Pallier le poids des inégalités scolaires : le rôle associatif
Le cadre social de chaque enfant a une grande influence sur sa réussite scolaire. L’implication des parents apparaît à ce titre essentielle. Une association, Coup de pouce, tente de transmettre aux enfants le plus en difficulté, des aspects de socialisation propres aux classes dites favorisées.
Les effets des inégalités sociales sont visibles dès l’école primaire. Les enfants d’ouvriers ont tendance par exemple à faire davantage de fautes en dictée que les enfants de cadres et de professions intellectuelles supérieures. (Source : INSEE) Des sociologues de l’éducation comme Gérard Chauveau se sont penchés sur cette question. Il s’est intéressé à ces inégalités dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture en classe de CP. Il estime que si certains élèves parviennent à lire et écrire plus rapidement que les autres, c’est en grande partie parce qu’ils sont davantage sollicités par leurs familles. Leurs parents leur lisent des histoires, leur font constamment travailler la lecture, leur font écrire des cartes postales, etc. Inconsciemment, l’enfant développe ainsi le goût pour ces activités, et, par conséquent, pour l’apprentissage scolaire.
Un « coup de pouce » pour régler le problème ?
Pour transmettre la culture scolaire aux enfants socialement défavorisés, Gérard Chauveau imagine une solution qui se veut reconductible partout et tout le temps. Sur cette idée naît l’association Coup de pouce, aujourd’hui partenaire de l’éducation nationale. Ce n’est « ni du soutien scolaire, ni de la méthodologie scolaire, ni de l’aide aux devoirs », nous affirme Fabien Dachicourt, responsable de la zone Grand-Est, Normandie et Hauts-de-France pour l’association.
Il explique, lors d’un entretien téléphonique, qu’à raison d’une heure et demie, trois fois par semaine après l’école, un petit groupe d’élèves de CP et de CE1 déclarés comme les plus fragiles par leurs enseignants se réunissent avec un animateur au sein de l’école. Ce dernier a pour rôle de les faire discuter, lire, découvrir la langue française ou les mathématiques via des activités courtes et ludiques. Le but étant qu’ils rattrapent ce désavantage sociologique et prennent goût au système scolaire. L’association se veut aussi accompagnatrice des parents qui donnent leur accord à la participation de leur enfant au programme. Ils assistent à la fin des séances, les animateurs leur donnent des conseils et des jeux à faire. Les enfants reprennent ainsi confiance en eux, et les parents sont en mesure de leur transmettre les bonnes ressources extrascolaires pour la suite de leur scolarité. Or selon Fabien Dachicourt, ces notions de capacité et de transmissions de ressources par la famille sont essentielles dans la réussite scolaire. C’est en cela que, selon lui, l’association tente de répondre à un besoin d’équité sociale, de pallier une inégalité interne au fonctionnement scolaire.
Une efficacité prouvée… mais naturellement insuffisante
Chaque année, l’association interroge toutes les personnes impliquées dans ces « clubs coup de pouce ». Selon M. Dachicourt, 97% des enseignants estiment alors qu’en effet ce dispositif est complémentaire à leur travail.
L’association a aussi été évaluée par le CREN (Centre de Recherches en Éducation de Nantes) sur l’année 2013-2014. Les chercheurs Agnès Florin, Philippe Guimard et Isabelle Nocus ont cherché à savoir si le dispositif était efficace. Moyennant un coût de 1200 € par an et par enfant, surpasse-t-il les systèmes d’aides que l’éducation nationale met déjà en place ? Ils atteignent les mêmes résultats du point de vue cognitif, mais ils procurent aux enfants bien plus de motivation et d’envie d’apprendre. Elle remplit donc les objectifs énoncés par M. Dachicourt. Toutefois, il explique que les coûts pour suivre l’évolution des élèves sur le long terme sont trop élevés, une limite regrettable.
Ainsi, même si ce projet réduit les inégalités scolaires, il ne peut pas les entériner. Cela interroge donc sur la nécessité d’une refonte du système d’éducation français.
Titouan Filoche
Vidéo : Les inégalités scolaires en quelques chiffres
Crédit vidéo : Élise Bovet
Zoom sur... Les répercussions de la crise sanitaire sur les inégalités scolaires
Les nombreuses vagues épidémiques ont lourdement impacté le système d’éducation scolaire. Entre le risque de décrochage massif des élèves pendant le premier confinement et le manque d’équipement numérique lors des cours à distance, une fracture s’est fait ressentir. L’année dernière, le ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse a établi un protocole sanitaire selon les avis du Haut conseil de la santé publique. (HCSP) Cette stratégie s’est révélée relativement efficace avec le risque de devoir fermer certaines classes, voire des établissements entiers en raison des nombreux cas contacts détectés. Ces absences à répétition ont déréglé le rythme d’apprentissage et provoqué un retard dans le programme scolaire, difficilement rattrapable. En conséquence, une vague d’inquiétude a émergé chez les parents, souvent dépassés par la situation et critiquant le manque de préparation de l’institution scolaire. Selon l’IFOP en juin 2021, 8 parents sur 10 se déclarent « inquiets quant aux retards pris par leurs enfants », et 22 % se disent même « très inquiets ». Les répercussions se sont fait ressentir sur la réussite des élèves en grande difficulté psychologique, car ils éprouvent un sentiment d’isolement et d’appréhension aboutissant à des fragilités sur les résultats scolaires. Qu’elles soient du côté des parents, élèves ou professeurs, les disparités causées par la pandémie auront poussé tous ces acteurs dans leur retranchement.
Julia Lacoste