Militer collectivement pour être plus heureux.se.
Depuis la pandémie, la santé mentale de tous.tes, et principalement des plus jeunes est observée à la loupe. Des militant.es racontent comment leur engagement les a aidés à comprendre et améliorer leur santé mentale. Militer pour ses idées est une solution pour aller mieux ou, au moins, ne pas rester seul.e avec ses problèmes.
Ne pas s’isoler, s’occuper, etc. ce sont des conseils fréquents lorsqu’on présente des troubles de la santé mentale. Mais comment s’impliquer alors que notre société semble vide de sens ? Les témoignages de militant.es donnent à penser que changer la société c’est aussi se transformer soi.
Les maladies et troubles mentaux se multiplient chez les jeunes. Selon une étude partagée par l’OMS, la dépression et l’anxiété sont parmi les principales causes de morbidité et d’incapacité chez les adolescent.es. Des facteurs comme la pauvreté, la stigmatisation, des situations de crise humanitaire, favorisent l’apparition de problèmes de santé mentale.
Un accompagnement individuel insuffisant
Selon Maelle Lalau, 19 ans, étudiante en 2e année de droit à Toulouse, les limites de la psychothérapie sont : “La difficulté de trouver une personne qui nous aide pour tous nos problèmes et le coût financier car cela peut revenir assez cher.”
En France, l’accompagnement psychologique et psychiatrique des jeunes, notamment des étudiants, est un souci de santé publique qui n’est pas suffisamment pris en charge, selon l’association Nightline. De plus, les thérapies individuelles ne suffisent pas toujours dans l’apaisement de certains troubles.
Les listes d’attente pour accéder à un.e professionnel.le sont longues, beaucoup s’accrochent comme iels peuvent à leur psy. Pour Léa, 25 ans, aide soignante à Caen, la sectorisation des professionnel.les de santé mentale entrave son besoin d’accompagnement de son TAG (Trouble anxieux généralisé). C’est à Tours, ville où elle a effectué ses études, qu’elle voyage pour voir son psychiatre.
Des causes sociétales
Bien que la santé mentale soit vécue personnellement, elle est souvent liée à des problèmes sociaux plus vastes comme le souligne le rapport de l’OMS.
Les problèmes de santé mentale sont souvent liés à une position sociale marginalisée. Pour Lauriane, bientôt 22 ans, certains de ses problèmes de santé mentale sont liés au fait qu’elle soit une femme trans et lesbienne : “Dans la rue, tout le monde me dévisage dès que je ne porte pas une tenue masculine et que je mets du rouge à lèvres.” Elle cite également la précarité et l’exclusion de sa famille comme source de son mal être.
Maelle qui souffre d’anxiété abonde : “Quand tu es une femme, tu es toujours en hypervigilance”, dit-elle en évoquant les violences sexistes et sexuelles. Le capitalisme la stresse aussi, elle sent son influence au quotidien.
Les sources de son anxiété sont multiples : elle se confronte à “des dilemmes moraux insoutenables” face au dérèglement climatique. Notamment à cause de la fast fashion car “en tant que femme grosse, c’est difficile de trouver des vêtements ailleurs“. C’est pourquoi, l’étudiante a lancé le mouvement Youth for Climate à Dunkerque, la ville où elle a grandi.
A la différence de ces dernières, Léa pense que son TAG est arrivé dans l’enfance et exacerbe ses émotions face à des situations d’injustices systémiques. La secrétaire du centre LGBTI de Tours cite ainsi la tuerie dans un bar gay d’Orlando en 2016 comme le déclenchement de sa réflexion militante.
Le collectif pour aller mieux
L’engagement et l’action collective aident à améliorer la santé mentale. Mais militer, ce n’est pas du développement personnel. Des militant.es écologistes critiquent la trop grande portée individuelle liée au terme éco anxiété. Selon Lauriane, son engagement dans la Fédération Syndicale Étudiante (FSE) lui a “clairement permis d’aller mieux : Cela occupe l’esprit. On aide les gens et c’est l’un des buts de ma vie. Les camarades composent aussi une safe place ce qui permet de ne pas être isolé avec ses problèmes. De nombreuses discussions entre militant.es m’ont remonté le moral.” Lauriane souligne toutefois que “militer ne permet pas de trouver de l’argent et un travail“, deux éléments qui amélioreraient grandement sa situation.
À Dunkerque, Maëlle renchérit : elle a longtemps fait partie du collectif Sirènes féministes. Les groupes de parole lui ont permis de faire un travail sur elle-même et d’ouvrir son esprit à d’autres vécus. “Ce qui m’a marqué, c’est que quelques femmes ont quitté leurs couples après avoir parlé ensemble des violences conjugales.” Des collages et autres actions ont aussi permis d’affirmer leur engagement féministe dans la ville.
Le militantisme peut toutefois être source de pression supplémentaire. Léa précise : “ça fait du bien de savoir qu’on est utile pour aider d’autres gens mais, depuis que je suis secrétaire de mon association, j’ai plus d’anxiété car les responsabilités sont plus nombreuses.“
Ne pas être seul.e face à une actualité décourageante, œuvrer pour changer les choses, permettent de (re)trouver une estime des autres et de soi. Maelle, en dépression il y a deux ans, l’affirme : “Le militantisme m’a permis de prendre conscience de ma puissance. Je ne suis pas seule face à l’inaction politique.“
Hélèna Barrault
Zoom : la Maison des Adolescents (MDA)
Alors que la journée mondiale de la santé mentale approche (10 octobre), on pense aux difficultés pour les jeunes de trouver une aide psychologique notamment à cause du coût trop élevé des séances de thérapie. La MDA peut être la solution :
Pour les jeunes de 11 à 21 ans, mais aussi pour leurs parents et leur famille, la Maison des Adolescents propose un accompagnement gratuit autour des questions et des problématiques liées à l’adolescence, de l’aide médical ou psychologique, à l’assistance juridique ou encore judiciaire.
Ce dispositif de la sauvegarde du Nord permet aujourd’hui à plus de 1000 adolescents d’être suivis régulièrement. Il compte deux antennes dans la métropole lilloise : une à Lille à proximité de la gare Lille-Flandres et une autre à Roubaix en face du parc du Nouveau monde.
Les personnes intéressées peuvent s’y rendre avec ou sans rendez-vous selon les horaires d’ouvertures. Les professionnels et intervenants y sont nombreux : travailleurs sociaux, infirmières, psychologues et médecins, ce qui permet aux jeunes d’avoir une prise en charge spécialisée en fonction de leurs besoins.
Le plus, c’est qu’à la MDA l’accompagnement prend des formes variées – entretiens, consultations voire ateliers – et il peut être collectif, individuel et même téléphonique.
Pour prendre rendez-vous et suivre leurs actualités, c’est par ici : https://maisondesados-sdn.fr/ ou encore sur : https://www.instagram.com/maison_des_ados_lille/
Ines Veissiere