Lemodeshow, révéler la mode là où on ne l’attend pas

20h30, au cœur du quartier de Wazemmes. Au JOST Lille, un food-court et bar events au style cosmopolite, créateurs de mode, mannequins et curieux se sont donné rendez-vous pour partager une expérience créative et bénévole inédite. Pour sa première édition, le défilé Lemodeshow a réuni huit jeunes créateurs émergents venus présenter leurs collections au grand public, dans une atmosphère à la fois conviviale et festive.

Pendant une vingtaine de minutes, quarante-cinq mannequins ont défilé au rythme entraînant de Stromae, The Weeknd et d’autres artistes influents du rap US. Avant le défilé, le public peut se balader à travers les différents stands de créateurs venus pour l’occasion.

Stands mis en place par les créateurs avant le défilé

 

Un outil d’inclusion artistique

L’association Lemodeshow a été créée en 2022 par Sofien Abed pour promouvoir la culture artistique dans les Hauts-de-France et intégrer les différents acteurs habituellement exclus des circuits culturels de la mode. Ce défilé a pour vocation de révéler des jeunes talents (plus particulièrement des étudiants d’école de mode parmi les créateurs). Sofien considère son association comme « un outil d’inclusion ».

Les Hauts-de-France, un territoire à conquérir

Sofien, originaire de Paris, a remarqué que les créateurs de mode des Hauts-de-France étaient éparpillés. Son but en arrivant à Roubaix avec son association Lemodeshow était donc de « créer une synergie entre les villes et des réseaux de créateurs ». Il reproche aux collectivités locales des Hauts-de-France de ne pas s’intéresser davantage aux pratiques culturelles de la mode car selon lui « il ne se passait rien dans les Hauts-de-France ».
Cependant, Chandy, le co-organisateur de l’événement, nuance. En effet, il est difficile pour les créateurs du Nord d’obtenir de la visibilité pour se développer mais ce n’est pas par manque de moyens. Au contraire, les moyens sont là mais méconnus : « Il y a une mauvaise communication avec la MEL, on n’a pas forcément des personnes en face qui sont renseignées sur ce que nous faisons réellement » ainsi, « on se retrouve très vite à tourner en rond et tout seul donc forcément ça décourage ».

« Nous [organisateurs du défilé Lemodeshow] qui avons connaissance de certains outils, tels que les collaborations avec le JOST, pour promouvoir notre culture, notre art, nous en faisons profiter les autres. Nous leur faisons comprendre qu’ils peuvent le faire aussi, que c’est accessible ».
Chandy, co-organisateur du défilé Lemodeshow

Chandy, le co-organisateur de l’événement

Un milieu exclusif

Elisa, Christine et Dounia sont étudiantes en mode et travaillent en trio. Deux semaines auparavant, elles ont organisé un défilé auquel Sofien a assisté. Admiratif de leurs créations, il les a conviées au défilé Lemodeshow. Dounia affirme que c’est l’occasion pour elles de se mettre en scène : « On ne trouve pas facilement du travail derrière, c’est un milieu assez restreint, assez fermé et le fait qu’on soit contactées pour participer au défilé Lemodeshow c’est hyper gratifiant. »
Gemyma, une créatrice ayant également participé au défilé, insiste sur le caractère compétitif de ce milieu : « Il y a beaucoup de talents autrement dit il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Pour se démarquer il faut réussir à avoir ton univers propre et avoir la chance de rencontrer les bonnes personnes qui te donneront la visibilité dont tu as besoin. » Pour la majorité des neuf créateurs présents, c’est le premier défilé de mode extrascolaire auquel ils participent.

« Dans la mode, il faut être patient. Au fur et à mesure des événements on aura plus de visibilité. Mais déjà, avoir des photos et pouvoir dire qu’on a participé à des événements c’est très bon pour le portfolio et le CV ».
Dounia

Expérience, visibilité et contacts

À peine quelques minutes après la fin du défilé, Claire, étudiante en psychologie et mannequin amatrice, s’est déjà fait repérer par un modèle venant d’ouvrir son agence de mannequinat. Claire rayonne : « Elle m’a proposé de les rejoindre ! Elle m’avait déjà vue sur d’autres défilés et avait plus ou moins repéré mon profil. » Se créer un réseau et disposer d’un cadre où se mettre en avant, là est tout l’enjeu de ce défilé.
Gemyma, la créatrice des pièces portées par Claire, insiste sur la nécessité d’avoir un ancrage dans ce milieu : « la visibilité me permet de parler de ma marque, de mon projet et si je veux commencer à commercialiser mes pièces j’ai une base, je ne sors pas de nulle part ».
En plus d’alimenter le CV, cet événement renforce l’expérience de ces jeunes créateurs : « Aujourd’hui, si je veux monter mon propre défilé j’ai une vision de comment ça peut se passer » (Gemyma). L’aspect humain est aussi très présent lors de ces défilés. S’encourager et se tirer vers le haut remettent un coup de boost : « D’autres créateurs peuvent complimenter tes pièces et ça remonte vraiment le moral, ça fait chaud au cœur ».

Gemyma et ses créations lors du défilé Lemodeshow

 

Et après ?

Sofien Abed n’est pas à court d’idées pour aider ses petits créateurs. Il a déjà prévu d’ouvrir un concept-store atelier afin de créer un espace de création et de mise en commun pour ces derniers.

Sidonie David

 

Luxe, paillettes et CO2

Comme l’écrivait Gustave Flaubert, « l’art est la recherche de l’inutile ». Mais l’inutile a parfois un parfum de kérosène. Derrière le vernis scintillant de la mode, l’entre-soi du luxe continue de voyager sans scrupule, persuadé que la beauté excuse tout.
Du 29 septembre au 7 octobre, la Fashion Week de Paris a rassemblé les mêmes visages, les mêmes élites aux quatre coins du monde. Selon Carbon Trust, les Fashion Weeks de New York, Londres, Milan et Paris, produiraient chaque année 241 000 tonnes de CO2, ce qui équivaut à éclairer Times Square pendant 58 ans. C’est 147 000 tonnes de C02 généré rien que pour les trajets en avions. La planète paie le prix d’un spectacle que seuls les privilégiés peuvent contempler.
Pour contrebalancer Gabriela Hearst a orchestré le premier show éco-responsable lors de la Fashion Week de New York de 2019. La créatrice s’est assurée de ne caster que des mannequins qui étaient déjà sur place, afin que personne n’ait besoin de prendre l’avion.
En moins d’un an, elle a fait de Chloé la première maison de luxe certifiée B Corp, un label récompensant les entreprises engagées pour des objectifs sociaux et environnementaux.
Certaines icônes du luxe, comme Stella McCartney, pionnière de la mode responsable, présentent des collections conçues dans une démarche respectueuse de l’environnement et du bien-être animal.
Attention cependant le greenwashing guette et la « mode responsable » ne doit pas devenir une simple tendance marketing. Le BHV ne s’est pas donné la peine de faire semblant, en accueillant dans leur bâtiment la marque d’ultra fast fashion Shein.
Aujourd’hui LEMODESHOW respire l’air pur des projets naissants mais n’est-ce pas avant tout le privilège d’un événement encore à taille humaine ? Et quand viendra l’heure de grandir, la vertu survivra-t-elle à l’ambition ?

Lise Clavreul

Vidéo: Lisa Gagneuil

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