Du bidonville au logement, un chemin incertain pour les Roms du camp des Pyramides
11 janvier 2023, 7h30. L’expulsion du camp des Pyramides, au sud de la Citadelle à Lille, met en évidence le problème de la gestion des familles de Roms : un certain nombre reste sur le carreau, incompris des uns et rejeté par les autres. Du reste, l’expulsion fait figure d’exception puisque pour la première fois une réelle solution (durable ?) est proposée. Pour autant, qu’en est-il dans les faits ?
« En soixante-dix ans, nous avons été capables de marcher sur la Lune, mais toujours pas de relever le défi du droit au logement décent pour tous. » Cette phrase n’a jamais trouvé de résonance plus nette qu’en cette période d’augmentation du nombre de sans-abri, à Lille comme ailleurs. C’est sans compter sur la politique brutale d’expulsion des camps de Roms qui s’opère à Lille. Pour la première fois depuis que le préfet Leclerc (autrefois préfet des Alpes-Maritimes) a déposé ses valises sur le sol du Nord, des solutions de relogement des familles ont été proposées à la suite de l’expulsion du camp des Pyramides, au sud de la Citadelle lilloise.
Le désordre de l’attribution des logements
Des solutions ? Oui, mais pas n’importe lesquelles, et surtout pas pour tout le monde. 64 ont reçu une proposition de logement après l’expulsion du camp, pour un total d’environ 120 personnes. A préciser qu’un certain nombre de familles a pris la clef des champs à l’annonce de l’expulsion. Ce qui ramène le total de personnes sur le trottoir à une trentaine, pour la moitié des enfants. Le soutien des associations et de la mairie a été primordial, permettant à la quasi-totalité de ces familles de trouver refuge.
Membre du collectif Solidarité Roms, Dominique Plancke déplore un manque de prise en compte des spécificités de chaque famille : certaines sont depuis longtemps en France et ne nécessitent pas d’accompagnement personnalisé, plusieurs ont été éloignées de leur lieu de travail ou ont dû changer leurs enfants d’établissement scolaire, d’autres ont dû être séparées du reste de leur famille.
Un rassemblement contre le mal-logement devant la Gare Lille Flandres, le 26 janvier. © Théodore Donguy
Des solutions bienvenues mais peu de prise en compte des réalités
Dominique Plancke reconnaît que les conditions de relogement des familles sont globalement acceptables. La plupart ont ainsi de meilleures conditions de vie : certains sont en village d’insertion (appelés aussi SAS), et font l’objet d’un accompagnement social de l’Afeji (association accompagnant les plus vulnérables). D’autres sont hébergés pour une durée indéterminée dans un hôtel, les plus chanceux bénéficient d’un appartement. Pour le reste, cependant, c’est retour à la case départ : ils ont convergé vers des bidonvilles déjà existants.
Isabelle Fourot, directrice de la Fondation Abbé Pierre Hauts-de-France, abonde : « Il y a une discrimination assez large qui s’exerce en direction des publics de culture Rom, sur les questions d’accès au logement il est possible qu’il y ait plus d’orientation vers de l’hébergement à court terme qu’à long terme. »
Dans l’espace public, un sujet épineux
Si l’intention est bonne, la prise en compte des familles l’est moins : les conditions d’attribution d’un logement à une famille plutôt qu’à une autre n’ont pas été communiquées, rendant l’expulsion d’autant plus confuse. Après être relogés, ces Roms doivent pour une partie d’entre eux retrouver les sentiers battus de la réinsertion sociale.
Les associations n’aspirent qu’à une chose : une prise de responsabilité de l’Etat ainsi que des collectivités territoriales. À Nantes par exemple, lorsqu’un camp se constitue la mairie dépêche une benne à ordure sur place pour la gestion des déchets, chose qu’à Lille les élus et la préfecture se disputent la responsabilité. Pour sa part, Isabelle Fourot appelle à une concertation collective. Laissons l’épilogue à celui qui en a initié le prologue, l’Abbé Pierre : « Gouverner, c’est d’abord loger son peuple. »
Simon Ecotière
Vidéo : un rassemblement de solidarité avec les sans-abri devant Lille Flandres, le 26 janvier
Édito
Un logement de qualité pour tous à Lille, c’est possible !
Dressant le constat d’un dysfonctionnement de la politique de l’habitat lilloise, les APU Vieux-Lille et Fives formalisaient en 2020 des « ébauches de solutions […] pour un logement abordable, sans discriminations, digne et sans expulsions ».
Si le droit au logement est un droit fondamental, à Lille en 2020, 25% de la population vivait une situation de « mal logement ». Est identifié un décalage flagrant entre besoin et offre de logement. Entre 2006 et 2014, la moitié étaient investis par des bailleurs privés, instaurant des loyers élevés. Parallèlement, 15 000 ménages restaient en attente d’un logement social. Reposant sur le principe des 2/3 de logements « très sociaux », une politique du logement social est envisagée.
Se voulant plus transparent, ce nouveau système d’accès à l’habitat répondrait à une autre problématique : la discrimination. Sur l’aire urbaine de Lille, un candidat ayant un nom à consonance « maghrébine » a presque 25% de chance en moins de recevoir une réponse ouvrant au moins le droit à une visite qu’un candidat ayant un patronyme à consonance « française » (Kif Kif, 2017). Mettre fin à la tolérance des services d’hygiène avec les logements indécents du parc social lillois semble par ailleurs indispensable sachant que 10% des logements indécents de France se trouvaient en 2020 sur le territoire de la MEL.
De la dignité est également réclamée concernant les expulsions. En moyenne, 40 familles sont concernées chaque semaine sur la métropole. La création « d’un pôle logement » au sein du CCAS de la Ville et le renoncement des autorités locales aux expulsions des bâtiments sans usage effectif semblent être des pistes praticables.
Hugo Marsault
La brochure complète est à consulter ici.