter contre ce mal-être et recréer du lien. Oui, des initiatives comme « Les Jardins du Sourire », qui ont pour ambition de remettre du vivant, du partage et de la convivialité au cœur du quotidien. Pourtant, malgré ces actions positives, l’association peine encore à attirer du monde. Les deux bénévoles aimeraient voir davantage de jeunes s’investir, mais comme le rappelle Maryse, « c’est difficile de faire venir les jeunes un samedi matin ». Malgré tout, ils gardent le sourire. Leur engagement, leur persévérance et leur volonté de faire vivre ces jardins témoignent d’une belle note d’espoir, celle que le lien social peut se reconstruire, lentement mais sûrement, grâce à ceux qui continuent d’y croire.
« À la place de rentrer chez eux regarder la télé, au moins, ils prennent l’air et font un peu de sport. »
En réunissant des gens autour d’une activité commune, le jardinage, l’association leur permet de recréer du lien social plus facilement, en petit comité (une dizaine de bénévoles) et autour de sujets de conversation les réunissant tous. Ce travail collectif crée naturellement de l’entraide et des discussions : on se prodigue des conseils, on partage des astuces, et le jardinage devient un support simple mais efficace de convivialité. Permettant aux personnes âgées de renouer avec d’autres personnes et de s’aérer l’esprit, notamment lors du passage à la retraite où les liens sociaux peuvent être coupés : « Je fais ma petite sortie du samedi », a lâché Maryse, présente dans l’association depuis 2018 et surnommée « Mamie du jardin » par Denis.
Savoir qu’elle y retrouve du monde chaque samedi l’aide à rompre la solitude et à maintenir un rythme de rencontres. Denis, lui, explique : « À la place de rentrer chez eux regarder la télé, au moins, ils prennent l’air et font un peu de sport. » Le jardin offre également un cadre apaisant : être dehors, bouger, respirer et travailler la terre contribue réellement à améliorer le moral et à « aérer l’esprit », comme le souligne Maryse. L’association favorise aussi la mixité sociale en accueillant des jeunes de quartiers défavorisés, leur permettant de découvrir des activités et des sujets auxquels ils ne sont pas habituellement confrontés. Cette rencontre entre générations et milieux différents crée des échanges précieux, qui n’auraient sans doute pas lieu ailleurs dans le quartier.
Le jardin devient ainsi un espace où chacun peut apprendre, partager et trouver sa place. Denis confie : « Les gens sont intéressés, c’est quand même positif », en se tournant vers Maryse, la désignant d’un regard rieur. L’association organise par exemple des animations lors des fêtes de quartier pour enseigner quelques bases du jardinage ou comme une chasse aux œufs de Pâques dans le jardin des Agrions une fois par an, tout cela pour recréer de bonnes et saines relations sociales entre les habitants du quartier et leur redonner le sourire, mais sans oublier de transmettre la passion du jardinage. En rassemblant des habitants qui n’avaient plus d’occasions de se rencontrer depuis la pandémie, le jardin est devenu un outil essentiel pour reconstruire du lien social local, grâce à la proximité, la nature et la convivialité.
Hugo Petit
Photos : Damien Lecornué
Focus : Le quartier des Lentillères à Dijon
C’est au sud de Dijon que s’ouvrent les portes d’un autre monde. Un monde simple, un monde sain, où le partage est le mot d’ordre. Ici, sur d’anciennes terres agricoles promises à l’urbanisation, une centaine de personnes ont décidé de faire autrement. Depuis 2010, le quartier libre des Lentillères est devenu un véritable laboratoire politique, écologique, culturel et social.
Tout commence cette année-là, avec la création du Potager collectif des Lentillères, affectueusement surnommé le « Pot’Col’le ». Deux ans plus tard, en 2012, la fondation du Jardin des maraîchers vient compléter la dynamique. Ensemble, ces initiatives posent les bases d’un territoire d’expérimentation unique en son genre : autogéré, solidaire et résolument tourné vers la vie collective.
Les terres, autrefois abandonnées et menacées par un projet immobilier, ont été défrichées puis cultivées par des habitant·e·s et des soutiens venus de tous horizons. De cette « plantation pirate » est née une oasis de verdure où s’entremêlent cultures potagères, habitats alternatifs et espaces de vie communautaire.
Les Lentillères ne se contentent pas de cultiver la terre : elles cultivent aussi les liens. Chaque semaine, un marché non lucratif à prix libre anime le quartier. Le Foufournil, le fournil collectif, y propose le pain pétri et cuit sur place, tandis que les légumes fraîchement récoltés garnissent les étals. Le mercredi, la cantine La Chouchou ouvre ses portes pour un repas végan partagé, moment de convivialité ouvert à toutes et tous.
Ici, la vie s’organise hors des circuits marchands et des cadres institutionnels. On expérimente, on apprend, on construit ensemble. Les Lentillères, c’est la preuve vivante qu’un autre mode d’habiter et de produire est possible, un espace où la terre, l’autonomie et la solidarité reprennent leurs droits.
Jade Yanelli
Vidéo : Gaspard Proudhon
Mise en page : Jeanne Sorge