Des solutions pour et par les étudiants pour lutter contre la précarité alimentaire
Depuis le début de la crise sanitaire, la population étudiante s’appauvrit, et les étudiants lillois n’échappent pas à la règle. Malgré cela, ils ne se laissent pas démonter et trouvent des moyens pour s’en sortir. Grâce à des idées innovantes et des initiatives solidaires, les étudiants ont su créer un réseau d’entraide lillois.
Les études sont unanimes, les étudiants se sont appauvris à la suite de la crise sanitaire. Ce sont 23% des étudiants interrogés dans le cadre d’une étude de l’OVE (Observatoire de la Vie Étudiante) parue en fin d’année 2020 qui déclarent ne pas avoir mangé à leur faim pour des raisons financières pendant le confinement. Dans ce climat de privation constante, il est parfois difficile de se nourrir à sa faim, avec de bons produits. Partons à la rencontre d’initiatives qui permettent aux étudiants de manger plus, et mieux.Mobilisations 100% étudiantes
Créée en 2014, Coup de Pousse est une association étudiante qui s’engage pour une alimentation biologique, locale, et à des prix abordables. L’association est basée sur le campus Cité Scientifique. L’association et ses bénévoles se placent en intermédiaire entre les étudiants inscrits et Eli, leur maraîcher Douaisien. Ils commandent et distribuent des paniers de légumes de saison.
Coup de pousse est né de la volonté d’un groupe d’étudiants. Du fait, ils se retrouvent seuls et construisent leur association sans moyens, avec seulement leur temps et leur motivation. La participation à Coup de Pousse se fait sur la base du bénévolat car ils ne prélèvent aucune commission. Ainsi, ils n’ont pas assez de membres pour fonctionner et ils se retrouvent facilement débordés par les cours et les examens. De plus, ils ne reçoivent aucune subvention de l’Université et doivent donc vendre leurs paniers à un coût assez élevé.
Besoin d'un coup de pouce?
D’autres étudiants ont fait le choix de s’allier à l’Université pour créer Episcea. C’est une épicerie solidaire ouverte 27 heures par semaine, tenue par deux services civiques embauchés par l’Université de Lille. Elle est créée en 2018 en partenariat avec l’Université dont ils reçoivent une aide financière et humaine conséquente. Ils reçoivent environ cinquante bénéficiaires qui doivent attester de leur situation précaire en remplissant un dossier examiné par le service social de l’Université.
L’association rencontre elle aussi ses propres problèmes. Tout d’abord, ils manquent de partenaires et reçoivent trop peu de dons. De plus, ils sont dépendants de la fac et n’ont donc aucune maîtrise sur le choix des bénéficiaires.
La comparaison des deux associations permet de soulever le choix que les associations étudiantes peuvent être amenées à faire. Faut-il passer un accord avec l’université et sacrifier une partie de sa liberté d’agir ou vaut-il mieux se détacher de toute institution et être incapable de vraiment toucher les étudiants précaire à cause du manque de subvention. Comme alternative à ses deux possibilités, il existe aussi les réseaux d’associations locaux et nationaux. L’un de ces réseaux sur le territoire est Galillé : Groupement d’Associations Lilloises Étudiantes.
Un réseau de solidarité
GALILLÉ est créée en novembre 2020, il né d’un besoin de solidarité entre les associations. A ce jour, le réseau regroupe treize associations et mène ses propres actions, notamment lutter contre la précarité alimentaire avec le Ch’ti Panier. Le groupement permet désormais aux étudiants d’échanger des bonnes pratiques, de se rencontrer, et de pouvoir interpeller les responsables politiques, publiques et ceux de l’université. Les membres de GALILLÉ ont aussi monté une liste pour les élections étudiantes et ont obtenu au moins un siège dans chaque conseil. Ils souhaitent représenter les associations lilloises et porter leurs revendications.
Les associations de GALILLÉ ont aussi souhaité adhérer à la FAGE, la Fédération des Associations Générales Etudiantes. La fédération remplit le même rôle que GALILLÉ, mais au niveau national, ce qui permet de faire remonter les préoccupations au niveau national. Ainsi s’est créé un réseau de solidarité régional et national. Dans ce réseau, les associations étudiantes s’entraident et peuvent se rassembler en fédérations de filières, pour traiter de problématiques précises. Lorsqu’une association rencontre un problème, elle peut s’adresser à la fédération qui la redirigera vers une association du réseau spécialisée dans le sujet. Tous les mois, de plus en plus d’associations rejoignent les groupements et fédérations lilloises, promettant toujours plus de solidarité et d’entraide.
Eline Coustenoble
Quand la précarité tue
Johanna Beeckman
Les actions lancées par et pour les étudiants sont incontestablement précieuses pour celles et ceux en situation de précarité. Cependant, aujourd’hui, force est de constater que pour endiguer le problème au niveau national, ça ne suffit pas.
L’imaginaire collectif partage l’idée que l’étudiant est « pauvre » par définition. Il faut néanmoins nuancer en soulignant que tous les étudiants ne se trouvent pas en situation précaire. Certains peuvent compter sur le soutien de leurs parents alors que d’autres doivent faire attention à la moindre dépense et multiplient les petits jobs étudiants pour pouvoir payer leur loyer et leurs études. Selon les données de l’UNEF publiées en 2021, un étudiant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté et un étudiant sur 2 est obligé de travailler pour subvenir à ses besoins. C’est que le coût de la vie étudiante a augmenté et que l’octroi des bourses du CROUS est plus sélectif. Pour rappel, cette aide financière est calculée sur la base des revenus des parents. Mais que se passe-t-il si l’étudiant qui ne dépend plus financièrement de ces derniers ?
Le 8 novembre 2019, à Lyon, pour dénoncer la précarité étudiante et le dysfonctionnement du système de bourse, un étudiant s’était d’ailleurs immolé devant les bâtiments du Crous. Son dossier avait été refusé car il ne remplissait pas tous les critères sociaux exigés. Son acte symbolique a ensuite été repris par la classe politique qui a promis de prendre des mesures concrètes. Deux ans plus tard, en 2021, la situation ne s’est pas améliorée et un virus est venu perturber la vie étudiante, surtout celle des étudiants déjà précaires.
Amoindrissement du filet de sécurité avec les confinements répétés
De nombreux secteurs, principalement ceux qui emploient des jeunes, ont fermé avec le confinement. Résultat, plus de revenu pour payer son loyer, se nourrir à sa faim ou se payer un psy dans cette situation anxiogène. La solidarité associative a quand même permis de soulager certains. Avec le confinement, une Agoraé (épicerie solidaire) a notamment vu le jour à Lille.
Cette crise a mis le doigt sur un problème qui nécessiterait des réformes structurelles de l’exécutif. Le RSA pour les jeunes de moins de 25 ans peut être une piste.