La permaculture urbaine pour revégétaliser la ville et créer du lien social
Lancée en 2005 à Roubaix, l’association Jardin de Traverse Roubaix dispose de trois jardins dont deux partagés écologiques. Son président, Moncef Bentaziri, compte bien utiliser la permaculture urbaine pour ramener la biodiversité en ville et renforcer la cohésion sociale entre les habitants.
Jardin de Traverse Roubaix compte 60 familles adhérentes et trois professionnels entrepreneurs. Les 3 permacultures disposent donc d’un quota d’heures rémunéré et mutualisé. L’association est majoritairement subventionnée par la ville de Roubaix et l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).
Situé à quelques encablures de la Grand-Place de Roubaix, un jardin entouré de grilles se profile à l’horizon d’une ruelle pavée. Il est 9h50, l’entrée est encore close. Au loin, un homme plein d’enthousiasme s’approche et tente de se présenter parmi les violentes rafales de vent. Il s’agit de Moncef Bentaziri, président de l’association Jardin de Traverse Roubaix depuis 2016. Ne lui parlez pas de rendement ou de maraîchage, car l’esprit de l’association, c’est avant tout de « prendre en compte son environnement, le protéger, expérimenter et transmettre afin de créer du lien social ».
La permaculture en ville
En 2017, Moncef décide de s’entourer de permaculteurs professionnels afin de développer ses jardins et d’expliquer la pratique aux habitants. « Plus qu’un simple potager, la permaculture est une véritable philosophie de vie », confie Thomas Guermonprez, permaculteur aux Jardins de Traverse. Prendre soin de l’Homme et de la nature, mais aussi le partage, constitue les trois principes de base de la permaculture urbaine. Ainsi, le cultivateur accepte qu’une partie de ses légumes soit mangée par des insectes. Les pesticides sont prohibés et les plantes sauvages peuvent s‘avérer être un véritable atout pour connaître les caractéristiques d’un terrain à cultiver. L’agriculture en ville a pour mission de cultiver au plus proche du consommateur, en sollicitant le moins possible les transports motorisés.
Ce type de culture œuvre pour revégétaliser les espaces urbains : « Quelle que soit la surface, que ce soit un balcon, un bac ou un jardin, on peut faire de la permaculture », assure Thomas. Comment ? En associant des variétés vivrières et ornementales, ou en créant des mares, des hôtels à insectes, des nichoirs par exemple. « L’objectif est de créer un univers pour que la faune, la flore et l’Homme se sentent bien », rappelle le président de l’association. Il ajoute ensuite : « Les habitants ont été saturés par la pollution, le bruit, les voitures… La ville va trop vite. » Aussi vite que la vitesse à laquelle certains individus fuient le béton des espaces urbains pour se ressourcer à travers le travail de la terre. Comme un besoin vital de se reconnecter aux choses essentielles.
Thomas Guermonprez aide les particuliers et les entreprises à se lancer dans la permaculture urbaine. Un questionnaire d’attentes et de besoins leur est alors proposé. L’intérêt n’est pas de travailler « en paysagiste » mais plutôt de transmettre en tant que « permaculteur accompagnateur », affirme l’ex-salarié de Swiss Life France. Néanmoins, les espèces invasives comme le buddleia ou la pollution des sols peuvent compliquer la tâche. « Mais tant qu’il y a de l’espace, il n’y a aucune limite. » Comme en témoignent des bacs potagers à l’intérieur de parkings. Autre problème majeur : le peu d’intérêt d’une majorité de la population pour cette pratique. De plus, la faible superficie des jardins ne permet de nourrir qu’un nombre anecdotique de personnes.
Sensibiliser et créer du lien social
Les jardins partagés de l’association ont pour objectif d’initier et de former les habitants. Sensibiliser les enfants sur la façon dont sont produits les fruits et légumes est également l’une des priorités. Par ailleurs, Moncef s’interroge sur notre société : « Soit on fait en sorte que les individus soient robotisés dans une logique productiviste, soit on travaille pour le bien-être. » Ces espaces sont des lieux de rencontre et de cohésion sociale, les frontières économiques et sociales n’existent pas. Tous les samedis, adhérents et habitants se réunissent donc pour parler permaculture, et travailler sur leurs plantations.
Avec leurs deux jardins, les adhérents sont bien conscients qu’ils ne révolutionneront pas notre mode de vie. Mais à l’image du colibri qui tente d’éteindre l’incendie qui ravage sa forêt, « tes actions vont dans le bon sens, chacun fait sa part » conclut Thomas. « Il faut cultiver notre jardin » disait Candide.
Adrien Leroux
Crédits Photos : Eloi Thouault
Zoom : le jardinage en permaculture
Savez-vous planter des choux ?
À la mode de chez nous, ils sont plantés dans des champs. Si beaucoup de gens imaginent que les semences se font selon un modèle universel, alors ils ont tort. En effet, chacun est libre d’utiliser ses techniques. D’un côté, en bourrant leur terre de produits non naturels, certains privilégient le profit à la qualité. De l’autre, on trouve des innovateurs qui mettent en place des écosystèmes dans le but de respecter la biodiversité : on parle alors de permaculture. C’est un terme assez large qui vise à cultiver de la manière la plus verte possible. Des environnements sont ainsi créés dans une logique durable et autonome. Ils doivent alors respecter les différents habitats présents à l’image de celui des vers de terre.
C’est une pratique assez libre et polyvalente où la créativité est au cœur du processus. Ainsi, planter un chou devient une affaire personnelle. Que ce soit dans un champ, dans un jardin ou sur un balcon, on peut créer son écosystème n’importe où, et ce même en intérieur. Il suffit uniquement d’un rebord de fenêtre où vos petites créations seront gâtées en lumière.
Enfin, afin d’être encore plus indépendant, faire son propre composte est une possibilité. Il existe d’ailleurs des lombricomposteurs d’appartements. Tout le monde a donc l’opportunité de se lancer dans la permaculture. Que vous plantiez votre chou avec la main, avec le pied, ou encore le genou, l’important est que vous le fassiez à la mode de chez vous.
Théo Wargnier
Vidéo : Les règles d'or de la permaculture
Vidéo réalisée par Marius Veillerot.