Les CSAPA, une lutte contre les addictions et la société
La France est le septième pays où l’alcool est le plus vendu avec 11,5 litres par personne par an. La culture du vin, de la bière ou du pastis en famille ou entre amis est prédominante et les groupes industriels sont puissants. Les dérives sont donc fréquentes et de nombreuses personnes sombrent dans la dépendance. Santé Publique France tente de réagir depuis les années 2000 en créant des centres d’aides et de soins.
En France, chaque année, 49 000 personnes meurent en raison de leur consommation d’alcool. Ce type d’addictions reste le plus mortel, loin devant le tabac ou les drogues dites dures. Rappelons qu’il existe deux types d’addictions : comportementales (sexe, troubles alimentaires, sport ou jeux) et physiques (drogues, tabac, alcool). Les lobbys concernant les alcools sont les plus virulents instaurant une réelle culture en France, tant au niveau national que régional.
Le combat des CSAPA
« L’Etat est emprisonné par les lobbys mais il doit financer également les dérives de la consommation », affirme Sarah Grandjean, infirmière au Centre de soins, d’aides et de prévention en addictologie (CSAPA) Le Pari de Lille. Les CSAPA sont les seuls relais non-associatifs des hôpitaux concernant l’addictologie et sont aujourd’hui obligatoires dans chaque département.
Les CSAPA regroupent des unités de consultation autour de médecins, infirmiers, art-thérapeutes ainsi que des psychologues et assistants sociaux. Leur rôle est d’accompagner chaque personne se questionnant sur sa consommation de produits (alcool ou autres) jusqu’à l’arrêt total de sa consommation, ou du moins un niveau non-problématique vis-à-vis des projets personnels et professionnels. Pour cela, les employés sont présents auprès des patients et proposent même des cures au CHU de Lille. A la fin des celles-ci, huit à dix jours d’hospitalisation, le programme reprend vite contact pour éviter une rechute.
Centre CSAPA Le Pari, placé Boulevard de Metz, dans le sud de Lille. Crédit Photo: Jules Bourgat / Mathis Charrieau
Sarah l’affirme : « La seule substance capable d’entraîner une mort en cas de sevrage totale sans prise en charge est l’alcool. » Certaines personnes arrêtent de consommer pour leur entourage familial. L’inconscient français ne comprend toujours pas comment une addiction, d’un produit auquel on est confronté tous les jours, peut s’enclencher. L’alcool est plus dramatique que les drogues mais n’est pas estimé au même niveau. Ainsi le delirium tremens correspond à une mort par déshydratation et fissures cérébrales en cas d’arrêt total et brusque de consommation de boissons alcoolisées sans substitution, « le problème de l’alcoolisme ne doit pas être pris à la légère ».
La prévention
Les messages gouvernementaux, les interventions auprès des collèges ou lycées inondent les adolescents et parfois diabolisent le tabac, l’alcool et les drogues. « Ce type de prévention ne sert qu’à accroître le sentiment de culpabilité et enfermer une personne dans son addiction ». Sarah et ses collègues sont plutôt partisans d’une nouvelle approche moins conventionnelle mais qui se veut tout aussi efficace. « On ne doit pas dire aux jeunes ce qu’ils doivent faire, ça ne marchera pas. On souhaite leur apprendre à consommer intelligemment, c’est-à-dire en toute connaissance des risques ».
Dans un pays, où l’alcool est une affaire culturelle – parfois familiale – la diabolisation des produits ne peut fonctionner. La surpuissance du lobbying concernant les produits contenant de l’éthanol ne permet pas de réguler la consommation légalement. La loi Evin de 1991 a tenté de réduire la consommation en interdisant la publicité mais les entreprises ont su la contourner. Dans ce contexte, les CSAPA semblent représenter les derniers recours pour contenir les dérives.
Crédit Photo: Jules Bourgat / Mathis Charrieau
Thomas Fraisse
Deux anciens addictes témoignent
Zoom: Quels mécanismes du cerveau déclenchent l'addiction ?
Pour survivre, le cerveau enregistre certaines actions grâce au circuit de la récompense. Les humains sont donc incités à boire, manger ou se reproduire car ces gestes provoquent du plaisir. Pour ce faire, le circuit relie plusieurs groupes de neurones entre eux qui communiquent grâce à des éléments chimiques : les neurotransmetteurs.
L’un d’eux se nomme la dopamine. Lorsqu’elle est libérée, elle influe sur la sensation de plaisir et va motiver l’individu à agir et consommer un produit. Un exemple très concret est celui du chocolat. Si un individu adore ce produit et qu’il sent l’odeur d’un gâteau en rentrant chez lui, ce signal va stimuler son cerveau.
Ce dernier va alors libérer beaucoup de dopamine car il sait qu’il va tirer un grand bénéfice en le mangeant. Encouragé par cette molécule biochimique, le personnage va donc consommer le gâteau au chocolat et ressentir du plaisir.
Le mécanisme est identique lorsqu’il s’agit de l’alcool, du tabac ou des drogues. Si l’individu est dans une situation ou un état lui rappelant ces produits, alors le cerveau libère énormément de dopamine. Or, la quantité libérée est significativement plus élevée lorsqu’il s’agit de produits addictifs. L’envie est donc d’autant plus forte.
Pour se protéger, les neurones diminuent leur nombre de récepteurs afin d’accueillir moins de dopamine. C’est là qu’intervient la sensation de manque, le cerveau s’attendant à recevoir davantage de dopamine. Progressivement, ce besoin régulier d’un produit se développe jusqu’à l’addiction.
Axel Daillet