Ouvrir sa porte à des Ukrainiens, une aide à double sens
Quand l’invasion russe débute le 24 février, Éric et Marie-Dominique Foulon veulent aider les réfugiés ukrainiens qui arrivent en France. Au départ pour quelques semaines, cela fait maintenant plus de 6 mois qu’Olena 29 ans, et sa fille Mia 5 ans, vivent chez eux. Cet acte solidaire s’est révélé être un échange humain, où les hôtes reçoivent autant de chaleur humaine qu’ils en offrent.
« On s’est lancé sans réfléchir, parce que si on réfléchit, on s’arrête. » Ce couple de pharmaciens proche de la retraite vit à Faches-Thumesnil et n’a pas encore de petits-enfants. Marie Dominique travaille de moins en moins, et le manque d’interaction avec des gens sollicitant son aide commençait à se faire sentir. Quand ils apprennent que des femmes et des enfants fuient la guerre, ils décident d’héberger des gens. Marie-Dominique s’inscrit alors sur le site de l’association mis en place par la mairie. Mais n’étant pas rappelée par le service, elle dépose une annonce sur le site Icanhelp. Ils accueillent d’abord pour 3 semaines une famille de 3 Ukrainiens qui attendent leurs visas pour l’Angleterre. Pour les remercier de leur hospitalité, la famille d’Ukrainiens veut elle aussi s’impliquer se propose de cuisiner tous les jours.
Offrir un abri et créer du lien
En avril, ils reçoivent un appel d’Olena qui vient d’arriver en France avec sa fille Mia. Elles sont originaires de Kharkiv, dans l’est de l’Ukraine, et ont fui dès le début de la guerre. Contrainte d’abandonner leur famille, leurs amis et surtout le père de Mia, elles fuient vers la France où elle trouve refuge à Faches-Thumesnil. Les premiers temps, ils communiquaient par Google Traduction. Mais désormais un mélange d’anglais et de français leur permet d’échanger sans difficulté. Cette solidarité permet à la mère et la fille d’être à l’abri en attendant de décider de leur futur. Aujourd’hui Olena est partagée. Sa ville vient d’être libérée et ses proches lui manquent. Seulement après le passage des Russes, la situation est encore trop dangereuse pour rentrer. Avec son mari, ils envisagent de s’installer dans un pays européen pour élever Mia. La mère suit des formations de langues pour pouvoir exercer de nouveau en Europe sa profession d’ingénieure.
Marie Dominique et Éric ne regrettent pas leur décision. Héberger Olena et sa fille leur offre la possibilité d’aider des réfugiés et de comprendre ce qu’ils ont vécu. Parfois des éléments du quotidien rappellent la distance entre leur vie et la réalité de la guerre. Comme une nuit d’orage qui a effrayé les Ukrainiennes, croyant entendre des bombes s’écraser autour de la maison. « C’est là qu’on s’est rendu compte que ça doit vraiment être terrible », explique Marie Dominique. Mais c’est aussi pour eux un moyen de s’occuper d’un enfant en bas âge. Mia est inscrite à l’école maternelle depuis fin avril, et Éric l’y amène régulièrement. Ils sont contents de pouvoir « créer du lien et des souvenirs ». Face aux nouvelles qui arrivent en permanence du conflit, le couple s’investit pour leur changer les idées. Ils créent des moments de partage en les emmenant quelques jours en vacances au bord de la mer, à la fête foraine, ou encore au zoo. « Ce qu’on trouve le plus important c’est que la petite puisse aller bien.”
Des réactions extérieures variées
Des membres de leur entourage s’impliquent aussi, jouent avec la petite ou apportent un cadeau lorsqu’ils viennent à la maison. À la pharmacie certains clients font des dons, comme des habits pour l’hiver qui arrive. Mais d’autres connaissances ont pris de la distance depuis qu’ils hébergent des réfugiés. Certains amis ont cessé d’entretenir le contact, en arrêtant d’appeler ou de les inviter. Pour Éric et Marie Dominique, les autres ont peut-être peur de devoir se justifier. Certaines questions sont parfois plus directes. « Vous les traînez partout vos Ukrainiens ? », « Ça va tu les supportes ? ». Leur nouveau quotidien n’empêche pas le couple de poursuivre leur vie sociale et de passer au travers des réactions extérieures.
Elliot Morlong
Vidéo: Les initiatives citoyennes pour venir en aide aux réfugiés ukrainiens
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Comment accueillir des réfugiés ukrainiens dans le besoin ?
Selon les chiffres de l’ONU et de l’UNICEF, le flux de déplacés ukrainien s’élève à plus de 7 millions de personnes, dont plus de 2.5 millions d’enfants depuis le début du conflit en février 2020. Convoi de produits de premières nécessité, collecte de fonds ou encore don d’argent, nombreuses sont les initiatives qui ont vu le jour dès le mois de février pour venir en aide à cette population. Aussi, un grand nombre de familles ont ouvert leur porte pour les accueillir, le temps de trouver une situation stable.
La mise en relation entre familles accueillantes et familles dans le besoin ne s’avère pas toujours facile. C’est pourquoi, Farhad Shamo Roto, réfugié yezidi résidant en France et Nick Antipov, défenseur biélorusse de la cause LGBTQ ont créé le site web I can help.host.
Le but est simple, faciliter les rencontres entre les familles grâce à une carte interactive. Il suffit, pour les hôtes, de renseigner leur capacité et leur durée d’accueil, leur zone géographique ainsi que leurs coordonnées pour qu’une famille puisse en bénéficier. Au vu de l’urgence de la situation, la plateforme à rencontré très rapidement un grand succès. En août 2020, soit 6 mois après son lancement, 3600 familles ukrainiennes ont trouvé un toit à travers l’Europe.
Dans de nombreuses villes en France, des associations existent pour accueillir une famille sans passer par internet. La ville de Lille notamment met en lien, à travers l’association Lille aide Ukraine, des familles lilloises et ukrainiennes grâce à un formulaire internet. L’association, qui a à cœur de faciliter l’accueil des familles, en a déjà aidé plus de 260 depuis sa création.
Anne Papail