Crise climatique : Ne pas avoir d’enfants, un enfantillage ?
Enfanter ou non, c’est le dilemme auquel de plus en plus de jeunes sont confrontés. 37% d’entre eux hésitent sérieusement sur la question et une raison est sur toutes les lèvres, la crise climatique.
Le fléau climatique fait peur autant qu’il pose question : « Au vu de la situation actuelle et des projections futures, je me demande dans quelles conditions les enfants à naître […] pourront vivre. Et je ne pense pas qu’elles soient très enviables », confie Jean*. Des prévisions qui ne sont effectivement guère positives. La population mondiale compte aujourd’hui plus de 8 milliards d’habitants, le jour du dépassement a tendance à se rapprocher d’année en année, les ressources de la Terre s’épuisent et sont inégalement réparties. En effet, 1% de la population détient 50% de la richesse mondiale d’après l’ONG Oxfam et ce pourcentage est plus en faveur des pays du Nord que du Sud. Ce qui entraîne des niveaux de vie très disparates entre les différents pays.
D’après les estimations de l’ONU, la population mondiale culminerait à 10,4 milliards d’habitants en 2100. Derrière ce chiffre vertigineux se cachent de nombreux problèmes : faune dévastée pour construire des habitations, perte de biodiversité, crises alimentaires, phénomènes météorologiques qui s’intensifient et bien d’autres…
Enfanter, choix personnel mais responsabilité commune
Bien que de plus en plus de jeunes décident de ne pas faire d’enfants, certains refusent de rattacher leur choix à un mouvement. « On m’a déjà dit de ne pas dire que je ne suis pas sûre de ne pas avoir d’enfant car ça décrédibilise le mouvement, mais c’est mon choix. Je ne suis pas là pour représenter un mouvement », confie Eva, étudiante. Appelés No Kids ou encore Childfree ces derniers promeuvent et revendiquent le choix de ne pas faire d’enfants. Ayant pris racine dans les années 1970, ils connaissent aujourd’hui une médiatisation prononcée à cause de la décision de ne pas avoir d’enfants poussée par le réchauffement climatique. Cependant, la peur est loin d’être le moteur de la lutte, comme l’évoque Lila : « Je pense qu’à un moment faut que tout le monde assume ses responsabilités, prenne son espoir à deux mains et fonce. »
Toutes les personnes interrogées semblent alors s’accorder pour dire qu’une baisse de la démographie est nécessaire, mais qu’une politique liberticide de l’enfant unique, est hors de question.
Alors quelles solutions ?
Didier Barthès, porte-parole de l’association Démographie responsable en propose trois. D’abord de faciliter l’accès à l’éducation, car plus les gens sont éduqués, plus ils repoussent l’âge de leur premier enfant°. Ensuite, de faciliter l’accès à la contraception et enfin d’implanter un système de retraite dans les pays qui n’en ont pas, car certains parents comptent sur leurs enfants pour subvenir à leurs besoins quand ils seront vieux. Mais de l’autre côté, comme l’explique Florian Soenen, journaliste au service économie à l’AFP : « Le fait d’avoir moins d’enfants pèse sur notre système de retraite dans la mesure où ce sont les personnes qui travaillent qui financent les pensions de ceux qui sont en retraite […] Avec une population moins importante, on peut penser qu’il y aura moins de cotisations et donc plus de difficultés à payer les pensions de retraites. »
La question reste donc ardue sans qu’il n’y ait de formule magique. En attendant, une autre solution semble possible, l’adoption : « Je ne me vois pas élever un bébé, ça m’intéresse pas du tout, mais donner sa chance à un enfant plus vieux serait sûrement une idée acceptable pour moi », dira Jean*. Nathalie* préférerait enfanter, cependant, elle déclare : « Avant de faire des enfants, commençons par donner une chance à ceux qui n’ont pas eu la chance d’avoir de parents en les adoptant. »
L'espoir n'est pas mort
Le futur ne semble pas très radieux, mais tout n’est pas perdu. Toutes les personnes interrogées évoquent la sobriété, garder ses affaires plus longtemps, acheter local, favoriser la seconde main, prendre les transports en commun. Mais les gouvernements aussi ont leur part de responsabilité, faire à son échelle, c’est bien, faire des choses à échelle mondiale, c’est mieux.
Terry MARTIN
* Prénoms modifiés
Billet : Choix égoïste ou altruiste ?
Faire un enfant ? Un bonheur. Une angoisse. Un dévouement. Un égocentrisme. Un aboutissement. Un renoncement.
Parfois le songe bercé de rires cristallins reprend. Être entouré.e de sourires, soulager les pleurs, lire une histoire avant de dormir, préparer les tartines du matin, emmener la fratrie à l’école, se retenir de pleurer le jour de leur première rentrée et d’éclater en sanglots le jour de leur départ du foyer. Puis ensuite, choyer leurs enfants à eux, les dorloter et tout recommencer.
Cette vie serait tellement plus simple, tellement plus belle, tellement plus heureuse. Mais en avons-nous encore le droit ? Les questions et angoisses tournent en boucle dans les têtes et les conversations. L’impression d’avoir l’avenir d’un petit être et celui d’une génération, voire d’une espèce entière, entre nos mains. Tourmentés à l’idée de prendre le risque de les mettre au monde pour qu’ils n’aient plus d’air à respirer, que leurs poumons lâchent avant même qu’ils aient soufflé leurs cinquante bougies, qu’ils se fassent déloger par des vagues d’eau des glaciers ou ensevelir sous des bombes. Prévoir la survie de leurs enfants, les imaginer se noyer dans du plastique, ne pas connaitre l’odeur de l’herbe fraiche et de la mousse dans la forêt. La Terre est-elle encore capable de soutenir le poids de nouveaux pollueurs ? La décision en incombe à nous.
Mais une faible lueur d’espoir résiste au milieu de cette détresse. L’espoir de faire grandir des défenseurs de la nature, des enfants d’une nouvelle génération s’emparant du flambeau que nous tentons de maintenir allumé.
Que sommes-nous alors ? Altruiste, égoïste, aimant ou indifférent ? Quel choix nous reste-t-il ? Fermer les yeux ? Elever un enfant comme un porc destiné à l’abattoir ? Le faire grandir dans l’espoir qu’il laisse la Terre respirer ne serait-ce qu’une seconde de plus ? Ou renoncer au bonheur ingénu de porter un enfant dans son ventre et le regarder grandir le sourire aux lèvres ?
Hélène MASSON
Crédit vidéo : Kenza PACENZA
Crédit photo : Louisa NEUMANN