Rendre les femmes plus visibles dans l’espace public, le combat de Ratiba Mokri
Posted On 27 novembre 2021
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Souriante, 1,65m à tout casser et cheveux grisonnant, c’est la clope au bec que Ratiba nous accueille. C’est en 2010 qu’elle pose ses bagages à Lille. À Fives plus précisément. À l’époque, elle y trouve un quartier vivant, avec plusieurs boutiques en tout genre. Mais une à une, elles finissent toutes par fermer. Laissant place à des kebabs et à des cafés. Des lieux uniquement détenus par des hommes.
Mais où sont donc passée les femmes ? Ratiba part à leur rencontre. Elles témoignent. Pour beaucoup d’entre elles, même constat : elles préfèrent rester chez elles. La rue appartient aux hommes, elles ne s’y sentent plus à l’aise. C’est en 2016, suite à la mort de sa mère, que Ratiba décide de se lancer dans un grand projet : créer un centre social, culturel et artistique pour les femmes. Naît alors, en 2018, Chez Djouheur. « J’ai choisi ce nom car c’était le prénom de ma mère mais surtout parce que ça veut dire perle, en Kabyle. Et je pense que toutes les femmes sont des perles », confie Ratiba.
L’intérêt que Ratiba porte à la place des femmes dans la société n’est pas récent. En effet, d’origine algérienne, elle grandit dans la banlieue lyonnaise où elle côtoie le racisme et la misogynie. Dernière d’une fratrie de dix enfants, sa famille reste très attachée aux traditions et à la religion. C’est en observant sa mère, qui était femme au foyer, et ses sœurs qu’elle commence à s’intéresser à la place des femmes. « On attendait d’elles qu’elles deviennent ce que j’appelle des “bonnes-mains”. C’est-à-dire, qu’elles fassent à manger et le ménage. Les études oui, mais ce n’était pas la priorité. Ma famille a été un très bon élément de sociologie pour comprendre la place de la femme dans la société », affirme-t-elle.
C’est à travers l’art qu’elle décide d’exister, de se libérer. Le bac en poche, elle rentre aux beaux-arts pour pratiquer la peinture. C’est en 2010 que l’aventure, la vraie, commence. Ratiba fonde en effet La Compagnie Ratibus, association d’artistes pluridisciplinaires. Comédienne, clown et peintre, elle multiplie les casquettes.
Forme d’engagement mais surtout moyen d’expression, l’art est selon Ratiba le meilleur moyen pour développer sa part de rêve. C’est d’ailleurs ce qu’elle cherche à apporter aux femmes qui viennent chez Djouheur. En effet, atelier peinture, poésie ou encore tapisserie, l’art anime la vie de l’association. Ratiba se dit aujourd’hui très fière de voir son projet tenir depuis maintenant trois ans. Toutefois, reste encore à construire un noyau solide pour voir Chez Djouheur perdurer sur le long terme.
Lucie Feuillolay
La sous-représentation des femmes touche de nombreux domaines et les lieux publics ne manquent pas à l’appel. En effet, en France, seulement 6% des rues portent le nom d’une femme. Ce manque de parité a également été constaté à Strasbourg où on comptait sept fois plus de noms masculins que féminins dans les espaces publics. Dans une optique de réaménagement, le Conseil Municipal de la ville, Eurométropole et la SPL « Deux-Rives » se sont engagés à renommer de nombreux espaces publics. L’annonce a été faite le 8 mars dernier, à l’occasion de la journée des droits de la femme. Des femmes engagées dans l’action publique, dans le syndicalisme et dans la lutte pour leurs droits sont mises à l’honneur.
Place des Ouvrières de la Coopé, allée Eleanor-Marx, allée Käthe-Kollwitz, allée Adèle-Klein, allée Martha-Desrumaux, rue Lucie-Baud et rue Huguette-Malbos, la liste est longue. La ville est ainsi passée de 5% de rues honorant des femmes à 23% selon la SPL « Deux-Rives ».
Pour rendre la femme plus visible dans l’espace public, le collectif Nous Toutes avait rebaptisé en mars 2019, 1 400 rues parisiennes avec des noms de femmes. C’est ce qui a amené la ville de Strasbourg à sauter le pas. Ainsi, dans le cadre d’une commission de dénomination des rues existant depuis 1873 à laquelle participe depuis 2011 la Mission droits des femmes et égalités de genre, la ville a mené pendant plus d’un an un travail de longue haleine pour parvenir à une meilleure parité homme-femmes dans le domaine des noms de rues.
Gabrielle Fromont
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