Imaginer la révolution pour retrouver son pouvoir d’action
Du 20 janvier au 22 janvier dernier, se tenait le week-end d’ouverture du 4×4. Ce squat politique avait pour ambition de faire revivre et questionner au sujet de la possibilité révolutionnaire. C’est autour d’un débat-discussion, organisé le samedi 21 janvier, qu’une cinquantaine de Lillois.e.s se sont réuni.e.s afin d’exprimer leur ras-le-bol et d’envisager un plan antigouvernemental.
Comment s’organiser pour faire grandir la possibilité révolutionnaire ? C’est autour de cette problématique que s’est articulé tout l’événement. Dans un salon à peine aménagé de chaises et bancs en bois, une cinquantaine de participants sont venus confronter leurs positions politiques autour d’un seul et même thème : la révolution. La volonté première de ce week-end d’ouverture était en effet de rassembler des personnes qui ne se reconnaissent pas forcément dans le système sociétal actuel afin de questionner, voire d’élaborer, une autre possibilité autant politique que sociale de faire société.Débattre pour révolutionner
À l’entrée du squat politique, des tracts sont à la disposition de tous. Au dos, ce que l’on y voit écrit s’apparente à un pamphlet : “Aujourd’hui on se retrouve avec ce constat : on manque d’espaces d’affirmations politiques, capables de requestionner le combat révolutionnaire.” Le mouvement des gilets jaunes, la pandémie de la Covid-19 ou encore la réforme des retraites, de nombreuses crises semblent pousser à bout les citoyens français depuis plusieurs années et ces derniers sont prêts à exprimer leur agacement. Pour les participants du 4×4, il n’y a qu’une seule solution : la révolution.
C’est le cas de Léa*, une participante du débat-discussion organisé le samedi 21 janvier : “Notre monde repose sur des inégalités et sur un système capitaliste qui les accroît et détruit la planète. Pour en sortir il n’y a qu’une seule solution, c’est de passer par la révolution.”
Les interventions fusent dans la pièce, chacun donne son point de vue, parfois réfuté dans les secondes qui suivent par un autre participant. La réflexion menée autour de la possibilité révolutionnaire amène à s’interroger sur différentes thématiques fondamentales telles que la politique, l’économie, ou encore le travail.
Si les avis divergent parfois, le consensus reste pourtant le même. Pour ces néo-révolutionnaires, la révolution s’apparente à un rejet total du système dans le but de le détruire. “La démocratie est une acceptation d’aliénation”, déclare un participant. Toute leur réflexion se construit alors à l’encontre des principes marxistes. Le système éducatif, le capitalisme, l’ordre et même la civilisation se voient alors rejetés dans le but d’abolir toute forme de hiérarchie sociale et de rapport de pouvoir. Pour les organisateurs du 4×4, c’est clair, ils en ont “marre du petit jeu de la réussite sociale, du travail, de la reconnaissance”.
Un concept en construction
La question révolutionnaire mise en avant par les partisans du 4×4 est partagée par de nombreux citoyens français. Dans une impasse totale, notamment du fait d’une grande méfiance envers les institutions et le gouvernement actuel, la révolution semble, pour certains, être la seule solution afin de retrouver leur pouvoir d’action. Selon un sondage de l’IFOP publié le 5 janvier dernier, “près d’un Français sur deux (48%) se révèle révolté face à la situation économique et sociale actuelle en France”. Plus stupéfiant encore, il est dit ensuite que “près d’un Français sur deux (52%) souhaite que la France connaisse dans les prochains mois une explosion sociale avec l’émergence d’un mouvement du même type que celui des Gilets jaunes.”
Pourtant, ce n’est pas chose facile et les avis divergent quant à la manière de faire révolution. Si les manifestations et les blocages (dans les universités par exemple) s’enchaînent au fil des semaines, certains considèrent ces outils de revendication comme étant trop pacifistes et reproducteurs d’une organisation sociale trop réglementée et hiérarchisée. Le mouvement des gilets jaunes apparaît comme une référence dans la réflexion révolutionnaire mais il reste controversé. “C’est une arnaque ! Le peuple qui lutte par et pour lui-même est un mythe qui est toujours dominé par une hégémonie”, s’exclame un participant du débat-discussion organisé par le 4×4. L’idée révolutionnaire prend alors petit à petit de l’ampleur mais la route est longue avant d’atteindre, pour certains, l’utopie et pour d’autres, l’anarchie.
*Le prénom a été modifié pour garantir l’anonymat.
Article écrit par Zoé HONDT
Focus : les révolutions du passé, un modèle à suivre ?
14 Juillet 1789, France. Comment aborder la naissance des révolutions sans aborder celui que l’on connaît le mieux ? Lassé d’être malmené par l’Ancien Régime, le peuple dominé se soulève. Une révolte populaire, lancée par une partie de la population qui espère, en s’emparant de la Bastille, voir la fin de la misère et des famines, ainsi que l’abolition des droits seigneuriaux. Malgré l’impact historique que ce jour gardera, cette révolution n’avait pourtant pas entraîné les résultats espérés dans les années qui ont suivi.
18 Mai 1980, Corée du Sud. Avec un gouvernement instable causé par plusieurs coups d’État en 1979, une loi martiale est établie et mène à la fermeture d’universités, l’interdiction des activités politiques et accentue la censure de la presse. Suite à cela, sous le régime autoritaire du général Chun Doo Hwan, les tensions augmentent et les soulèvements universitaires également. Le matin du 18 mai marque le début de violents affrontements dans la ville de Gwangju entre les manifestants et les forces de l’ordre. Les civils seront jusqu’à 10 000 et parviendront même à s’emparer d’armes pour faire reculer les troupes armées, jusqu’au 27 mai où les révoltes finiront par être isolées et réprimées complètement.
16 Septembre 2022, Iran. Depuis la mort de la jeune Mahsa Amini, détenue par la « police de la morale » et tuée par celle-ci, les manifestations se multiplient en Iran. Ce qui avait commencé avec des révoltes de jeunes femmes, s’est maintenant transformé en soulèvements massifs, qui regroupent des citoyens de tous les âges, des étudiants et des journalistes entre autres. Ces rassemblements restent pour eux la seule source d’espoir pour voir évoluer les choses, quitte à se faire arrêter ou exécuter.
Écrit par Joana WEXSTEEN
Entretien avec Tristan Haute, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Université de Lille :
Le mardi 31 janvier, Maëlys Léonard s’est rendue dans les rues de Lille, à l’occasion de la manifestation contre la réforme des retraites. Elle y a rencontré Tristan Haute, avec qui elle s’est de nouveau entretenue quelques jours plus tard au sujet de la possibilité révolutionnaire.
Découvrez, par le biais de cette vidéo, la vision d’un spécialiste du sujet qui vous aidera à comprendre les enjeux et les possibilités pour les néo-révolutionnaires, tels que le groupe 4×4.
Interview et vidéo réalisées par Maëlys LÉONARD