Lever de rideau sur la place des étudiants en audiovisuel
Pour mieux comprendre la place des étudiants dans la création audiovisuel, des cinémas associatifs répondent aux problèmes d’accessibilité concernant la diffusion des divers projets amateurs. L’Hybride propose des projections niches, iconoclastes, dans un environnement plus convivial qu’une salle de cinéma classique.
A l’affiche des multiplexes comme UGC, Pathé, et Gaumont, le public se retrouve face aux derniers blockbusters américains et films français avec des castings parlants et admirables. Les films plus niches et méconnus sont habituellement la spécialité du Majestic de la rue de Béthune. Mais comment passer des écoles aux Oscars ? Les étudiants et les nouveaux du métier ont peine à se lancer dans l’industrie cinématographique. Malgré les nombreuses Grandes Écoles de cinéma, une fois le diplôme en main ces derniers se noient dans un métier difficilement accessible. Percer est un vrai parcours du combattant qui met la volonté et la persévérance des passionnés à rude épreuve. Face à des grosses productions comme Fast and Furious 10, le public ne recherche pas, par un manque d’attirance ou de connaissance, les productions indépendantes ainsi que les premiers courts métrages d’étudiants, qui font leur début dans l’industrie. C’est pourquoi L’Hybride propose des diffusions de courts métrages et différentes formes audiovisuelles indépendantes, pour adresser ce problème. L’association aide les petits producteurs à se faire connaître et offre au public une autre vision du cinéma avec une diversité qui permet une ouverture plus vaste du cinéma.
Ouvrant ses portes en 2007 dans le quartier Jean-Baptiste Lebas à Lille, cette initiative de l’association Rencontres Audiovisuelles a pour but de sensibiliser les spectateurs aux petites productions dans un lieu permanent. Accueillant plus de 8000 spectateurs par an, l’association organise des rencontres avec des professionnels du métier, propose une programmation régulière et variée pour montrer des formes audiovisuelles peu ou pas diffusées mais aussi pour inclure un maximum de productions, comme une réalité virtuelle, des soirées thématiques, des ciné-débats ou encore des ateliers d’éducation aux images. Tout cela est partagé dans un univers convivial avec une volonté d’accompagner les œuvres. Ainsi, chaque projection est précédée d’une présentation, ou suivie d’un débat qui ouvre à la discussion.
Sur place, un espace bar est dédié aux échanges – lieu dont chacun aime à s’approprier avant ou après le programme diffusé. On parle avec une équipe passionnée, ouverte au dialogue entre les spectateurs et elle. L’Hybride vous permet d’enrichir votre culture cinématographique tout en vous proposant boisson et plats dans leurs salles de projection avec de confortables canapés.
L'avis des concernés
Pour comprendre davantage cette question de l’accessibilité des métiers et de la diffusion, il est important de prendre en compte la vision des étudiants. Léa De-Leus, en première année de BTS cinéma-audiovisuel option métier de l’image, explique les nuances de la question. Étudiante à Jean Rostand à Roubaix, elle comprend les difficultés de l’accessibilité que le métier pose.
Néanmoins, elle développe les nombreux facteurs à prendre en compte. Car malgré que certains étudiants commencent dans l’industrie audiovisuelle avec des contacts de leurs pairs, cela ne fait pas tout ! Léa appuie beaucoup sur le travail et l’investissement personnel pour se faire son propre carnet de contacts. Pour la diffusion, même si elle avoue qu’elle n’est pas hors de portée, Léa évoque l’importance de choisir un cinéma qui correspond à son projet, et le rôle des cinémas associatifs en France “qui acceptent plus facilement des projets amateurs afin de lancer des jeunes du milieu et leur permette d’avoir la parole le temps d’un instant”. Ainsi, elle a déjà eu l’occasion de diffuser plusieurs de ses projets au Studio 43, cinéma associatif de Dunkerque. Selon Léa, le gros point noir serait porté sur la question des stages qui permettent une entrée dans l’industrie directement car l’expérience pratique est un atout dans ces métiers.
Eglantine Susset, étudiante en première année de master audiovisuel à l’INSA (Institut National des Sciences Appliquées) de Valenciennes, nous a expliqué ce qui selon elle serait les difficultés majeures de lancement dans le cinéma. Elle appuie à de nombreuses reprises sur l’importance des contacts qui compliquent fortement la diffusion et les demandes de stages si on ne sait pas à qui s’adresser, “il faut du temps pour se faire connaître et gravir les échelons”. En tant qu’étudiante, pour mener à bien ses projets, elle doit demander des subventions à des institutions comme le CNC (Centre National du Cinéma).
Eglantine n’a pas encore eu d’oeuvres diffusées en salle, car les différents paramètres qui rentrent en compte dans le processus de diffusion sont très complexes. Les solutions qu’elle évoque sont les concours de courts-métrages et les festivals, qui permettent d’échanger avec des producteurs et distributeurs. Elle revient d’un stage de trois mois au festival Série Mania qui lui a permis de faire des rencontres et de comprendre la complexité de l’industrie. Néanmoins, elle proteste contre le manque de préparation au métier durant les études trop théoriques. Pour elle, on ne les prépare pas assez à se lancer de manière pratique.
Gabrielle Morantin
Billet : Les petites salles pour les grands espoirs
18h30. La dernière projection lilloise du film jordanien InchAllah un fils commence. C’est parti pour environ deux heures de drame. Mais ce n’est pas le genre de drame que vous verrez dans les salles des multiplexes de la métropole. Sorti le 6 mars 2024, ce film signé Amjad Al Rasheed est resté à peine un mois à l’affiche. Et c’était au Méliès que ça se passait. À Villeneuve d’Asq, tout de suite à la sortie de métro Triolo, le grand bâtiment rouge ne peut échapper à notre regard. Le Méliès ne compte qu’une seule et unique salle. Une salle art et essai, recherche et découverte qui se dit “tournée vers l’Europe et le monde”. Plusieurs salles à travers la France font le pari de diffuser des productions plus insolites. De quoi donner sa chance à un film, mais surtout de faire vivre l’idée d’un réalisateur. Par exemple, le documentaire Bye Bye Tibériade de Lina Soualem sorti le 21 février 2024 était complètement absent des salles de cinéma de Lille. C’est au Concorde à Nantes que j’ai pu le voir. L’avantage avec les petites salles, le Concorde comme le Méliès, c’est le prix des places entre 5 et 6 euros qui, contrairement aux places des cinémas classiques qui varient entre 8 et 14 euros, sont plus accessibles.
20h30. Le film se termine, la salle se vide. Je n’ai pas aimé, mais au moins le film à le mérite d’exister dans le sens où quelqu’un a donné sa chance à un auteur. Le but d’un film c’est d’être vue. C’est le résultat d’un travail d’équipe : réalisateurs, producteurs, scénaristes, acteurs, cadreurs, éclairagistes. Des personnes qui peinent parfois à se faire un nom dans cette industrie. Ce n’est pas facile d’exercer un métier passion, chronophage. Sur le chemin du retour dans le métro, j’ai discuté avec une dame plus âgée que moi qui avait elle aussi assisté à la projection. Le film génère de la réflexion, du dialogue, du lien. Et encore plus dans les petites salles.
Maryam Jalloul