Sous la Tente des Glaneurs, l’innovation germe et la solidarité fleurit

by lily.bo@academie.esj-lille.fr

Dimanche 5 octobre, dans la cour de la mairie de Wazemmes, Jean-Loup, fondateur de la Tente des Glaneurs, et une dizaine de bénévoles se lancent dans une course contre la montre pour donner vie à la tente. En trois heures, ils la montent, récupèrent les invendus du marché et installent leurs étals. Le système, bien huilé, grâce à la motivation des bénévoles, fonctionne par une pointe d’innovation solidaire. Leur mission : lutter contre le gaspillage alimentaire et cultiver la dignité de ceux qui viennent chercher leur panier gratuitement.

En entrant dans la cour, l’odeur du café fumant et les rires qui s’échappent des conversations en tout genre sont déjà omniprésents. Les « collaborateurs », comme aime les appeler Jean-Loup, le fondateur, se préparent pour recevoir le briefing. Sur la table trône le nouveau livre de Yann Arthus-Bertrand, que chacun parcourt avec fierté en y retrouvant leur portrait collectif. Cela fait quinze ans que la fine équipe se retrouve, tous les dimanches, pour collecter auprès des commerçants fruits, légumes, fleurs et pain oubliés du marché . Ils les redistribuent aux citoyens gratuitement pour que personne n’oublie que : « Jeter C’est Jeté, Donner C’est Mangé ». En apparence, cette démarche ressemble à celle des Restos du Cœur ou d’autres associations, mais la Tente des Glaneurs cultive autrement la solidarité.

"Les fleurs c'est la mission de Roméo et Juliette", Christian (bénévole)

Fleurs
Distribution de fleurs glanées

Depuis ses débuts, l’association distribue des fleurs à chacun de ses « accueillis ». Ce sont sept fleuristes du marché de Wazemmes qui contribuent à la collecte. Pour les commerçants, donner ses invendus, c’est la promesse d’une réduction de l’amende sur le gaspillage et d’une étiquette plus verte sur le marché. Les fleurs, selon Florence c’est « le pétillant des yeux ». Elles sont souvent la partie oubliée du gaspillage, pourtant elles représentent 6 à 8% du stock annuel d’un fleuriste. Celles-ci rappellent que rien ne se perd, tout peut encore se partager.

« On n’a pas de bénéficiaires, pour moi un bénéficiaire on lui met un gros scotch sur le front d’assisté », Jean-Loup

L’idée derrière l’association est de redonner de la dignité aux gens lorsqu’ils n’ont pas les moyens de se nourrir. La tente est ouverte à tous, pas besoin de carte pour recevoir son cabas : « ça leur coûte un sourire » (Jean-Loup). Les accueillis sont souvent redirigés par le CCAS ou les mairies de quartier.  Ils sont reçus un à un, chacun défilant avec son sac de courses devant le stand. C’est un joyeux échange entre les « bonjour, j’aimerais deux concombres », « comment va ta famille ? » et les « merci à bientôt ».
La présentation est primordiale pour que l’accueilli ait « les mêmes conditions que s’il venait au marché en payant » d’après Christian. Tout est pensé et travaillé pour que l’on ait l’impression d’arriver devant l’étal de notre maraîcher préféré, jusqu’aux meubles de boulangerie.

Part des accueillis
Étudiants 60%
Retraités 20%
Actifs 20%

« Chacun a son calendrier : t’es là c’est bien, t’es pas là c’est pas grave », Florence (bénévole)

Tri
Tri du glanage avant la distribution

Chez les Glaneurs, le bénévolat est à la carte, chacun choisit ses horaires. Pas de limite d’âge non plus, tout le monde peut venir de « 18 mois à 82 ans » à condition d’être motivé et souriant. Tous viennent d’horizons différents : Restos du Cœur, Papillon blanc, maraudes, salariés ou retraités, mais se réunissent pour la même récolte. Il y a même un bénévole brésilien, Boni, venu apprendre la langue française.

Première association franchisée au monde

L’association use du modèle entrepreneurial pour faire découvrir son concept solidaire à travers le monde. Déjà sept franchises de la Tente des Glaneurs à travers la France, une au Japon, une autre au Sénégal et l’association ne compte pas s’arrêter là. Pour Jean-Loup « c’est un modèle adaptable et réplicable » : il a déposé la marque et voyage à travers la France pour convaincre les mairies de l’adopter. Parfois il s’heurte à des résistances, mais continue de glaner, car il estime que la tente est « un gisement inépuisable de denrées ».

Eugénie Cassignol 

Photos Zoé Batard

Réflexion sur...

Et si l’anti-gaspi devenait tendance ?

En France, en 2023, 9,7 millions de tonnes de déchets alimentaires ont été produits. Parmi eux, 3,8 millions de tonnes étaient encore comestibles. Choquant, non ? Selon le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, chaque consommateur perdrait 100€ de pouvoir d’achat tous les ans à cause du gaspillage alimentaire. Le problème est d’ordre écologique, mais aussi économique.

Depuis quelques années, les entreprises peuvent compter sur l’intelligence artificielle pour rationaliser leur production, flexibiliser les approvisionnements et ainsi limiter les excédents. Des plateformes telles que Too Good To Go leur permettent de sauver les invendus et d’en faire profiter les consommateurs. Un deal économique et responsable, gagnant-gagnant !

Et nous, alors ? Comment pouvons-nous agir à notre échelle ? Peut-être en revenant à des gestes simples mais efficaces. Avant d’aller au magasin, préparer une liste de courses répondant à nos besoins, et éviter les achats impulsifs. Faire attention aux dates limites de consommation, à l’issue desquelles les produits sont considérés comme « périmés ». Cuisiner raisonnablement : s’il en reste dans l’assiette, l’idéal est de garder la nourriture au frais et de la consommer plus tard. Et surtout, faire preuve de créativité : utiliser les restes pour créer de nouvelles recettes. Dans cette optique, Frigo Magic vous suggère des recettes à partir d’ingrédients déjà présents dans votre frigo par exemple. 

Et si finalement, l’anti-gaspi devenait tendance ?

Alexandre Van Assche

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