Les associations seront-elles celles qui sauveront les sans-abri en France ?
En 2022, selon l’INSEE, on comptabilise 330 000 sans-abri en France. Ils étaient 142 500 en 2012. Un nombre croissant, mais une aide qui ne leur est toujours pas apportée de façon suffisante. De nombreuses associations existent en France afin d’aider ces personnes dans le besoin. Parmi elles, SDJ Agir Ensemble Lille.
« Tout le monde est susceptible de se retrouver dans une situation précaire un jour ou l’autre », selon Hussein Ben Faour, président de l’association SDJ Agir Ensemble Lille. Son association, composée exclusivement de bénévoles et auto-financée, organise une maraude à Lille, derrière l’Église Saint-Sauveur. Tous les dimanches de 15h à 16h, elle réunit environ une centaine de personnes dans le besoin. Sur les étals, des produits de première nécessité : beurre, pain, lentilles, riz, café, nourriture pour bébés… Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas seulement des sans-abri qui viennent s’approvisionner auprès de l’association, mais aussi des familles dont le frigo demeure vide le 15 du mois, ou des étudiants en situation précaire. Ceux qui s’approvisionnent tous les dimanches là-bas économisent environ 300€ par mois selon le président de l’association. SDJ Agir Ensemble se fournit dans des supermarchés à Lille, qui leur donnent la nourriture qui leur reste en fin de journée.
Au-delà de la faim
La nourriture n’est malheureusement pas la seule chose dont ces personnes ont besoin pour reprendre une vie décente. Soutien, aide dans les démarches administratives, douches, adresse fixe : la liste est longue. SDJ Agir Ensemble Lille a trouvé une solution qui en a aidé beaucoup : l’association loue un appartement afin de permettre aux personnes en voie de réinsertion de s’en sortir d’être domiciliées, indispensable pour trouver du travail. Les bénévoles aident aussi dans la création d’un dossier auprès de la CAF par exemple, ou de Pôle Emploi. Tous les bénévoles de l’association sont également capables de réorienter vers des spécialistes qui sauront proposer une solution adaptée à certains problèmes : addictions, problème avec la justice, violences conjugales… Sonia, maman et vivant à Orchies avec ses enfants, rencontrée à l’occasion de la maraude, a dû s’en sortir après un cycle de violences conjugales. Elle n’a pas eu d’autre choix que de demander de l’aide, pour elle et pour ses enfants. Elle est présente régulièrement aux maraudes de SDJ, et explique que les petites associations vers qui se tourner quand on est dans le besoin sont nombreuses : L’île de solidarité ou Les Petites Pierres par exemple, sont toutes deux présentes à Lille.
Les associations comme solution
Beaucoup d’associations comme SDJ Agir Ensemble Lille existent, pourtant, selon Hussein Ben Faour, toutes ne sont pas prêtes à agir concrètement comme eux le font : « Pour les grandes associations qui passent à la télé, le fonctionnement est simple : ils reçoivent 100 millions d’euros d’aide, et ils en mettent 60 millions rien que pour faire fonctionner l’association. » L’État distribue des aides donc, mais selon Hussein, le problème n’est pas compris : « Avoir des SDF c’est voulu, affirme-t-il. Si on ne veut pas avoir de SDF, on peut trouver des logements à ces gens-là, qui ne sont plus autonomes. Ils sont dépendants de l’alcool, de la drogue, ou de la prostitution. Ils ne sont ni responsables ni autonomes et il faut que l’État le comprenne et les rende autonomes. Pour ça, il leur faut un logement et une formation, mais ce n’est pas mis en place. Si c’était le cas, on ne serait pas là aujourd’hui en train de faire ça. » Depuis le 31 décembre 2019, l’Observatoire National de pauvreté n’existe plus. Il publiait depuis une vingtaine d’années en toute indépendance des études pour mieux lutter contre l’exclusion, qui frappe une personne sur dix en France. Une mesure qui renforce peut-être l’impression d’invisibilisation de ces dernières.
Alix Cleutjens
Zoom sur…
Ce que met en place le gouvernement pour venir en aide aux SDF
En septembre 2017, le Président de la République lançait le plan quinquennal pour le Logement d’abord avec l’objectif d’apporter une réponse structurelle plus performante aux situations de sans-abrisme en constante augmentation depuis plus de dix ans en France. Le plan Logement d’abord est un ensemble de mesures conçues pour proposer rapidement aux personnes sans-abri un logement individuel et des aides concrètes pour le conserver. Il permet également d’éviter des expulsions et de loger à bas loyer les familles les plus pauvres. Selon la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal), plus de 410 000 personnes ont accédé à un logement depuis 2018 dont près de 263 000 à un logement social, grâce au plan Logement d’Abord. Pour autant, depuis la crise du Covid-19, le nombre de personnes sans abris augmente de manière significative. Malgré un nombre croissant de places en hébergement, le Samu est contraint de recaler la plupart des demandeurs. Pour Tiffany Thirolle, porte-parole de la fédération des acteurs de la solidarité des Hauts-de-France, « le Gouvernement ne met pas les moyens qu’il faudrait pour appliquer concrètement la politique du logement d’abord ». Elle dénonce la baisse des aides allouées à la construction de logements sociaux. Au cours du mandat, la part des dépenses publiques pour le logement a reculé, passant de 1,82% du PIB en 2017 à 1,63% en 2020. Le 28 octobre 2022, le Gouvernement a annoncé un budget de 566 millions d’euros pour le plan « Logement d’abord ».
Guillaume Bourgade-Girolami
Entretien Vidéo avec Hussein Ben Affour lors d’une maraude de l’association
Matthieu Belloc