Pour les animateur.ice.s volontaires, le jeu en vaut-il la paie ?
Alors que les animateur.ice.s volontaires espèrent l’amélioration de leurs revenus et conditions de travail, les directeur.ice.s voient leurs budgets toujours plus serrés. De l’autre côté, des associations prétendument à but non lucratif restent opaques sur leur fonctionnement… La loi est-elle à même de résoudre ces équations ?
Sur des groupes Facebook de recherche d’emploi, des annonces de postes payés 30 € par jour, on en trouve par dizaines. Réseau Animation est l’un d’eux, un groupe privé, de plus de 80 000 membres, où se croisent animateur.ice.s, directeur.ice.s de séjours de vacances et communicant.e.s d’organismes. « Recrutement équipe de choc !! » savent formuler ces derniers. À chaque annonce son lot d’emojis soleils, feux ou alertes rouges et de photos colorées pour attirer l’œil des animateur.ice.s. Les recruteur.euse.s le savent, ce capital sympathie a son importance. Leurs annonces ne seront pas valorisées par les salaires proposés mais par les thèmes et les lieux des séjours : colo cirque, équitation, séjour itinérant en Espagne… Au point que, dans certaines annonces, la rémunération est même omise.
Petit revenu, grandes responsabilités
S’il est possible de voir de telles annonces, c’est en raison de l’existence d’un contrat particulier : le contrat d’engagement éducatif, dit CEE (voir l’encadré ci-dessous). S’il a l’avantage d’être flexible pour les employeur.euse.s, le niveau de revenu est trop faible en séjour de vacances pour bon nombre d’animateur.ice.s, qui se tournent vers les centres de loisirs, davantage rémunérateurs. « J’aimerais beaucoup faire des colos mais je suis étudiante et j’ai besoin d’argent. Et je sais qu’en un mois, on gagne moins de la moitié d’un SMIC », confie Pauline, animatrice en centre de loisirs lors des vacances scolaires.
Qu’est-ce que le CEE ?
Destiné aux animateur.ice.s, directeur.ice.s et éducateur.ice.s qui travaillent de façon occasionnelle, ce type de contrat est celui des centres aérés et des colonies de vacances.
Avec une rémunération minimale de 25,63 € brut par jour, les avantages en nature sont plus que bienvenus. Bien loin des 1 766,92 € du SMIC mensuel actuel, puisque ramenée à un mois de travail à temps complet, la paie se limite à 512,60 € brut. Et ce malgré les avantages d’être nourri.e.s, logé.e.s ou blanchi.e.s, pris en charge par l’employeur. En termes de repos, pour 7 jours travaillés, 24 heures de repos consécutives minimum sont exigées par la loi et une pause de 20 min toute les 6 heures de travail.
Une différence qui étonne toujours Koudy, animatrice et éducatrice : « On travaille pourtant plus, en colo, du lever au coucher on est avec les gosses. Les directeurs répondent que c’est comme si on passait des vacances, parce qu’on change d’environnement ! » Mais être animateur.ice n’est pas un passe-temps. L’investissement est complet. Physiquement d’abord, puisque les animateur.ice.s restent une dizaine d’heures par jour en présence des jeunes, en centre aéré, et logent auprès d’eux en colonie de vacances. « Notre temps de sommeil est très limité, en colo : on termine la préparation pour le lendemain à 2 heures du mat’, pour un lever à 7 », insiste Koudy.
Un investissement psychologique aussi, entre la gestion de la sécurité du groupe, des activités, des imprévus… « C’est très dense mais on y met tout notre cœur parce qu’on kiffe. » « Assurer la sécurité physique et morale des mineurs » constitue la première mission de l’animateur. Et les temps de travail et de repos ont beau être réglementés, il y a la théorie… et la pratique. Pour 7 jours travaillés, 24 heures de repos consécutives minimum sont exigées par la loi et une pause de 20 min toutes les 6 heures de travail. « Parfois on n’a pas de pause en journée », témoigne Pauline.
Belda Caro
Le CEE « s’écarte des règles du droit du travail,notamment sur le temps de travail, le repos et la rémunération »
L'éducation populaire précarisé...
...face aux intérêts mercantiles
A sa création en 2006, le CEE est destiné aux enseignants souhaitant mettre leurs vacances au service de l’éducation populaire, une vision à contre-courant des systèmes d’enseignement institutionnels. L’« éduc. pop. », comme on l’appelle, invite à l’autogestion, à la pensée critique, vise l’émancipation des opprimés. C’est dans une version édulcorée, mêlée aux valeurs laïques et républicaines, qu’on la retrouve aujourd’hui dans les centres de loisirs et de vacances. Pour que l’éducation soit populaire, il faut avant tout qu’elle soit accessible à tous.tes. Les premier.e.s bénéficiaires du CEE sont les jeunes accueilli.e.s dans les centres : grâce à ce contrat, le coût pour les familles est théoriquement moindre car un CEE est pensé pour répondre aux besoins d’une présence continue auprès des jeunes dans les centres. Comme le reconnaît le gouvernement lui-même, le CEE « s’écarte des règles du droit du travail,notamment sur le temps de travail, le repos et la rémunération ». Un mal nécessaire pour obtenir un contrat flexible sur ces règles, contrairement à un contrat à durée déterminée par exemple. Si bien que le CDD, réputé pour être précaire, est vu comme confortable, en comparaison.
Du côté des associations d’éducation populaire qui emploient, toutes ne sont pas toutes de la même taille. Les plus petites structures, fidèles aux valeurs de l’éduc. pop., proposent des loisirs réellement accessibles à tous.tes en termes de prix. Mais pour se maintenir à l’équilibre, elles n’ont parfois pas d’autre choix que de peu rémunérer leurs animateur.ice.s. « Si elles pouvaient être plus généreuses, elles le seraient », explique Éric Falcon, formateur d’animateur.ice.s et animateur du blog Passion Animation, entre-autres. Ses reproches visent plutôt les fédérations d’associations : « Les grosses associations comme l’UCPA (Union des Centres de Plein Air) prétendent être de l’éducation populaire, à but non lucratif. Elles profitent le bénévolat et le volontariat comme excuses, et se permettent de mal payer leurs animateurs. Il y a une question d’être faussement non-lucratif, les animateurs leur rapportent de l’argent alors que c’est l’une des plus grosses entreprises du secteur en France, une galaxie. » Si bien que des associations fidèles à leurs valeurs et en capacité de le faire, rémunèrent mieux leurs animateur.ice.s que les grandes fédérations. Éric Falcon ajoute que ce sont des associations fédérées qui gèrent les animateurs du Service National Universel, « ce qui n’est pas de l’éducation populaire », juge-t-il.
En attendant que soient étudiées d’autres formes de rémunération, les passionnés continuent d’animer. Le salaire à vie et le revenu de base ont été théorisés, par Bernard Friot notamment et son association d’éducation populaire Réseau Salariat par la distinction du salaire et du travail. Un tel système créerait des incitations positives assurent de nombreux économistes : chacun.ne se consacrerait à ce qui le.a passionne. Cela signerait la fin du devoir de travail pour vivre et permettrait un engagement sans condition économique pour les animateur.ice.s volontaires. Tandis qu’aujourd’hui, lorsqu’iels manifestent leur désir d’être rémunéré.e.s à la hauteur de leur travail et de leurs responsabilités, on leur rappelle qu’iels sont avant tout volontaires. Pour être bien payé.e.s, iels n’ont qu’à chercher ailleurs… Le délitement de l’engagement et la pénurie d’animateurs qui sévissent n’ont donc rien de très surprenants.
Le BAFA en résumé :
Le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur en accueils collectifs de mineurs (BAFA),est un diplôme non-professionnel,accessible dès 16 ans. La rémunération est plus souvent une indemnisation, avec les contrats CEE en centre de loisir et en colo, qu’un salaire, en classe découverte par exemple. Souvent diplômé.e.s du BAFA mais pas toujours, les animateur.ice.s employé.e.s peuvent aussi être des professionnel.le.s de l’animation (sans différence de rémunération). En 2019, 41 767 diplômes ont été attribués en métropole, selon le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse.
Soline Hariz
Réalisé par Emma Langevin
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Afin d’officier les fonctions d’animateur en accueil collectif de mineur (ACM) ou en accueil de loisir sans hébergement (ALSH) ou encore au sein de colonies de vacances, la détention d’un diplôme n’est pas obligatoire mais fortement recommandé. Les structures accueillant des mineurs disposant de quotas, elles doivent compter dans leurs rangs au minimum 50 % d’animateurs diplômés et au maximum 20 % d’animateurs non-diplômés et au maximum 50 % d’animateurs-stagiaires.
Il existe une multitude de diplômes qui mènent au métier d’animateur. Le premier et plus connu d’entre eux est le BAFA (le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateurs) évoqué un peu plus haut. Mais il en existe d’autres comme le BPJEPS (brevet professionnel de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et du Sport) qui est un diplôme qui se prépare en une année qui ne nécessite aucun diplôme (à l’exception d’un bac si le candidat passe par Parcoursup).
Il existe également le CPJEPS (certificat professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport) qui se prépare en une année à partir de 16 ans avec seul pré-requis de détenir le PSC1. Pour faire de l’animation son métier, il existe également le baccalauréat professionnel AEPA (accompagnant éducatif petite enfance) qui en trois ans à la sortie du collège forme des jeunes qui veulent faire de l’animation leur métier. Certains autres CAP peuvent également permettre une professionnalisation dans ce domaine comme le CAP accompagnant éducatif petite enfance. Si ces diplômes sont spécifiques à l’animations certains diplômes sont des équivalents et permettent à leurs détenteurs d’exercer le métier d’animateur.
Le diplôme d’infirmier, le diplôme d’Etat d’éducateur de jeunes enfants, le diplôme d’Etat d’éducateur spécialisé ou encore un DEUG de Staps (le fait de valider une licence 2 en sciences et techniques des activités physiques et sportives) font partie des qualifications en question.
Louise Barroy