Quand la précarité menstruelle dépasse la lutte associative !

En France, près de 4 millions de personnes menstruées sont concernées par la précarité menstruelle. Souvent associée à une lutte associative, des lieux du quotidien s’engagent eux-mêmes pour faciliter l’accès aux protections menstruelles à celles et ceux dans le besoin. A Lille, c’est le cas depuis quelques années du bistrot Les Sarrazins et du café Takk qui proposent de leur propre initiative des protections hygiéniques gratuites.

Situés près du marché de Wazemmes, ces deux établissements ont chacun pris la décision de mettre à disposition des produits menstruels gratuitement. Cette décision est le fruit d’une initiative personnelle car ils reconnaissent tous les deux le haut coût financier que ces produits peuvent représenter pour certaines personnes.

En 2025, près de 500 millions de personnes tout autour du monde sont touchées par la précarité. Causes économiques, politiques, géopolitiques et tabous, différents problèmes difficiles à résoudre. Nombreux sont les obstacles concernant ce problème sociétal. 

La précarité menstruelle est un phénomène désignant la difficulté pour de nombreuses personnes menstruées à se procurer des protections menstruelles.

Pour Les Sarrazins comme pour Takk, mettre en place cette offre s’est fait de manière naturelle, dès l’ouverture de l’établissement, ou quelques mois après. Tampons ou encore serviettes hygiéniques, ces lieux mettent ces produits à disposition. «On ne choisit pas d’avoir nos règles», rappelle une des employées du café Takk, prouvant la direction engagée de leur procédure.  

Pour Les Sarrazins, il était évident d’inscrire la précarité menstruelle dans leur combat et de proposer des solutions : «Nous luttons contre les précarités en général quelle que soit la forme qu’elles prennent.»

 

Fonctionnant principalement sur les dons des clients, des employés mais également sur l’investissement de l’établissement, ces deux lieux reconnaissent l’importance de la démarche personnelle de ces donateurs.

Cette participation collective est essentielle au fonctionnement. Elle reflète une dynamique d’entraide spontanée, rendue possible sans soutien associatif.

Serviette hygiénique et tampon à disposition gratuitement dans les toilette du café les Sarazins
Serviette hygiénique et tampon à disposition gratuitement dans les toilette du café les Sarazins - Marine Lemaitre

Production devenue marché ?

Malgré cette volonté d’apporter de l’aide aux individus dans le besoin, le fait que des lieux comme Les Sarrazins ou Takk fournissent des produits menstruels illustre le manque d’aide en général que subissent les personnes en situation de précarité. Aujourd’hui un paquet de serviettes hygiéniques classiques coûte environ 2 à 5 euros. Cette production est un véritable marché dominé par les enjeux économiques et non la nécessité de subvenir aux besoins d’autrui. Il est de plus en plus compliqué pour les personnes menstruées de trouver des produits menstruels abordables et sûrs. De plus, les principaux concernés par la question n’auront pas forcément comme premier réflexe d’aller dans ce genre d’établissements pour se fournir en protections; «[les demandes] ne sont pas fréquentes. On a reçu un tote bag à moitié rempli et il va nous servir pendant 6 mois à peu près» nous confie Takk. On constate donc l’impact que peut avoir le milieu associatif sur les luttes.

Aujourd’hui la question de la précarité menstruelle commence à prendre un peu plus d’ampleur dans l’espace public qu’il y a quelques années. De plus en plus d’initiatives citoyennes voient le jour, permettant à des individus d’obtenir gratuitement des protections hygiéniques. On peut désormais en trouver dans la rue, dans certains lieux publics ou dans des établissements du quotidien.

Ces initiatives locales montrent que, même à petite échelle, des solutions concrètes existent et s’appuient sur la mobilisation des citoyens comme des commerçants.

Daphné Carlier

Edito : Des inégalités même au sein des aides

En décembre 2023, alerté par les cris des associations féministes, le gouvernement Borne a adopté la mise en place, courant 2024, d’un remboursement des protections hygiéniques réutilisables pour les moins de 26 ans. Plus tôt dans l’année, les préservatifs disponibles en pharmacie sont, eux aussi, devenus gratuits pour les jeunes adultes. Néanmoins, ces deux actions bien que similaires ne bénéficient pas de la même attention et traitement de la part du gouvernement.

Si, nous étudions plus en détail la prise en charge des serviettes et culottes réutilisables, ces dernières sont remboursées à seulement 60%. Au contraire, les préservatifs sont pris en charge à 100% par l’assurance-maladie. Concrètement, il suffit de rentrer dans une pharmacie en montrant sa carte vitale puis le tour est joué. Pour les femmes, il faut envoyer sa facture à sa complémentaire, acte anodin en apparence mais qui alourdit davantage leur charge mentale.

Instinctivement, vous pourriez vous dire qu'outre cette différence, au moins l’État agit pour trouver des solutions pérennes. En réalité, le remboursement des protections réutilisables n’est toujours pas appliqué aujourd’hui. Cela fait donc plus d’un an, depuis la supposée mise en place, que le gouvernement ne communique et n’agit plus.
En parallèle, en 2025, des nouveaux préservatifs sans latex ont été inclus dans l’offre de remboursement, démontrant que l'État n’a pas oublié la santé de la jeunesse, mais fait l’impasse sur la précarité menstruelle.

Ainsi, la seule solution, face à ce vide abyssal d’informations, est d’interpeller, d’agir et de ne surtout pas se laisser anesthésier par l’indifférence.

Lison Braun

Vidéo réalisé par Perrine Carton

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