“Un retour à la vie d’avant” le projet du passeport vaccinal va-t-il aboutir ?
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne de Bruxelles, présentera au cours du mois de mars 2021 un projet sanitaire commun aux Vingt-Sept. Cette proposition législative a pour but premier de faciliter les voyages aux Européens dans l’Union, mais aussi au sein des territoires nationaux avec l’accès à certains lieux.
Passeport vert, pass santé, pass sanitaire, passeport vaccinal… Les diverses appellations du projet montrent déjà la complexité à laquelle il est lié.
Sur le papier, l’idée de départ est assez simple : un ou plusieurs documents délivrés par l’administration comme pour un passeport traditionnel, mais avec une attestation autre que seulement l’identité de son détenteur. Également, le fait que la personne ne soit plus contaminée et contaminante. Un projet qui promet de faciliter la vie des européens de prime abord. Mais c’est sans compter sur le manque de coordination des pays de l’Union. En effet, chaque pays a pour projet un pass/passeport national différent basé sur des critères différents. Les critères pris en compte peuvent être la vaccination, un test négatif récent ou encore pour certains pays la simple présence d’anticorps dans le cas où une personne aurait déjà été infectée par le SARS-CoV-2. La proposition législative n’est donc pas celle d’un document unique et commun aux Vingt-Sept, mais plutôt un espace numérique permettant à la population de s’y retrouver entre les différentes solutions nationales.
Une légalité qui pose question
Cette démarche n’est pas totalement nouvelle : un carnet de vaccination international a déjà été expérimenté lors de la lutte contre le virus de la fièvre jaune et est encore en vigueur aujourd’hui. Mais alors quelle est la valeur véritable de ce passeport ? Les détenteurs seront-ils privilégiés alors même que le gouvernement ne cesse de répéter que la vaccination ne deviendra pas obligatoire ? Cette mesure pousserait paradoxalement à la vaccination. En effet, la population pourrait se faire vacciner, non pas dans une optique sanitaire mais pour retrouver un accès à certaines libertés de la vie pré-Covid.
La mise en place de ce projet nécessiterait l’utilisation de données personnelles et plus particulièrement de ce qui est habituellement classé secret médical. La mise en place d’un simple carnet sanitaire individuel serait illégitime car non fourni par l’État donc source potentielle de trafic comme c’est déjà le cas pour les tests négatifs. La liberté dont le passeport vaccinal est synonyme pourrait susciter de l’envie et donc l’utilisation de tous les moyens pour se le procurer.
Un papier qui rassure
Le projet de passeport vaccinal a bien évidemment pour objectif premier une garantie sanitaire pour ses détenteurs. Or, la commercialisation des vaccins contre le COVID-19 est relativement récente et ne permet pas, à l’heure actuelle, des retours assez fiables pour affirmer la non contagiosité des personnes vaccinées.
Le projet n’a alors certainement pas assez de recul pour voir le jour et il faudrait attendre que la vaccination soit davantage accessible et étudiée. Des questions restent encore sans réponse, comme celle de la durée de l’immunité conférée. Le passeport est-il dans ce cas une simple attestation qui rassure ? Actuellement le projet ne peut être totalement justifié par sa démarche scientifique. Malgré cela, certains pays veulent mettre en place rapidement le passeport pour relancer leur tourisme, la justification sanitaire serait dans ce cas une couverture au projet.
“Avant d’exiger le passeport il faut régler le problème d’accessibilité au vaccin, mais une fois tout le monde vacciné, il ne servira plus à rien.” Christophe Carnoy, professeur d’immunologie au sein de la Faculté de Pharmacie de Lille soulève le caractère éphémère que pourrait avoir le passeport vaccinal, comme un effet de mode. Le professeur Carnoy rappelle également qu’il y a une inégalité face aux différentes stratégies de vaccination. Selon les pays, la définition des personnes prioritaires n’est pas la même, ce qui n’aide pas la coordination des Vingt-Sept pour la mise en place de ce projet commun.
Enfin, on peut se demander si ce projet scinde la société en deux ? En effet, il peut être l’unique solution pour les uns ou juste une stupidité pour les autres. Comme pour tout débat, certains peuvent ne pas avoir d’avis. Mais à quelle réflexion globale amène ce projet ? Car au final, on peut penser que, ce que tout le monde veut, c’est la paix, un retour à la vie d’avant. Mais la vie d’avant est-elle encore accessible ? La société a été profondément impactée par cette crise sanitaire et certains changements sont irréversibles.
Emma Madani
Léa Deseille
Zoom sur … la vaccination en pharmacie
Le 4 mars dernier, le gouvernement a pris un décret afin d’autoriser les sages-femmes, les infirmiers mais aussi les pharmaciens à administrer et prescrire le vaccin contre le Covid-19 à partir du lundi 15 mars. Le but de ce décret ? Accélérer la campagne de vaccination en allégeant la charge de travail des médecins libéraux, hôpitaux et centres de vaccination.
Toutefois, la campagne ne devrait pas décoller tout de suite pour autant. En effet, se faire immuniser au Covid-19 ne pourra pas se faire sans contraintes. Tout d’abord, la priorité est donnée aux personnes ayant 75 ans et plus, ainsi qu’à celles ayant 50 à 74 ans et qui présentent des comorbidités, sans que l’on connaisse la liste de ces dernières. De plus, les pharmaciens ne seront autorisés à inoculer qu’avec le vaccin AstraZeneca (actuellement suspendu en France), c’est-à-dire que l’on ne pourra pas choisir son vaccin et qu’un flacon est censé être utilisé pour une dizaine de patients. Donc, les pharmaciens devront grouper leurs séances de vaccination. Une autre inconnue doit être prise en compte par les patients et les professionnels : le nombre de doses livrées. Aucune consigne n’a pour l’heure était adressée aux officines. Dès lors, un flou persiste sur la quantité de doses que les pharmaciens recevront. Dernière contrainte, tous les pharmaciens ne pourront pas faire des injections, puisqu’il faut que leur diplôme date de moins de trois ans (ayant ainsi l’autorisation de vaccination) ou alors qu’ils aient suivi et réussi la formation à la vaccination antigrippale.
Il faut cependant rappeler que les pharmaciens ne sont pas totalement novices dans les campagnes de vaccination car cela fait quelques années qu’ils participent et aident les autres professionnels de la santé à vacciner les populations contre la grippe saisonnière.
Roméo Duhar