De la rue à la paix, la vie haute en couleur de Lionel, ancien SDF
Lionel, 63 ans, est un passionné de mosaïque. Si aujourd’hui il est retraité, son chemin de vie ne fut pas facile. Ancien SDF, il nous raconte avec émotion son histoire.
Lionel a passé son enfance en côtoyant la pluie, l’ennui et les vaches. Bref, il vient d’une petite campagne normande. L’année de ses 36 ans, il se retrouve à la rue suite à des problèmes familiaux. Sa maison devient alors une petite place près du lycée Miséricorde à Rouen. Il y passe ses jours et ses nuits avec un ami.
Petit à petit, son apparence se transforme. Ses cheveux, sa barbe poussent. Ensuite, son hygiène se dégrade. Il se décrit même comme étant « crasseux, pouilleux ».
Son quotidien file au rythme de l’alcool et de la manche. Les jours passent et se ressemblent dans un brouillard épais. Lionel boit beaucoup. Vraiment beaucoup. À tel point qu’il n’arrive plus à marcher. Les gens viennent le voir mais il les envoie bouler. Il s’en moque royalement. « J’avais aucun respect à l’époque, je me moquais de tout ». Lionel est malheureux. Il se sent sale. Et surtout, il a honte. Le pire reste le regard des gens; il est dur à affronter. Certains le regardent mal aussi. Ils ne comprennent pas. Pourquoi Lionel ne cherche-t-il pas de travail plutôt que de rester sous sa couverture ? Pourquoi il reste dans la rue ? C’est vrai, comment on peut se laisser aller comme ça ?
La bienveillance des habitués du quartier
Selon Lionel, « ces gens-là ne se rendent pas compte d’à quel point on souffre ». Mais il raconte aussi : « Dans le quartier les gens nous soutenaient. » Tous les matins, son ami et lui ont du café. Ce petit rituel les réchauffe. Puis, le soir, un cycliste passe leur donner un repas chaud. Quand ils changent d’endroit pour la journée, les habitants s’inquiètent. Ils appellent tous les hôpitaux. Lionel et son ami essayent de respecter leur spot de squat. Ils vont ailleurs pour faire leurs besoins. Les lycéens viennent les voir, parlent, prennent des nouvelles, sans jamais se montrer trop invasifs. Le proviseur du lycée confiera même à Lionel : « Toi, t’as une tête à t’en sortir. »
Cependant, malgré tout, Lionel est malheureux. Ainsi, il noie son chagrin dans l’alcool et les clopes. Une nuit, emmitouflé dans sa couverture, il a le déclic : « Le Seigneur veut que je me réveille ». Ça lui fait très peur. Le lendemain, Lionel observe les gens qui passent et il se demande pourquoi il ne redeviendrait pas comme eux. En effet, pourquoi ne pas redevenir cet homme qui passe avec son journal ? Il prend conscience qu’il est en train de crever. Il se rend donc au foyer de l’URAS où il a déjà un suivi. Il y déclarera : « Je veux entrer définitivement dans le foyer et je veux arrêter de boire ». La conseillère n’en croit pas ses oreilles, lui demande s’il est sûr. Lionel est déterminé.
"J'en ai bavé pendant un an et demi "
Suite à cela il entre au foyer en décembre 2005. En avril 2006, Lionel ne boit plus, ne fume plus. Il a fait un séjour à l’hôpital, un sevrage. Ensuite, Lionel aura un suivi tous les 15 jours pendant 3 ans. Il raconte, ému, : « J’en ai bavé pendant un an et demi. »
Lionel doit lutter contre les tremblements, les maux de tête, les sautes d’humeur, la tentation. Il fait face à tous les symptômes du manque. Lorsqu’il est sorti de son sevrage, un homme a fait son portrait.
Lionel l’accroche sur son armoire. Tous les soirs il prie devant cette affiche, pour rester le même homme que celui du dessin. Ce qui l’a tiré d’affaire c’est la religion, la prise de conscience et le soutien des gens. Au foyer il est bien entouré. Les animateurs assurent ses arrières. Lionel est extrêmement reconnaissant : « Ils ont toujours été là, à l’écoute. » Il s’investit dans la vie du foyer, il s’occupe de préparer le café du matin, il sort les poubelles. Mais pour manger il a juste à mettre les pieds sous la table ; ce n’est pas la vraie vie.
Le retour à la vie
Le 1er août 2014, Lionel a enfin son propre studio. Mais il doit tout réapprendre : faire les courses, à manger, la paperasse. Pendant 4 mois, tous les soirs une amie est venue manger avec lui. « Je viens mais c’est toi qui fait à manger » : chaque jour elle lui apprend un tas de choses. Quand il est entré à l’URAS, une animatrice a pris une photo de lui. « Encore aujourd’hui elle ne veut pas me la montrer. Pour ne pas que je vois à quoi je ressemblais à l’époque. J’aimerais bien la voir un jour. »
Lionel va toujours à l’URAS, pour voir ses amis, les aider. Il a même fabriqué des mosaïques pour la chapelle du foyer. Pour lui : « ce n’est pas parce qu’[il a] arrêté de boire qu’[il est] meilleur que les autres ». Il explique avec gravité que l’alcool c’est une maladie. En effet, Il y a toujours le risque de rechute, surtout quand il se produit des choses graves. Ce qui est arrivé à Lionel : « J’ai perdu mon frère, ma petite sœur et mon ex-femme » Dans ces moments-là, il ne faut surtout pas abandonner, rien lâcher.
Aujourd’hui, Lionel est à la retraite. Il intervient dans les collèges et les lycées. Son but est de sensibiliser les jeunes au vivre ensemble et à l’alcoolisme. Il lui arrive même d’avoir deux classes par jour. Il reçoit des mots de ces jeunes pour le remercier, lui dire que grâce à lui leur comportement envers les autres a changé. Ça le touche énormément, des fois, il en pleure. Il se dit qu’en partie grâce à lui, ces jeunes ont une vision différente des SDF. Ça le rend fier, d’autant plus que « le regard d’un enfant, un sourire, ça peut suffire pour rendre un SDF heureux ».
Elisa Lenglart- -Leconte
Le traitement des SDF en Hongrie
Zachary Manceau
ZOOM : Les SDF en France
Il y a en France des droits que l’on considère comme fondamentaux, que l’on accepte puis-ce qu’ils nous touchent et nous protègent. Ils nous donnent le statut d’Homme, en nous rappelant nos devoirs mais aussi ce qui nous est dû. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen touche donc tout le monde, à moins que ?
En janvier 2020, la fondation Abbé Pierre accompagnée de la Feantsa et The Housing Rights Watch, deux autres organisations visant entre autre à donner une meilleure vie aux sans-abri, décide de publier 14 articles rappelant les droits que possèdent les personnes vivant dans la rue, ou souffrant de situations très précaires. La Déclaration des Droit des Sans-Abri naît, et avec elle un espoir, une envie de réalisation collective. En France lors des élections municipales 135 candidats assurent qu’une fois élus, ils la signeront. Villeurbanne sera pourtant la seule ville française adoptant vraiment la déclaration, elle la signe d’ailleurs neuf mois plus tard, en octobre.
La liste n’est pas longue, et pourtant les points dépendent fortement les uns des autres, force, mais aussi faiblesse du texte. Le respect des biens évoqué au départ ne peut exister si et seulement si le droit aux services et droits sociaux, incluant la protection par la police, n’est mis en place. Cependant, tous ces droits ne peuvent s’appliquer si et seulement si l’interdiction à la discrimination est respectée par tous, dont les forces de l’ordre qui parfois eux même confisquent les affaires des sans abri présents sur la voie publique. Le cercle est vicieux, et il devient difficile de demander de l’aide.
Tamara Courtay