Les crèches polyglottes ou le nouveau berceau de l’apprentissage des langues
Image : enfants en apprentissage (banque d’images Pixabay)
Les enfants de 0 à 3 ans peuvent bénéficier d’un enseignement progressif de l’anglais et de la langue des signes, sans connaître encore l’école. Imprégner ces nouveaux langages dans leur quotidien permet d’améliorer la communication avec les plus jeunes. C’est aussi une façon de promouvoir une ouverture vers le monde pour les enfants.
Certaines crèches tendent à se démarquer aujourd’hui en lien avec l’évolution de la société. On voit ainsi émerger des établissements aux spécificités différentes ; que ce soit une volonté de sensibiliser les enfants au regard de la préservation de l’environnement ou bien la volonté de les ouvrir au monde avec un apprentissage des langues, plusieurs arguments sont mis en avant.
En Normandie on propose cet usage : l’anglais et la langue des signes dans le quotidien des enfants.
Être compri(s)
Cette initiative n’est pas nouvelle, mais elle a du mal à se généraliser. En effet, dans la crèche associative « Arc en ciel » à Octeville-sur-Mer, une auxiliaire de puériculture partage : « Nous aimerions mettre cela en place, mais cela prend du temps il faut que l’équipe soit bien formée. » L’idée pour les directeurs des crèches bilingues n’est pas d’embaucher seulement des personnes anglophones, mais d’ouvrir des formations pour que cela soit accessible à tous. La crèche « People & Baby » a mis en place des formations depuis 2018. Leurs équipes sont formées pendant une durée de 3 mois avec des cours d’anglais pour bien maîtriser le vocabulaire et pouvoir appliquer la démarche sur le terrain. Andréa, la directrice, confie : « On n’a pas encore beaucoup développé l’utilisation du langage des signes mais c’est quelque chose que l’on aimerait faire. »
Le langage des signes est un réel outil pour communiquer avec les bébés avant même qu’ils ne sachent parler. Le cerveau des petits est souvent chargé d’informations qu’ils doivent assimiler comme apprendre à marcher et à se déplacer. Ainsi, la langue des signes permet d’avoir une interaction avec eux sans attendre l’acquisition de la parole. Ambre, 28 ans, infirmière en réanimation néonatale, explique avoir utilisé la langue des signes pour son fils. À partir de 13 mois, il arrivait à exprimer ses besoins essentiels avec ses mains « En fait, l’enfant n’a plus besoin de pleurer pour se faire comprendre, il lui suffit de signer pour réduire la frustration », témoigne Ambre. Cela a apporté de réelles solutions quant à la communication entre un parent et son enfant. Ambre ajoute que cela l’a aidé à créer une certaine complicité avec son fils « en réduisant les pleurs, la colère, les frustrations, le temps ensemble est bien plus doux ».
Imprégner le quotidien
« On utilise l’anglais ou le langage des signes à tous les moments phares de la journée des enfants » témoigne Éloïse, employée de People&Baby au Havre. L’équipe de la crèche va utiliser un vocabulaire anglais ou des signes à certaines étapes clés de la journée des enfants. En effet, il est plus facile pour eux de mémoriser et d’assimiler ce qu’ils entendent avec ce qu’ils sont en train de faire, quand c’est une activité qu’ils répètent chaque jour. Éloïse prend pour exemple les temps de regroupements le matin ou bien pendant les repas « Ils apprennent les noms des aliments en anglais ».
Leur volonté est de sensibiliser les enfants et de les ouvrir au monde dès leurs plus jeunes âges. Selon Andréa « Les enfants ont la capacité d’apprendre vite, on constate que les plus grands retiennent grâce à la répétition et parfois plus vite que les adultes. » Évoluer dans ce milieu ne rend pas les enfants bilingues, mais les prépare réellement à leur futur. Ainsi, l’anglais qui est enseigné à l’école leur paraîtra moins difficile. Cet apprentissage progressif permet notamment de développer certaines compétences qui leur seront utiles tout au long de leur éducation, tels que : l’organisation, la curiosité, la concentration.
Louise Domingues
L'édito
Une micro-crèche polyglotte, quelle jolie invention. Voir son enfant s’épanouir dans une petite structure tout en découvrant de nouvelles langues peut être le rêve de bien des parents. A se demander pourquoi iels ne mettent pas tou-te-s leurs enfants dans de telles structure ?
Spoiler Alert, ce n’est pas donné et ces structures étant pour beaucoup privées, les aides sont parfois plus faibles. Ces crèches nécessitent donc des moyens suffisants pour les parents qui souhaitent faire garder leurs enfants, même si le coût est calculé par rapport aux revenus des parents.
Comment ça ? L’égalité des chances de notre beau modèle républicain ne serait qu’en réalité une illusion ?
La réponse est évidemment OUI ! Pour étayer un peu cet argument, il est possible de s’appuyer sur les travaux du sociologue Pierre Bourdieu. Il explique en effet que nous sommes déterminé-e-s par notre milieu social auquel nous appartenons. Ce déterminisme est régi par trois capitaux : économique, social et culturel.
Le cas de ces micro-crèches au coût parfois exorbitant vient parfaitement illustrer la rupture de l’égalité des chances dès le plus jeune âge. Un enfant aura accès à ces crèches qui vont venir enrichir son capital culturel, seulement selon le capital économique de ses parents. Ce sont les prémices de la rupture de l’égalité à l’école puisqu’à son arrivée en maternelle, l’enfant aura probablement des facultés supplémentaires, facultés reposant uniquement sur la condition d’un revenu suffisant de la part des parents.
En conclusion, peut-être devrions-nous rajouter en toute bonne foi un petit astérisque à notre devise française à côté du mot égalité afin de compléter « Dans la limite des capitaux disponibles »
Bastien Grossin
Vidéo : Ombeline Frimat