La “fast fashion” : de petits prix aux grandes conséquences
Cent milliards de vêtements sont vendus dans le monde chaque année, chiffre en constante augmentation. Pour attirer toujours plus de clients, les marques de prêt-à-porter n’hésitent pas à baisser les prix et ce, au détriment du droit du travail, de l’environnement ou encore de la liberté des travailleurs à l’instar des Ouïghours en Chine. Focus sur une industrie aussi lucrative qu’alarmante.
« Quand on achète un tee-shirt à 5€, ce ne sont pas que 5€ qui sortent du porte-monnaie », explique Antoine, militant depuis un an et demi à Extinction Rébellion Lille. Il y a effectivement des répercussions environnementales édifiantes. La mode culmine à la deuxième place des industries les plus polluantes. Les causes : une consommation exorbitante d’eau, une utilisation massive de pesticides ou encore un transport de vêtements qui peuvent parcourir jusqu’à une fois et demie le tour de la Terre. Le collectif d’Extinction Rébellion a décidé lors du premier samedi des soldes de juillet de « déambuler dans les rues de Lille avec une banderole de plus de 100 mètres constituée d’habits donnés par les membres ». Ils tiennent à rappeler que « le but n’est pas d’être dans la culpabilisation du consommateur ». Ils préfèrent être lanceurs d’alerte face à un « système dont il est difficile de sortir ».
Un système aux répercussions doublement négatives, autant sur le plan environnemental qu’humain
Avec pour programme « une semaine pour changer le monde », l’eurodéputé Raphaël Glucksmann a proposé récemment une série d’actions. Le but est d’imposer la fermeture des camps où sont enfermés par le régime chinois des millions de Ouïghours. Avec plus de 1,8 million de ouïgours détenus selon Human Right Watch, ces camps sont considérés comme la plus grande détention de minorité depuis la Seconde guerre mondiale. Dès 2018, Libération et l’ONU alertait sur la présence de camps d’internement accusés de lavages de cerveau, de stérilisation forcée ou encore de torture.
L’industrie de la «fast fashion», largement impliquée dans ce scandale humain
Plus de 180 organisations de niveau international dont la commission exécutive du Congrès américain sur la Chine ont établi des liens entre 83 grandes marques et travail forcé de cette minorité. Près de la moitié des marques épinglées pour complicité sont des marques de prêt-à-porter comme Nike, Zara, H&M, Uniqlo ou encore The North Face. On estime qu’environ 1 vêtement en coton sur 5 vendus dans le monde contient du fil et/ou coton issu de cette région. Dans un communiqué de presse, l’ONG « éthique sur l’étiquette » a ainsi indiqué que « les chaînes d’approvisionnement de la plupart des multinationales d’habillement sont entachées de travail forcé de Ouïghours ». Malgré tout, la Chine continue de clamer, et ce dans un livre blanc publié en septembre, qu’il n’y a « aucune discrimination contre les travailleurs sur la base de leur appartenance ethnique, leur région, leur genre et leur croyance religieuse ». Elle a seulement admis l’existence de centres de formation destinés à aider la population à trouver un emploi. Pourtant, 380 centres d’internement ont pu être identifié par des chercheurs australiens grâce à des images satellites.
Des alternatives ?
Achat de vêtements de seconde main, fabrication maison ou boycott, des alternatives à la fast fashion existent et fonctionnent. C’est le cas de Vinted, qui comptabilise 21 millions d’utilisateurs dans le monde. L’objectif n’est pas de « ne plus acheter mais d’avoir une consommation raisonnée ». L’idée est donc de faire « des achats de bonne qualité pour éviter d’avoir à les racheter fréquemment », précise Antoine. Moins consommer voire boycotter ces marques aiderait à enrayer ce fonctionnement basé sur une frénésie des achats et des marques prêtes à tout pour vendre à des prix toujours plus bas. Le collectif réclame ainsi « l’arrêt des soldes ». De plus, une meilleure sensibilisation et connaissance permettrait aux consommateurs de faire des achats plus réfléchis. C’est pourquoi des collectifs comme de « l’éthique sur l’étiquette » militent également pour la reconnaissance du droit à l’information des consommateurs.
Manon Hilaire
Zoom sur l'application Clear Fashion
Après la nourriture et les produits cosmétiques, les vêtements ont à leur tour droit au scan. Clear Fashion est une application de mode éco-responsable lancée en 2019 par deux entrepreneures, Marguerite Dorangeaon et Rym Trabelsi.
Rendre le secteur de la mode moins opaque est le défi que cette application s’est lancé. Gratuite, elle décrypte les engagements des marques et évalue celles-ci. En permettant de scanne un vêtement ou de rechercher manuellement une marque, les utilisateurs voient apparaître des notes allant de 0 à 100, correspondant à quatre critères : l’environnement, l’humain, la santé et les animaux.
Comment une marque se retrouve-t-elle sur l’application ?
Après un travail d’investigation, Clear Fashion contacte la marque et lui envoie un questionnaire sur ses pratiques. Les réponses et preuves associées sont vérifiées par un comité d’experts. Et lorsque les recherches ne permettent d’obtenir aucune information, l’application considère qu’il s’agit d’un risque potentiel et n’attribue pas les points sur le critère en question. Le travail de recherche est constant et les évolutions des marques actualisées.
Le consommateur a le pouvoir
Mais parfois, ça bloque. Les marques peuvent ne pas donner suite au questionnaire, ou falsifier les réponses. C’est pourquoi Clear Fashion compte sur les consommateurs pour savoir ce qu’il se cache derrière les vêtements qu’ils achètent. D’abord, plus il y aura d’utilisateurs, plus les marques assimileront l’importance de la démocratisation de ces informations. Aussi, l’application recherche des Ambassadeurs dans le but d’organiser des actions et accélérer le mouvement.
L’application est par ailleurs pleinement engagée dans la cause Ouïghours. Elle se sert de son contact permanent avec les marques du secteur textile pour les y sensibiliser, et reçoit régulièrement des réponses de leur part.
L’application est à télécharger gratuitement sur l’App store et Google Play.
Maxence Grunfogel