Comment mettre d’accord l’écologie et le port du masque ?
A l’heure où le nombre de cas Covid-19 est en pleine recrudescence, de nouvelles mesures restrictives ont été annoncées par le gouvernement français. Parmi elles, le port du masque obligatoire dans les lieux publics. Seulement, ce produit, souvent à usage unique, peut avoir un impact considérable sur l’environnement, renforçant la crise écologique qui se juxtapose à la crise sanitaire.
Jugé “inutile” par le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, en février dernier, le masque est aujourd’hui devenu indispensable pour éviter la propagation du virus. “Des arguments scientifiques montrent clairement qu’il y a un intérêt pour protéger les autres”, nous confirme Michaël Rochoy, médecin généraliste à Outreau. Il y en a pour tous les goûts ! Uni, coloré, en tissu, en plexiglas mais aussi à usage unique, pour le masque chirurgical. Ce dernier est d’ailleurs celui qu’on retrouve le plus généralement jeté dans la rue.
Quels problèmes environnementaux ce masque nous pose-t-il ?
Le masque chirurgical est principalement composé de polypropylène non tissé qui est un dérivé du pétrole qu’on retrouve dans les pailles ou pare-chocs de voiture. Connu pour sa résistance, ce matériau est difficilement biodégradable et c’est bien ça le problème ! Pour une durée d’utilisation estimée à quatre heures, un masque composé de polypropylène met entre 450 et 500 ans pour se dégrader dans la nature. Une fois jeté au sol, le masque va surtout avoir un impact des plus graves sur nos mers et océans.
Les masques jetés dans la rue ne subissent aucun traitement et finissent la plupart du temps dans nos caniveaux et nos canalisations d’eaux pluviales qui se déversent dans nos rivières et nos fleuves et plus loin en mer ou océan, ce qui a des conséquences désastreuses sur la nature. Les animaux marins les confondent avec leur nourriture puis s’étouffent. A cela s’ajoutent les produits chimiques contenus dans les masques qui se diluent dans les océans.
Cette pollution d’un nouveau genre a largement été dénoncée par de nombreuses ONG. Par exemple, l’association “Opération Mer Propre” dirigée par Laurent Lombard organise de nombreuses collectes de déchets, en particulier de masques, sur les côtes de la Méditerranée. L’objectif est de sensibiliser à l’impact écologique des déchets sanitaires et de rappeler que “le masque après utilisation, c’est dans la poubelle !“, comme le précise Michaël Rocho.
Quelles solutions à l'échelle nationale et locale ?
“Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”. Cette maxime, prononcée il y a trois siècles par le chimiste Antoine Lavoisier, semble toujours d’actualité. En effet, de nombreuses entreprises se sont adaptées à la situation sanitaire actuelle en recyclant, peu ou prou les masques jetables.
A l’échelle nationale, le ministère de l’Ecologie a lancé en mai dernier une campagne de sensibilisation afin de rappeler la “bonne” manière de jeter un masque qui doit prévenir de l’amende de 135 euros sanctionnant cette incivilités. Mais c’est surtout à l’échelle locale que des moyens ont été trouvés pour revaloriser ces masques jetables. De nombreuses entreprises s’activent afin de rendre possible leur recyclage. Collecte, mise en quarantaine, découpage, broyage, désinfection… Autant d’étapes à réaliser afin de repenser la fin de vie de ces déchets. C’est notamment ce qu’a fait l’entreprise ELISE implantée dans le Nord.
Chloé Sundermeier
ZOOM : Le masque réinvente la mode sur les podiums et au-delà
Jeudi 1er octobre. Les mannequins de la marque de Haute Couture Chloé drapés de beige et affichant leur indémodable mine boudeuse, défilent entre les larges colonnes du Palais de Tokyo. Et pourtant, à part ce changement de décor en extérieur, rien ne laisse penser qu’une pandémie mondiale est passée par là. De l’autre côté des Pyrénées, nos voisins madrilènes ont quand à eux décidé d’allier protection sanitaire et tenues de créateur en faisant du masque la pièce phare des défilés. Le masque est véritablement sur toutes les bouches.
Si en mars un élan de solidarité avait poussé les maisons de luxe à produire gratuitement des blouses et des masques pour soutenir l’effort de crise, les affaires ont repris bon train cet automne. Sur le site de vente en ligne de Burberry, il est possible de vous procurer un masque en gabardine pour la modique somme d’une centaine d’euros. Même constat pour Louis Vuitton qui propose une visière à 800€. L’iconoclaste Jean-Paul Gauthier a lui conçu un modèle reprenant son fameux motif de marinière estampillé d’une bouche pulpeuse et écarlate.
Au-delà des podiums, le masque est devenu un accessoire du quotidien. Qu’il soit à motifs, zébré ou plus sobre, chacun peut aujourd’hui y trouver son compte. Certains s’improvisent même couturier, en témoigne la hausse de fréquentation des merceries. Pour Isabelle Mathieu dans l’OBS, costumière de cinéma (Demain tout commence, 2016, L’un dans l’autre, 2017), le masque peut constituer une échappatoire enthousiasmante dans ce scénario sinistre dont on ne voit pas la fin : « On est appelé à en porter au moins pendant un an et demi tant qu’il n’y aura pas de vaccin : il faut apporter un peu de gaieté. »
Anna Perra