Quand cuisiner devient une solution pour rompre avec la solitude et créer du lien
Posted On 1 décembre 2022
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Lorsqu’on ouvre la porte des Petites cantines, la première chose qui nous accueille c’est l’ambiance chaleureuse. Des bénévoles discutent, s’activent, préparent. Une odeur de chocolat flotte dans l’air. Les convives, le nom donné aux clients, sont accueillis par la bonne humeur et une tasse de thé.
Ce matin, comme habituellement, entre 7 et 8 bénévoles préparent le repas en toute convivialité. Certains restent ensuite déjeuner. Même à l’heure du repas, chacun peut participer : “L’idée est que chacun se lève pour aller chercher les plats ou faire un peu de vaisselle, chacun donne son petit coup de main“, raconte Hélène Degeorges, présidente de l’association.
Le prix du repas est libre mais le prix de revient (ce qu’il coûte à la fabrication) est de 13 €. L’important n’est pas ce que donnent les gens. “C’est un lieu où l’on veut que chacun se sente libre d’entrer et sortir“, explique Hélène. L’association ne veut pas que le prix soit un frein. L’enjeu est avant tout de créer un espace chaleureux où chacun est le bienvenu. Les convives participent à hauteur de leurs moyens.
Seule la mairie de Croix les subventionne. “Le maire de Croix voit bien qu’il y a un impact social, beaucoup de Croisiens viennent déjeuner. Ils n’ont pas forcément les moyens de payer le prix d’un restaurant donc le maire compense annuellement par une petite aide.“
L’essence même du projet est de créer du lien social dans les quartiers avec le prétexte de cuisiner. Les convives sont généralement des habitués mais Hélène souhaite augmenter la part de convives occasionnels pour assurer la stabilité économique de la cantine et former une “mixité dans la fréquentation“. De belles histoires se créent : “On a une fidèle convive qui s’appelle Francine, elle a fêté ses 80 ans chez nous, elle a commencé à venir quand elle avait en 75.” Deux autres convives s’y sont même liés d’amitié, au point de partir en vacances ensemble sur la côte.
Chaque bénévole joue son rôle. Certains dressent les tables, d’autres s’occupent de la communication du restaurant sur Instagram. Cette semaine, la cheffe du lieu est souffrante mais heureusement, toute l’équipe est motivée à prendre le relais et à s’organiser. L’atmosphère décontractée du restaurant profite également aux bénévoles eux-mêmes. Nombre d’entre eux, sans activité ou socialement isolés, participent au projet et y trouve du réconfort.
Pendant le covid, le restaurant a été contraint de fermer ses portes. Les bénévoles habitués se sont réparti les coordonnées des convives pour prendre de leurs nouvelles. “Une partie de nos convives sont isolés, on le sait“, confie la présidente de l’association.
Le lieu a pu rouvrir sa cuisine de manière progressive. D’abord à un petit nombre de personnes: 6 à 8 maximum. Les repas étaient à emporter. Les convives disposaient d’un créneau d’un quart d’heure pour venir. “C’était un moment très joyeux, les gens venaient, mettaient de la musique, dansaient sur le trottoir“, se rappelle Hélène.
Le restaurant a permis de maintenir du lien humain même au moment où cela était devenu compliqué pour des raisons sanitaires.
Alice Jaquet
“Chacun donne en libre conscience, on ne veut pas que le prix soit un frein à passer la porte“, c’est ce que nous dit la présidente des Petites Cantines à Croix. Car oui, en France, 9,3 millions de personnes vivent sous le seuil de la pauvreté. La précarité est un des plus importants facteurs de solitude.
Selon une étude des Petits Frères des Pauvres, le lien isolement/précarité confirme que plus le revenu d’un foyer est faible, moins il y a de contacts, ne serait-ce qu’avec le voisinage ou les commerçants. L’envie de s’engager au niveau associatif diminue, le sentiment de joie et d’être heureux est faible alors que le sentiment d’être seul est élevé.
Julien Damon, sociologue et professeur à Sciences-Po le dit : ces deux dynamiques que sont pauvreté et solitudes « s’auto-entretiennent », c’est un engrenage dont il est difficile de sortir. C’est pourquoi des associations comme les Petites Cantines se créent.
Sophie, la présidente des Petites Cantines de l’Isère, à Grenoble, constate que la précarité est en effet souvent un des facteurs de l’isolement relationnel. Un article de L’Humanité définit bien ce cercle vicieux : « La solitude préfère les pauvres. Ce n’est pas la pauvreté qui fait l’effet repoussoir de la vie sociale, mais bien la manière abrupte dont elle réduit le champ des possible. »
Quand on parle de l’isolement, on pense très souvent à la solitude mais un autre isolement intervient, l’isolement culturel. La culture est un vecteur de lien social alors que la culture devrait être accessible à tout le monde, à toutes les populations et à toutes les classes sociales.
Jeanne Olagne
Par Sidonie Rahola Boyer
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