Prévoir l’avenir pour mieux s’y préparer
Posted On 28 avril 2021
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De retour 2 ans en arrière, qui aurait pu imaginer la situation actuelle ? Qui aurait pu anticiper l’explosion au port de Beyrouth en 2020 ? Qui aurait pu envisager que les supporters de Donald Trump envahissent le Capitole ? Il est impossible de prédire l’avenir, c’est un fait. Tout le monde, ou presque, s’accordera sur ce point. Malgré cela, le ministère français des Armées réfléchit à la possibilité de s’y préparer au mieux. Or, « pour percer le mur de l’imaginaire, il faut faire appel à des personnes qui pensent en dehors du cadre », explique Emmanuel Chiva, directeur de l’Agence Innovation Défense, à l’origine de ce projet.
Pas sérieux s’abstenir. Unique en Europe, ce projet est cependant hérité des Américains qui l’avaient développé lors de la Guerre froide. Aujourd’hui, la Red Team est une équipe d’auteurs, designers, scénaristes de science-fiction dont la mission est d’anticiper les évolutions du monde qui pourraient provoquer des conflits à l’horizon 2030-2060. L’objectif étant d’essayer de prévenir la surprise stratégique, de voir venir ce à quoi il est possible de se préparer dès à présent. Pour cela, ils travaillent en étroite collaboration avec des spécialistes de l’Université Paris Sciences et Lettres, qui forment la Purple Team. Grâce à eux, les réflexions conservent une vraisemblance, puisqu’ils fournissent des informations scientifiques tangibles. Alain Fuchs, président de l’Université, est optimiste. Il résume les choses ainsi : « Il s’agit de bâtir, sur les fondements scientifiques les plus solides, des scénarios de fiction et d’anticipation. » Évidemment, l’Armée forme elle aussi sa propre équipe : la Blue Team chargée, par la suite, de mettre à l’épreuve les scénarios qui auront émergé.
Le projet reste expérimental. De fait, les méthodes de prospective employées divergent des méthodes habituelles. L’intérêt étant de mettre à profit les ressources supplémentaires dont dispose l’armée, plutôt que de continuer à faire la même chose, avec plus de budget. C’est logique. En bref : trouver de nouvelles formes de soutien à l’innovation.
Attention à ne pas tomber dans l’antimilitarisme ou résumer trop rapidement l’initiative à une forme de Soft Power, les arguments du ministère sont valables. Néanmoins, la question se pose : la protection de la démocratie passe-t-elle par la force ?
Deux scénarios, « Barbaresque 3.0 » et « P Nation », ont donc été dévoilés en janvier dernier, cela afin de rendre compte des méthodes employées. Les prochains, quant à eux, seront classés secret défense pour des raisons assez évidentes : éviter la diffusion de données sensibles. Voilà une courte description de ce qu’ils contiennent.
Dans le premier, la montée des eaux due au réchauffement climatique pousse des millions de réfugiés à fuir leur pays. Le pari : le rôle stratégique de la Méditerranée va s’accroître et une double piraterie va apparaître : physique et informatique. Plus concrètement, le défi proposé à l’Armée française sera d’arriver, en tant que structure rigide, à s’adapter à la souplesse d’organisation d’entités ennemies.
Dans le second scénario, des pirates vivent dans des villes flottantes capables de s’agencer : une vision de l’enfer opérationnel en quelque sorte. En somme, cette deuxième théorie prévoit un affaiblissement des gouvernements; une montée du totalitarisme et une dépendance technologique croissante.
Or, en l’état actuel, ces situations paraissent plausibles. Cependant, à l’heure où la Covid a révélé l’individualisme des pays, ce projet semble lui-même envisager l’avenir de manière individualiste. Qu’en est-il alors des grands idéaux, notamment européens, lorsque la France s’entraîne de son côté à conserver sa souveraineté ?
Héloïse Drouet
Solène Robin
Des groupes de réflexion ont toujours tenté de prédire l’avenir en analysant les tendances de la société. Cependant certaines évolutions ne peuvent être envisagées car au temps présent elles ne sont absolument pas imaginables. Nos connaissances étant limitées par les découvertes du présent, il est impossible de présager certains scénarios. C’est dans ce cadre que la science-fiction est intéressante. En effet, en imaginant le futur de façon cohérente, certaines inventions ne peuvent être envisagées. Mais quand un écrivain invente tout un monde, irrationnel pour l’époque, alors des éléments du futur peuvent exister dans un roman du passé. En 1968, il était impossible de penser que la tablette tactile pourrait réellement exister. Mais dans un monde fictif où l’imaginaire est libre…
C’est ainsi que 42 ans avant la mise sur le marché de la première tablette tactile Arthur Clark inventait déjà ce concept. Dans son roman 2001, L’odysée de l’espace, un des ses personnages lit l’actualité sur une tablette dont les détails de fonctionnement sont similaires à ce que l’on connaît de nos jours. Ce roman de science fiction est d’ailleurs dans son ensemble une prédiction de l’avenir. L’histoire se passe au XXIème siècle, la Lune a été colonisée par les humains et les plus riches profitent de croisière à destination de la Lune. Ne serait-ce pas ce que présage le projet de tourisme spatial de Space X ?
Mais d’autres auteurs ont prédit un futur bien moins reluisant. Ainsi dans 1984 George Orwell décrit une surveillance accrue de la population par un pouvoir autoritaire, que l’on pourrait assimiler à la situation en Chine actuellement.
Alors si la littérature a déjà pu prévoir l’avenir, pourquoi ne pas s’en servir pour mieux envisager le monde de demain ?
Juliette Le Chevallier
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