Inclusion : le restaurant (vraiment) ouvert à tous
François Marien, Belge de 33 ans, mais Lillois depuis peu, est le fondateur et gérant du futur restaurant « Inclusion » qui ouvrira ses portes en janvier 2020 dans le secteur République à Lille. Cet établissement, pionnier en Europe, sera accessible à tous les types de handicaps.
François, entrepreneur diplômé en marketing et sciences politiques, est tombé amoureux de Lille un peu par hasard. Après avoir travaillé dans la finance, il s’oriente vers la politique et décroche un poste au Parlement européen, où il travaillera pendant trois ans et demi sur la question du handicap. En 2017, il est repéré par les équipes de campagne d’Emmanuel Macron, à l’époque candidat, et décide de les rejoindre pour travailler sur les propositions concernant le handicap. C’est alors qu’il est envoyé à Lille à plusieurs reprises pour faire de la sensibilisation, notamment dans le milieu universitaire. En mai 2018, il devient parrain de « challenge handicap et technologie », une initiative lancée par des ingénieurs lillois qui créent des produits pour les personnes handicapées afin de les aider dans leur quotidien. C’est au cours de ses nombreux séjours que François tombe peu à peu sous le charme de la capitale des Flandres.
Un soir de fête, il poste sur Twitter l’idée d’un restaurant 100% inclusif. Le concept explose : 10 000 retweets et 300 000 vues en trois jours. Il décide donc de développer son idée et d’aller jusqu’au bout. « C’est allé très vite, même moi j’étais étonné parce qu’à la base c’était une blague. »
« L’accès à la nourriture est, selon moi, un droit universel »
Bon vivant, passionné des plaisirs de la table, de gastronomie et de vin, cela faisait longtemps que l’idée d’ouvrir un restaurant dormait dans un coin de sa tête. Il se lance alors via l’association « Inclusion restaurant » qu’il a créée, afin de répondre à un besoin exprimé par une partie de la population : « Il y a 12 millions de personnes en situation de handicap en France. Cela semble aberrant qu’il y ait si peu de restaurants qui pensent au plain-pied partout ! Les gens doivent avoir accès aux plaisirs de la table et lorsque l’on est en situation de handicap, c’est parfois compliqué d’aller au restaurant. » Mais le handicap est divers et ne se limite pas aux personnes à mobilité réduite. Pour éviter les laissés-pour-compte, François a pensé à tout : des cartes en braille et cartes sonores seront à disposition, l’intensité lumineuse pourra s’ajuster à l’aide de télécommandes, une pièce sera aménagée avec des bruits limités, notamment pour les personnes atteintes d’autisme, la salle de restauration, de 70 couverts, sera accessible à tous et les cartes seront sur tablettes numériques. En plus de cela, des téléviseurs seront également installés pour les soirées de match ou encore les soirées karaoké.
Pour autant, François reste très vigilant à ce que son restaurant parle à tout le monde : « À terme, je veux que les gens oublient que le restaurant est aménagé pour les personnes handicapées. […] Je veux aussi être jugé pour ma nourriture, je ne demande pas de passe-droit. […] Mon objectif, c’est de faire l’un des plus beaux établissements de Lille. »
« Mon combat, c’est de penser aux autres, qui n’ont pas la chance de jouir des plaisirs de la table »
Pour François Marien, l’inclusion passe aussi par le porte-monnaie. Il pense surtout aux étudiants : « Pour moi les étudiants ont aussi un handicap, c’est qu’ils ont un pouvoir d’achat très faible. . Il prévoit donc une large gamme de prix qui commencera aux alentours des dix euros pour la restauration. Et François sait parfaitement comment charmer les Lillois : les bières seront à partir de 2€ et les verres de vin à 2,50€. La carte changera régulièrement et sera composée de produits provenant exclusivement de Lille et ses environs. François souhaite donc travailler avec des producteurs locaux afin de proposer à ses clients des plats de qualité à des prix compétitifs.
François Marien, futur propriétaire d’Inclusion et Lucie Noyon, son assistante. © François Marien
Dans cette nouvelle aventure, François n’est pas seul. Au sein du restaurant, son équipe se composera de cinq personnes dont un cuisinier et trois serveurs. Il est accompagné depuis un an par Lucie Noyon, étudiante à l’ISTC, qu’il a rencontrée à Lille lors d’une de ses conférences et qui est devenue par la suite vice-présidente de son association. Inclusion est d’ailleurs déjà une source d’inspiration. Certaines villes comme Paris ou Marseille voudraient également donner naissance à ce type de restaurant.
Paul Hilaire
Où en est le handicap dans les médias ?
0,8%. C’est la part des personnes handicapées vues dans les médias selon le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel. Un chiffre drastiquement faible quand on le compare aux 12 millions de Français en situation de handicap, c’est-à-dire des personnes qui déclarent avoir des problèmes de santé depuis au moins six mois et qui rencontrent des difficultés dans leurs activités.
C’est un problème qui a été souligné par François Marien lors de notre interview. En effet, quand on y réfléchi un peu, on se rend compte que les personnes handicapées sont très peu représentées dans les médias. Et lorsqu’ils apparaissent c’est uniquement pour parler de leur handicap : il est extrêmement rare de voir à la télévision une personne handicapée s’exprimer en tant qu’expert sur un sujet autre que le handicap.
Ce qu’a voulu expliquer Francois Marien, c’est que l’image des personnes handicapées est très contrastée : soit ils sont considérés comme des superhéros, ou alors comme des pauvres miséreux. Comme s’il n’y avait pas d’entre deux et que la seule façon d’exister aux yeux des médias quand on a un handicap, c’est de traverser la Manche à la nage comme Philippe Croizon. François Marien regrette finalement qu’une personne handicapée soit toujours vue comme un individu avec un handicap et non comme une personne tout court.
Du petit journal web universitaire aux grandes chaines télévisées, il y a donc de grands progrès à faire dans ce domaine.
Eliot Pierreuse