Pour Néo Éco, entreprise nordiste fondée en 2008, transformer ses déchets en ressources n’est pas qu’un projet idéaliste. Alors que les entreprises du secteur du bâtiment sont pointés du doigt pour leur impact environnemental, la valorisation s’illustre comme l’heureuse alternative.
Dans un chantier en construction, ou en déconstruction, force est de constater que les matériaux démolis ou usagés sont encombrants, voire gênants. C’est là qu’intervient la question du stockage de ces matériaux : les entreprises les stockent, à grands frais, pour s’en débarrasser. Mais si au lieu de les placer dans des centres de stockages, ces déchets pouvaient être retransformés en de nouveaux matériaux tout aussi solides que la matière première… C’est l’alternative que l’on appelle « valorisation ».
Alors que le gouvernement pousse les entreprises du secteur du BTP et du secteur privé (représentant 43% des consommations énergétiques annuelles, et 23% des gaz à effet de serre générées en France en 2022) dans la logique du climatiquement et environnementalement neutre, cette alternative est la bienvenue.
Retransformer les matériaux usagés
Alors dans le secteur de la plasturgie, Christophe Deboffe s’est d’abord posé la question : « Pourquoi créer encore plus de plastique, au lieu de faire quelque chose de celui déjà produit ? » Après la question du recyclage du plastique, il s’est ouvert à d’autres matériaux en fondant Néo Éco. Aujourd’hui, son cabinet d’ingénierie environnementale s’est spécialisé dans la valorisation des matériaux solides. Une action plus large encore que le recyclage.
Le but de la valorisation c’est de réutiliser les déchets en les alliant à des matières premières. « On forme en quelque sorte une matière première secondaire », explique Brenda Omaña-Sanz, cheffe de projet dans le pôle éco produit de Néo Éco. En somme, des éco-matériaux plus rentables qu’une matière première classique.
Leurs démarches se basent sur le guide des sédimatériaux. Un référentiel national pour la valorisation qui au départ concernait les sédiments de dragage. Il a été créé par des études et des travaux collectifs réalisés entre les Mines de Douai (Département génie civil et environnemental) et le Grand Port Maritime de Dunkerque.
Travail collectif et économie circulaire
La cinquantaine d’employé du bureau d’études de Néo Éco se rend sur le chantier de démolition pour faire un tri et séparer les différents matériaux, pour ensuite les envoyer vers différentes filières locales de valorisation pertinente (les métaux sont envoyés dans des industries métallurgiques locales). Le pôle éco-produit, après réception des matériaux usagés, crée des éco-produits dans le laboratoire d’Haubourdin. Après des synthèses, des analyses, des simulations en conditions réelles accélérées et des formulations pour la question de la rentabilité, des éco- matériaux voient le jour. Bémol, pour chaque matériau une analyse d’une année entière (simulant 30 ans en condition réelle) doit être réalisée avant de produire des éco-matériaux rentables et non polluants. Ingénierie de l’économie circulaire, lignes complètes de traitement de déchets, valorisation des déchets et élaboration d’écoproduits. Un circuit qui nécessite un coût. Néo Éco est subventionné par l’État lors de projets internationaux, ainsi que par des clients tant dans le secteur public que privé. L’Union Européenne lui a également attribué son Fonds européen des développements régionaux (FEDER).
Une alternative en plein essor
Zoom sur...
En Ukraine, reconstruire autrement
Le 24 février 2022, la Russie a commencé l’invasion de l’Ukraine, un séisme géopolitique qui se fait ressentir partout dans le monde. Après bientôt un an de guerre, la Russie a reculé fortement, laissant derrière lui des villes et des villages rasés de la carte. La destruction méthodique de bâtiments civils fait partie de la politique de terreur mise en place par Poutine. Malgré les bombardements, l’heure est déjà au retour de la population dans certaine région loin du front comme dans la banlieue de Kiev.
Dans ce contexte, l’entreprise Neo Éco a décroché un contrat, début octobre, de déconstruction de six immeubles touchés par des frappes à Hostomel afin d’étudier les matériaux et voir si on peut les recycler et l’utiliser pour une possible reconstruction.
‘’L’idée, c’est d’intervenir dans ces bâtiments qui ont été détruits, faire le tri pour pouvoir réemployer au maximum les matériaux sur place et les réintroduire dans le circuit court ’’ explique la chef de projet du pôle éco-produit.
Néo Éco collabore avec une entreprise de déconstruction et un laboratoire locale. La réutilisation, dans l’industrie du bâtiment, de matériaux détruits répond à deux problèmes. Le manque de matière première dans le pays et une demande de rapidité dans la reconstruction. Ce projet est subventionné par l’État français et cette mission ‘’pilote’’ pourrait amener l’entreprise à s’étendre sur toute l’Ukraine si les résultats s’annoncent fructueux. Ce n’est pas la première fois que l’entreprise s’exporte à l’international, Néo Éco est aussi intervenu lors de l’explosion du port de Beyrouth en 2020.
Allan Moutet