Alors que la jeunesse est de plus en plus préoccupée par les enjeux du changement climatique, de nouvelles formes de recyclage se développent. Esperance Fenzy, à l’origine de l’entreprise EtNISI, a trouvé un moyen de recycler de nouveaux déchets pour créer le Wasterial. Il s’agit d’une matière qui sert à fabriquer du carrelage, des meubles, des objets de décoration… et qui peut être recyclée à l’infini.
C’est en face de l’ancienne faculté de Médecine et de pharmacie, rue Jean-Bart, que se situe la petite entrée de l’entreprise lilloise EtNISI. Celle-ci cache de grandes avancées dans le milieu du recyclage. En effet, depuis 2017 EtNISI se penche sur la création d’une nouvelle matière : le Wasterial. Ce mot-valise se compose de “waste” , qui signifie déchet en anglais, et de “material”, comme l’explique Quentin Delamotte, chef de projet et commercial dans l’entreprise.
L’objectif est de produire une matière constituée d’au moins 75 pourcents de déchets recyclés. Les déchets en question n’ont pas encore de filière de recyclage en France contrairement au plastique par exemple. Alexandre Dupont responsable de recherche et développement travaille constamment pour la création de nouvelles matières qui permettraient de revaloriser des déchets locaux. C’est ainsi que les fameuses coquilles de moules de la braderie de Lille sont nettoyées, broyées puis transformées en une matière molle grâce à un liant.
Cette matière, c’est notre Wasterial qui n’a plus qu’à sécher à l’air libre dans des moules pour prendre la forme de l’objet désiré. Ce processus qui ne demande ni cuisson ni eau est frugal en énergie. Il est adapté pour le traitement de différents déchets tels que le pare-brise, la brique, le sable de fonderie…
Diffusion d’une production à base de matière recyclée dans les entreprises
Cependant, EtNISI ne se limite pas à la recherche et la fabrication de ce matériau mais propose surtout aux entreprises de se fournir en Wasterial pour leur production. Pour faire la démonstration des usages concrets de ce matériau, l’entreprise tient une usine de 6 opérateurs de production et fabrique des tables, des chaises, des tabourets, des objets de décoration… 2 tonnes de déchets sont recyclés tous les jours pour produire entre 400 et 600 pas japonais qui sont vendus dans tous les Leroy Merlin, Gamm Vert, Jardiland de France. Cela permet d’avoir un premier retour client.
Les limites d’un recyclage encore en cours de développement
Le processus a aujourd’hui des limites de performances techniques en fonction de l’usage futur du matériau. C’est-à-dire que pour ce qui est du mobilier d’intérieur, des objets de décoration, il va être relativement simple d’utiliser du Wasterial 100% recyclé. Mais concernant des éléments extérieurs ou du carrelage par exemple, la matière va être soumise à des intempéries, du gel, des changements de température. Alors pour atteindre une certaine performance technique le liant utilisé dans le Wasterial sera non recyclé. Des recherches sont néanmoins en cours pour atteindre les performances techniques demandées avec un liant bio sourcé. Ce qui signifie qu’il serait produit à partir d’éléments qui minimisent l’impact environnemental.
Un employé de Cinna, un magasin de meubles à design rappelle aussi que la clientèle du mobilier fabriqué en France, de haute gamme, appartient à une génération qui est moins sensibilisée à la question environnementale, bien qu’un changement des mentalités soit en cours. Et que par conséquent, la demande aujourd’hui dans ce genre de magasin n’est pas encore totalement adaptée à de tels changements en production.
Symbole d’une prise de conscience globale, cette entreprise pratique de nouvelles formes de recyclage. Nous aurions aussi pu parler d’upcycling, qui est aussi une nouvelle forme de recyclage et qui consiste à plus à réparer les objets qu’à en transformer les matières premières. On peut espérer qu’avec cette prise de conscience, la demande pourra changer, entraînant avec elle les modes de production pour arriver à une consommation plus vertueuse.
Felix Leroy
Des déchets détournés en œuvres d’art éco-responsables
L’expression « upcycling » nait dans les années 90. Elle a été proposée par Reiner Pilz, ingénieur allemand reconverti en designer d’intérieur. Tandis qu’un objet recyclé sera souvent de qualité égale voire inférieure à celui d’origine, celui recyclé « par le haut », aura une valeur ajoutée… Une valeur souvent artistique.
Pablo Picasso est l’un des premiers à utiliser le recyclage dans l’art. C’est en 1908 qu’il utilise ce concept pour la première fois, en utilisant un support carton pour son œuvre Le Rêve. Plus tard, en 1942, il rend hommage à la Tauromachie avec sa sculpture Tête de taureau, assemblée à partir d’un guidon et une d’une selle de vélo.
Si les intentions affichées de Pablo Picasso ne sont pas explicitement dénonciatrices d’une surconsommation, celles de Arman, sculpteur franco-américain des années 1960, se distinguent par leur ton engagé. Dans ses œuvres d’art, il place la société face au gaspillage abusif qu’elle génère, en collectant des déchets dans des boîtes en plexiglas, ou encore, en recyclant de vieux objets (horloges, vieilles valises, outils…) pour en faire des tableaux.
Depuis, le concept s’est considérablement développé jusqu’à s’imposer en tant que forme d’art véritable. Ces dernières années, l’upcycling est même franchement devenue une tendance dans le milieu artistique, que ce soit dans la décoration designe, le street art, la mode ou l’art contemporain.
Bien que ce concept soit très utilisé par les artistes engagés en faveur de l’environnement, il s’agit d’un véritable travail de créateur : c’est tout autant dans une démarche artistique, qu’écologique que les déchets sont détournés, l’objectif étant de montrer que les objets obsolètes du quotidien peuvent entrer dans un processus artistique de création.
Anouk Jobert
Donner une deuxième vie à son dressing avec Deuxième Soi
Louis Preuvot