Il y a un an, le 9 novembre 2019, un étudiant, Anas K., s’immolait par le feu devant un Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) lyonnais. Signe alarmant qu’en France, la précarité étudiante tue. Certaines associations comme les AGORAé l’ont compris et œuvrent depuis des années pour lutter contre la précarité au sein de la communauté étudiante.
Un lieu de solidarité par, et pour les étudiants
Les initiatives visant à lutter contre cette précarité sont alors aujourd’hui plus que jamais essentielles. Certaines d’entre elles sont même pensées à l’échelle nationale. Initié par la FAGE (Fédération des Associations Générales Étudiantes), le projet AGORAÉ prend place au début des années 2010 pour répondre à un besoin constaté sur l’ensemble du territoire français, au niveau de la précarité étudiante et de l’isolement social.
Elise Nuret, étudiante et vice-présidente d’une antenne parisienne, définit l’AGORAÉ comme “un lieu d’échange et de solidarité à destination de tous les étudiants. C’est également une épicerie sociale et solidaire, tenue par et pour les étudiants les plus précaires et pas seulement boursiers”.
L’accès aux épiceries s’effectue selon un calcul en fonction du revenu et des charges de chaque étudiant. Si le reste à vivre de l’étudiant est inférieur à 7,50€, alors il peut en bénéficier. Il existe actuellement une trentaine d’épiceries en France, dans lesquelles les produits sont revendus à -90% des prix du marché. Une réduction non négligeable pour les étudiants en situation de précarité.
Une demande croissante
Au sein de l’AGORAE Paris, une augmentation particulière de la demande est remarquée depuis un an : “Depuis le drame qui a eu lieu en novembre dernier, nous sommes passés d’environ 100 à 300 bénéficiaires, à Paris.” Sans surprise, le confinement et la crise sanitaire n’ont fait qu’appuyer cette demande : “Actuellement, nous recevons environ dix demandes de dossier par jour”, précise Elise Nuret.
Une demande qui se fait largement ressentir au niveau associatif. Le Secours populaire note également dans son dossier de presse “Pauvreté – Précarité 2020” que “si l’urgence existait déjà, depuis la pandémie, les besoins alimentaires sont encore plus importants avec une augmentation de 45% des demandes dans les permanences d’accueil du Secours populaire”.
Le projet étudiant AGORAÉ mérite d’être mis en lumière mais il est évident qu’il ne possède pas toutes les ressources. Certains bénéficiaires sont en reste à vivre négatif, et n’ont même pas dix centimes pour pouvoir se nourrir par jour.
Dans ces cas-là, Elise explique qu’ils sont redirigés vers des assistantes sociales du Crous car les AGORAÉ ne peuvent leur apporter suffisamment. Il est important de rappeler que les étudiants peuvent compter sur d’autres associations telles que l’Armée du salut ou le Secours populaire – qui a d’ailleurs lancé, le mois dernier, une nouvelle campagne et multiplie les initiatives de solidarité pour venir en aide au plus grand nombre.
Hana Maayoufi
Zoom : Les étudiants face au Covid-19
Le vendredi 8 novembre 2019, devant le CROUS de Lyon, Anas, un jeune étudiant militant s’immole après avoir perdu sa bourse et son logement. Dans un message sur Facebook, il dénonce les politiques successives qui ont favorisées la précarité dans laquelle lui et de nombreux étudiants vivent. Un an plus tard, la situation chez les étudiants ne s’est pas améliorée.
- Frappés par la crise de la COVID-19, de nombreux étudiants ont eu du mal à trouver un travail saisonnier cet été ou un travail étudiant à la rentrée. Les nouvelles modalités de cours poussent à l’achat de matériel, comme des ordinateurs par exemple. Une dépense supplémentaire dont beaucoup se serait bien passé. Surtout que la qualité de l’enseignement n’est pas à la hauteur des années précédente. Les cours en présentiel se font rare et les professeurs ne sont, pour la plupart, pas formés à un suivi distancié des élèves.
- De plus, une crise du logement apparaît dans plusieurs villes étudiantes de France, comme à Lille, ou les loyers deviennent de plus en plus difficiles à soutenir.
Face à cette situation, les étudiants attendent une réponse du gouvernement. Elle fut donnée par Emmanuel Macron le 14 octobre, lors de son interview. Il annonce alors une « aide exceptionnelle de 150 euros plus 100 euros par enfant » pour « les bénéficiaires du RSA (Revenu de solidarité active) et des APL (Aides personnalisées au logement) ce qui touche du coup tous les jeunes très largement, les 18/25 ans ». Le lendemain, le service de Matignon annonçait que la prime n’était destinée qu’au bénéficiaire des APL ayant au moins un enfant.
Pour les étudiants, la pilule a du mal à passer. Suite à l’indignation des associations de lutte contre la précarité, Jean Castex revient sur sa décision et étend l’aide : « 150 euros seront également versés aux 400 000 jeunes qui touchent les APL et aux étudiants boursiers ». Une aide jugée par beaucoup comme insuffisante.
Gaspard Leveugle