Crédit : Juliette Le Chevallier
Être étudiant en temps de Covid ? Une rupture de contacts sociaux qui fait mal. Et les chiffres ne trompent pas : un étudiant sur 5 nourrit des pensées suicidaires. Alors, de nouveaux outils se mettent en place pour lutter contre leur isolement. Zoom sur l’initiative “Bol d’air” qui se développe partout en France.
Le temps commence à se faire long pour les étudiants. Depuis maintenant plus d’un an, confinements et couvre-feu s’alternent, ne laissant plus de place à la fameuse vie étudiante. Un quotidien monotone. Solitaire. Ils passent leurs journées devant des cours en visioconférence, leurs yeux brûlent face à la lumière bleue, leur sommeil est fragile…
Lassés de se sentir délaissés pendant cette crise, les étudiants l’ont fait savoir au travers des réseaux sociaux (#étudiantsfantômes) ou encore de manifestations. Le gouvernement a essayé de répondre aux revendications : repas à 1 euro dans les restaurants universitaires, chèques psy, plate-forme “un jeune une solution” … Dans le même temps, de nombreuses initiatives privées ont vu le jour. Cependant, les étudiants voient les plus belles années de leurs vies défiler par la fenêtre de leurs petits studios. Et pour beaucoup, le sentiment de solitude s’installe et le décrochage scolaire suit.
Prendre un “bol d’air”
Les espaces verts ne peuplent pas les grandes villes. Ce n’est pas la première fois qu’on le constate mais c’est, sans doute, la première fois qu’on le subit autant. Alors que les divertissements sont réduits en ville, pourquoi ne pas profiter de la nature ? L’initiative “Bol d’air” s’est donc mise en place pour les étudiants. L’objectif ? Partir quelques jours à la mer, la campagne ou encore la montagne pour fuir la pollution et la densité de population étouffante. Le concept a été lancé sur Facebook par des agriculteurs. Des pages par région dressent une liste de personnes prêtes à accueillir chez elles et gratuitement un ou plusieurs étudiants pendant quelques jours. Au programme : balades, jeux de société ou encore moments d’échange.
« Si ma fille allait mal et que je n’avais pas la possibilité de l’aider, j’aurais aimé que quelqu’un lui offre un moment de répit » – Sophie Halle (qui a accueilli 2 étudiants en février 2021).
Loin des écrans bleus, loin de la ville bruyante, c’est une grande bouffée d’air frais pour les étudiants. Ils découvrent, rencontrent, prennent le temps de respirer. Le temps d’un week-end ils se ressourcent en espérant que leur quotidien ne les rattrapera pas trop vite, une fois de retour en ville.
Combattre l’isolement, à quel prix ?
Ce bol d’air, parfois nécessaire, devient vite un souvenir une fois de retour dans les visioconférences et les limitations de déplacement. Une fois rentrés dans leur petit studio, les étudiants se retrouvent d’autant plus confrontés à la solitude, la participation est remise en question. Était-ce vraiment judicieux en tant de Covid ? Il ne faut pas oublier que ces restrictions sont bel et bien mises en place pour éviter les contacts sociaux. Les étudiants proposent parfois de faire des tests PCR avant leur venue. Mais cette preuve de bon sens n’est en rien une obligation puisqu’il n’existe pas d’autorité régulatrice, les échanges s’effectuant uniquement via les réseaux sociaux. Quelles ont été mes motivations ? Au-delà du caractère spécifique de la période que nous traversons, se rendre chez de parfaits inconnus rencontrés sur Facebook et parfois seul n’est pas sans danger. Mais peut-être que ce sont des risques à prendre pour passer un bon week-end. Sophie Halle nous le confirme « C’était un pari pour tous de passer un week-end ensemble, sans se connaître. Le courant est tout de suite passé : pari gagné ! »
Chloé Bertrand
Conserver du lien social : les actions de la FAEL pour les étudiants
Juliette Le Chevallier
ZOOM… Avoir 20 ans en 2021
La peur de la première vague paraît loin. Après tout, la France travaille, va chercher ses enfants à l’école, alors pourquoi ne s’accorderait-elle pas une soirée entre amis ? Beaucoup d’étudiants assument ce relâchement et refusent d’y voir une question de génération. Ainsi, selon un sondage, réalisé par Odoxa-Blackbone consulting, 80% des jeunes disent avoir “subi des préjudices importants du fait de la crise sanitaire“. Préserver le lien social serait donc plus important que de préserver les gestes barrières.
Lorsqu’on attrape le thermomètre numérique, pour prendre la température de la fièvre du samedi soir -qui ne mesure pas en degrés Celsius mais en stories sur les réseaux sociaux- le constat est sans appel. On y tombe le masque et on claque les bises sans vraiment penser au taux d’incidence du Covid et aux jours d’après. Sur les réseaux sociaux, il apparaît vite que les lois du confinement ne sont pas les mêmes pour tous. De fait, l’étude souligne aussi que la moitié des jeunes reconnaît avoir déjà transgressé les règles du couvre-feu ou des confinements.
Dans des lieux abandonnés, des entrepôts, des tunnels, les teufs attirent un public nouveau qui, privé de sorties en clubs, s’est rabattu sur les événements clandestins. Ils s’organisent par le biais de groupes privés sur des messageries comme Telegram ou Signal. Si cette nouvelle pratique peut faire culpabiliser, elle reste curative pour certains. C’est une prise de risque, les organisateurs en sont conscients, mais c’est un mal nécessaire. Toutefois pour l’essentiel des jeunes, la nuit se vit à volume réduit, à la ville comme à la campagne, dans les appartements et les maisons de ceux que le ménage du lendemain ne rebute pas. Finalement, chacun fixe sa zone de tolérance. Beaucoup de résignés, sans doute. Et quelques résistants, ou inconscients, selon les points de vue.
Solène Robin