Gaspillage alimentaire : faut-il contraindre pour agir ?
Depuis la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, dite loi EGALim de 2018, le Crous de Lille met en place des solutions concrètes pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Parmi elles, la semaine « anti-gaspi » dont la dernière édition s’est déroulée du 23 au 25 novembre 2021.
Peser nos déchets pour poser le bilan
Pour respecter la loi EGALim, votée en 2018, le Crous de Lille a dû adapter ses façons de faire, comme nous l’explique le coordonateur du Crous de Lille, Philippe Radomiak : « Depuis cette loi, chaque année, l’ensemble des restaurations collectives doit réaliser un bilan de la quantité de nourriture jetée. » C’est ainsi qu’est née la semaine « anti-gaspi » durant laquelle des pesées sont réalisées par les équipes du Crous et comparées à l’ensemble des couverts. Cette comparaison permet de faire la moyenne de gaspillage alimentaire par personne, selon le type de restauration collective, aussi bien en milieu scolaire, qu’hospitalier ou en entreprise. Peser nos déchets pour poser le bilan, est une chose. Agir pour lutter contre le gaspillage alimentaire en est une autre.
Des lois qui se traduisent en actes
La loi paraît à première vue contraignante et on peut légitimement se demander si sans elle, des efforts auraient été menés. C’est en effet par obligation que le Crous de Lille a mis en œuvre des efforts d’information pour mieux communiquer à l’avance les menus et un travail sur l’harmonisation des recettes pour toujours proposer des produits de meilleure qualité.
Mais Philippe Radomiak nous indique que certaines démarches concernant la revalorisation des déchets avaient déjà été mises en place avant cette loi : « Nos huiles de friture sont récupérées par une société du Nord qui les retraite en biocarburant et nous recourons au tri sélectif pour les déchets non-alimentaires avec des emballages qui sont, pour les trois-quarts, compostables ou biodégradables. »
« Réfléchir à améliorer cette partie de notre activité, nous le faisons en permanence »
Philippe Radomiak
La loi est aussi là pour révéler au grand jour la triple problématique que représente le gaspillage alimentaire, tant pour l’environnement, l’économie et les inégalités sociales. Voter une loi, c’est pointer du doigt un dysfonctionnement. Alors, le cadre réglementaire n’est plus une contrainte : il s’agit d’un moteur pour faire émerger des réflexions et en bout de ligne, trouver des solutions. « Réfléchir à améliorer cette partie de notre activité, nous le faisons en permanence avec l’aide de notre chargée de développement durable, Nathalie Grenier », affirme le coordonateur du Crous de Lille. Un exemple ? La mise en place d’un « happy hour » dans les cafétérias. Cette initiative limite ainsi le gaspillage car les produits qui périment le lendemain ne se retrouvent plus dans les poubelles. Elle est aussi profitable pour le portemonnaie des étudiants car ces aliments sont proposés à moins 50%.
Manoa debande
Zoom sur un pays qui recycle à 95%
Le gaspillage alimentaire est un fléau qui touche toutes les populations du monde, et les pays les plus développés sont les premiers concernés. Un rapport de l’ONU datant de 2021 indique qu’à l’échelle mondiale, plus d’un milliard de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année.
Pourtant, un pays tire son épingle du jeu. Autrefois considéré comme un « mauvais élève » dans la lutte contre le gaspillage, ce pays comptant près de 51 millions d’habitants est aujourd’hui considéré comme un véritable modèle. Les chiffres du rapport du Forum Économique Mondial de 2018 ne peuvent être plus explicites : en 2018, la Corée du Sud a recyclé 95% de ses déchets alimentaires.
Quel système pour limiter les déchets ?
Bien que certaines solutions aient été prises à l’échelle nationale, c’est à une échelle plus réduite que s’opère la lutte sud-coréenne contre le gaspillage alimentaire, c’est-à-dire directement au sein des foyers. Le système mis en place est relativement simple et repose sur la taxation. Les Sud-coréens peuvent jeter leurs déchets de trois manières différentes : en utilisant des sacs biodégradables taxés, en plaçant les déchets dans des containers payants, ou en utilisant les « poubelles intelligentes » spécialisées dans la mesure du poids des déchets qui y sont placés, et qui facturent au foyer le poids de ses déchets. Autant de mesures qui se sont intégrées au quotidien des foyers sud-coréens et qui incitent à moins jeter.
Un modèle à diffuser ?
En somme, en cas de gaspillage, c’est le contribuable sud-coréen qui se voit taxé du volume de déchets produit. Ce modèle est-il transposable dans nos sociétés ? L’ancienne attitude de la Corée du Sud vis-à-vis de la question amène à penser que chacun peut envisager une progression : en 1995, le pays ne recyclait pourtant que 2% de ses déchets alimentaires.
Félix Didier
Vidéo : Comment revaloriser ses déchets au jardin partagé Philippe L'Houblon
Vidéo : Léa Razafindrabe