Mathieu Asseman, l’action comme état d’esprit
Professeur-documentaliste au collège Lucie Aubrac et militant, Mathieu Asseman défend coûte que coûte le pouvoir d’agir, en particulier chez les jeunes. Voici son portrait.
Lassé du « zapping relationnel » qu’il vivait en étant pigiste, Mathieu a changé de voie il y a quinze ans. C’est un bilan de compétence qui le mène au métier de professeur-documentaliste. Le métier idéal pour lui qui « aurait détesté avoir un programme, mais trouve le métier de prof passionnant ». Pigiste, il s’occupait déjà d’adolescents dans une association tourquennoise, Cap Romania. Ce sont ses parents lui ont transmis l’envie de s’investir autant pour les autres, de « permettre à des jeunes de s’engager ». Mais, il n’aurait jamais pu s’épanouir autant sans un « écosystème favorable ». Il mesure donc la chance qu’il a de travailler dans un collège dans lequel les professeurs, les jeunes et la direction sont en accord avec cette pédagogie.
Le documentaliste parle avec passion de cet établissement, de ses projets et de ses élèves. Lorsqu’il accepte de parler un petit peu de lui, il confie « ne pas imaginer vivre autrement que dans l’action, et surtout dans l’action collective ». Il trouve par exemple positif que l’on permette aux jeunes de créer, dès le collège, des juniors associations. Il raconte avec émotion ce jour où une fille pleurait dans le Centre de documentation et d’information (CDI), car elle s’était sentie impuissante face à une famille qui avait du mal à nourrir son nouveau-né. « Que sais-tu faire ? » lui avait demandé Mathieu Asseman. Elle savait cuisiner, et c’est ainsi qu’est née l’association Les Cuistots du cœur.
Il s’engage aussi en dehors de son cadre professionnel. En plus d’être secrétaire à la Maison des associations de Tourcoing, il mange à 70% bio, utilise du savon solide, fait sa propre lessive et réduit sa consommation de viande. Ce qui l’anime, c’est que lorsque l’on donne aux autres les moyens d’agir, « ils font toujours des choses géniales ». À travers sa classe média, Mathieu permet à ses élèves de créer du contenu. Il démontre que, par le pouvoir critique, ils peuvent devenir « des citoyens aguerris et capables d’agir ». Il gère également Objectif Réussite au sein de son collège, association provenant d’une école de commerce : « Une heure par semaine, chaque élève du programme voit un étudiant qui est là pour le booster. » Il est même cofondateur des Explorateurs de l’engagement, organisme qui a pour but de faire voyager des élèves en Europe afin qu’ils constatent par eux-mêmes si les jeunes ont, ailleurs, plus de pouvoir d’agir qu’en France. Pour chaque projet, l’idée est que rien n’est impossible à celui qui agit.
« Ça me réconcilie avec l’humanité »
Visiblement infatigable, Mathieu Asseman ne s’engage pas qu’auprès d’adolescents : il a récemment co-créé le groupe Tourcoing en Commun avec d’autres personnes issues du milieu associatif. Son ambition est de « rendre les gens actifs, qu’ils aient 14 ou 74 ans ».
Laura Donzelle
Vidéo par Sami Laamari.
Tourcoing en commun, priorité à la collectivité
À Tourcoing, une dizaine de citoyens ont pris conscience de la nécessité d’agir ensemble pour répondre aux urgences économiques, sociales ou encore écologiques. Si les choses ne bougent pas, selon eux, c’est parce que les Tourquennois attendent tout des élus, et se désintéressent du sort de leur ville. Face à cet immobilisme que Matthieu Asseman qualifie de « dramatique », ils se sont retroussés les manches et ont créé l’association Tourcoing en commun, qui promeut la force du collectif et le pouvoir d’agir. L’idée, c’est de rassembler un maximum de citoyens pour organiser des actions collectives.
Les ambitions de Tourcoing en commun sont vastes. Elles ne se cantonnent pas à un seul domaine mais à tout ce qui impacte le quotidien des habitants : l’alimentation, l’habillement, les transports, etc. Des trocs de vêtements ont par exemple été organisés, permettant d’échanger sur le plan matériel comme sur le plan social. Des réflexions ont également lieu quant à la mise en place d’un système dit des « incroyables comestibles », qui profiterait d’espaces verts pour faire pousser des fruits, des légumes et des aromates. À terme, le but serait même de créer une université populaire pour transmettre des réflexes de vie profitables, comme « faire toi-même ta lessive, découvrir que ça va moins t’empoisonner, que ça va te coûter moins cher et que tu généreras moins de déchets », d’après Matthieu Asseman.
Si certains projets n’en sont qu’au stade de la réflexion, d’autres se concrétisent, comme l’AMAP – Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne -, qui a officialisé son lancement à la Maison des Associations de Tourcoing le vendredi 27 septembre. En organisant des ventes de paniers de fruits et de légumes, l’association espère permettre aux Tourquennois de manger plus sainement, et aux agriculteurs de s’assurer un revenu décent.
Juliette Manel
Rédacteur en chef : Thomas Ribaud